Rigoletto de Verdi à l’Opéra de Montréal

2010/10/12 | Par Marie-Paule Grimaldi

L’Opéra de Montréal ouvre sa saison avec Rigoletto de Verdi, une œuvre aux nombreux airs connus, avec une production qui n’étonne pas mais vise juste. Pourtant, le rôle principal est un des plus difficiles du répertoire par le registre d’émotions qu’il impose : Rigoletto est plus que triste, il est aussi torturé et colérique, et son destin sera ravageur. Populaire peut-être, facile non.

En pleine Renaissance, bouffon pour le duc de Mantoue, libertin notoire et sans scrupule, Rigoletto le bossu se sert de sa langue comme d’une arme. Un père déshonoré par le duc et raillé publiquement le maudit. Le bouffon connaît la force des mots et reste consterné par ces paroles.

Sa plus grande inquiétude : sa fille, la belle et pure Gilda, qu’il cache de peur de se faire prendre. Elle tombera néanmoins sous le charme du duc, puis se fera enlever par les courtisans. À son tour bafoué, Rigoletto cherche vengeance et engage un assassin, mais il ne fera qu’entraîner la mort de Gilda et l’accomplissement de la malédiction.

Amour filial et condamnation de l’enfant par le père, sincérité des classes populaires contre la décadence des nantis, le bossu, la colère du renégat, la mort et la beauté du sentiment pur, Rigoletto est tiré d’une pièce de Victor Hugo et on y retrouve plusieurs thèmes marquant son œuvre, mais surtout toute la complexité dramatique qu’on peut espérer à l’opéra. La production est étoffée, les costumes et les décors sont somptueux, classiques mais superbes.

Anthony Micheals-Moore, le baryton interprète de Rigoletto, offre une performance soutenue mais peu émouvante, ne parvenant pas à éveiller la pitié ou le désarroi qu’il devrait et évoque peu de tourment.

Le duc interprété par le ténor David Pomeroy charme et éclipse plus d’une fois Rigoletto, de même que par la basse Ernesto Morillo dans le rôle court mais déterminant de Sparafucile, l’assassin.

Mais c’est la soprano Sarah Coburn qui ravit et éblouit en Gilda, douce et amoureuse, et qui offre des solos saisissants. Le quatuor de troisième acte est aussi un moment remarquable, mais la mise en scène, très dynamique dans son ensemble, étale parfois des superpositions entraînant une surcharge vocale.

Le metteur en scène François Racine choisit l’aspect clinquant de l’œuvre plutôt que d’investir l’émotion. On en ressort peu convaincu mais tout de même enchanté par cette production traditionnelle, de l’opéra comme on s’y attend.