Hydrocarbures : les Madelinots montrent la voie

2010/10/14 | Par Raymond Gauthier

L’auteur réside aux Iles de la Madeleine

Ça fait une traille qu’on ne descend plus dans les rues de Montréal en grosse gang ! Genre les manifs populaires de Québec, où la « majorité silencieuse » n’hésite pas à se secouer les puces par dizaines de milliers, du moins lorsqu’il s’agit de faire ravaler les taxes au ministre des Finances ou de mousser les projets de nouvel amphithéâtre et d'une franchise de la LNH !

À Québec comme à Montréal, essayez voir de faire sortir le monde dans la rue pour signifier au gouvernement Charest qu’on en a raz le bol de ses magouilles et lui montrer la sortie.

À Québec comme à Montréal, essayez voir de faire sortir le monde dans la rue pour arrêter l’industrie gazière et pétrolière à Caillé de nous mener par le bout du nez et nous faire prendre notre trou (j’allais dire leurs trous).

À Québec comme à Montréal, et même dans Lotbinière ou en Montérégie, essayez voir de faire sortir le monde dans la rue pour empêcher les bulldozers, les foreuses, les camions-citernes de passer sur leurs terres. À part quelques irréductibles…

Une fois l’indignation passée, « le monde ordinaire » retourne bien tranquille au boulot qui lui permet de bien se caller dans son confort et son indifférence.

Attaboy ! Les prédateurs ont la voie libre… pour installer leurs gréements et commencer à zigonner en-dessous des terres agricoles, en-dessous des nappes phréatiques, en-dessous des maisons dans les rangs et dans les villages.

Au cours de la dernière dizaine, des Madelinots – qui sont habituellement plutôt affables et accommodants – sont sortis de leurs coquilles et ont élevé le ton pour dire que ça ne passerait pas.

Que la patience ou même la bonasserie ont des limites. Que les envahisseurs sous l’enseigne de Gastem ne mettraient pas les pieds dans leurs îles avec leurs foreuses.

Que les envahisseurs sous la bannière de Corridor Resources ne s’installeraient pas dans le golfe du Saint-Laurent, fonds de pêches partagés depuis belle lurette avec des communautés voisines des Maritimes.

Le samedi 2 octobre, intersection René-Lévesque-University, devant le siège social du prospecteur gazier montréalais Gastem, des Madelinots de la diaspora montréalaise, appuyé par quelques résidents madelinots de passage et plusieurs citadins amoureux des Îles, se sont rassemblés pour un tintamarre pacifique et convivial.

Pour dire à Raymond Savoie – qui a obtenu la propriété exclusive du sous-sol insulaire, à 10¢ l’hectare pour pouvoir y siphonner gentiment du gaz naturel –, qu’il n’est pas bienvenu pour réaliser ses ambitions.

Plus d’une centaine de personnes – principalement des étudiants et de jeunes familles originaires des Îles – ont brandi des pancartes dans une cacophonie ponctuée de discours, de musique et de danse, voulant signifier leur détermination à empêcher le viol de leur territoire.

Le lundi 4 octobre, le feu vert était donné du côté de Terre-Neuve au projet de levés sismiques par la compagnie Corridor Resources d’Halifax sur la portion terre-neuvienne du gisement Old Harry, dans le golfe, à 80 km au large des Îles de la Madeleine.

Le samedi 9 octobre, à un millier de kilomètres de distance l’une de l’autre, deux marches simultanées se sont déroulées :

  • l’une à Cap-aux-Meules, où plus d’une centaine de jeunes manifestants résidants occupaient la rue Principale et la façade du bureau du député libéral Chevarie ;

  • l’autre dans la Capitale nationale, où près de deux cents manifestants – encore là principalement des étudiants et de jeunes familles originaires des Îles – ont défilé bruyamment depuis les Plaines d’Abraham jusqu’au Parlement.

Le message était le même aux deux endroits et dirigé cette fois sur les deux cibles Gastem et Corridor Resources. Pas question ! No way !

Les citadins de Montréal ou de Québec ne sont pas impressionnés outre mesure du fait qu’une centaine ou plus de Madelinots de naissance, d’adoption ou de cœur sortent manifester dans leur ville. Une goutte d’eau dans un océan d’incognito et d’indifférence.

Mais, considérant que les insulaires résidants constituent une population de quelque 13 000, lorsqu’une centaine ou plus de Madelinots sortent dans la rue à Cap-aux-Meules, c’est tout comme si les rues de Montréal étaient assaillies par une quinzaine de milliers de manifestants !

Selon mon évaluation des trois événements qui se sont produits dans l’espace de 8 jours, la glace est brisée. Les quelque 450-500 personnes au total ont donné le signal.

Tenez-vous bien. Si la tendance se maintient, le bon sens va triompher de la cupidité : le vieux Harry va pouvoir dormir en paix dans les tréfonds du golfe et le territoire des Îles ne sera pas profané par une industrie qui n’a pas sa place.

Actuellement, c’est David contre Goliath.

Mais attendez que les Madelinots de Verdun et tous les Montréalais sympathisants sortent de leur salon.

Attendez que les Maritimers, qui partagent le même golfe Saint-Laurent que nous, disent avec nous à Dany Williams qu’il n’est pas question qu’il s’entête à toucher à cette richesse commune sans notre consentement.

Attendez que les Québécois des Basses-terres laurentiennes (menacés eux aussi) se rallient par solidarité envers d’autres communautés, de la Gaspésie, de la Côte-Nord et des provinces maritimes : ces communautés qui sont redevables des ressources renouvelables du golfe du Saint-Laurent et qui tiennent à leur mode de vie et à l’intégrité de leur territoire.

Mal venus seront les gouvernants et les industriels qui s’entêteront à vouloir nous bousculer : nous sommes de plus en plus nombreux et déterminés. Et, ce qui est encourageant, c’est la jeune génération qui prend le relais des aînés essoufflés que nous sommes !

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