Carlos, révolutionnaire ou mercenaire?

2010/10/18 | Par Ginette Leroux

La salle 8 du Quartier Latin était presque remplie en plein jeudi après-midi. Comment des spectateurs ont-ils pu rester, hypnotisés, sur leur siège durant cinq heures et demie entrecoupées d’une seule pause de dix minutes? Simple. Le film était bon.

Il s’agit de Carlos, le dernier film du réalisateur français Olivier Assayas, une présentation unique de la version longue dans le cadre de la programmation du Festival du nouveau cinéma. La version courte de deux heures quarante-cinq est en salles depuis le 15 octobre.

À Paris, le 28juin 1973, un attentat est perpétré par les services secrets israéliens contre Mohammed Boudia, un militant algérien, chef de l’organisation palestinienne Septembre noir. C’est à la même époque que Ilich Ramirez Sánchez rejoint l’armée révolutionnaire pro-palestinienne (Front Populaire Libération pour la Palestine) de Wadie Haddad et qu’il accomplit ses premiers faits d’armes.

Désormais, il sera connu sous le nom de Carlos, un pseudonyme qu’il choisit en l’honneur de Carlos Andrés Pérez, président du Venezuela de 1974 à 1979, qui nationalisa les industries du fer et du pétrole et mit en place de nombreuses mesures sociales, décisions chères au futur révolutionnaire international.

Sa collaboration tumultueuse avec le FPLP se terminera abruptement en 1978.


Un scénario d’actions

Le film d’Assayas, tourné d’abord en version longue pour la télévision puis écourté pour le grand écran, ne fait référence qu’à la « carrière » de combattant de Carlos, ne s’attardant ni à ses origines vénézuéliennes ni à sa condamnation à perpétuité qu’il purge depuis 1997 dans les prisons françaises pour l’attentat parisien de la rue Toullier survenu le 27 juin 1975 au cours duquel deux policiers de la Direction de la Surveillance du Territoire (DST) et un indicateur ont perdu la vie.

Le célèbre détenu reviendra en cour d’assises spéciale de Paris au printemps prochain pour répondre à d’autres accusations concernant une série de quatre autres attentats meurtriers commis en France entre 1982 et 1983.

Le choix du cinéaste s’avère justifié puisqu’il en résulte une action serrée, complexe, débordant de scènes grandioses qui mettent en valeur les missions secrètes menées par le plus énigmatique révolutionnaire de la planète et son groupe de résistants au service de la cause palestinienne pour contrer l’impérialisme américain et le sionisme des années 1970 à 1990.

Des films d’archives émaillent les coups d’éclat de Carlos, ce qui contribue à la crédibilité du flamboyant personnage dont l’unique objectif était de mener ses hommes à la victoire.


L’attentat spectaculaire de Vienne

La scène la plus spectaculaire du film est celle de l’attentat de Vienne, jugé le plus audacieux de tous. Le 21 décembre 1975, onze ministres des pays producteurs de pétrole (OPEP) et des dizaines de leurs collaborateurs réunis dans la capitale autrichienne sont pris en otages. Le commandant Carlos et de ses hommes doivent s’acquitter d’une double mission : exiger le versement d’une importante rançon et tuer le ministre du Pétrole saoudien Ahmed Zaki Yamani, à l’époque considéré comme l’un des hommes les plus puissants du monde, ainsi que son homologue iranien Jamshid Amozigar.

Après d’amères tractations avec les autorités autrichiennes, un DC-9 est affrété pour conduire les hommes armés et leurs prisonniers vers l’Algérie. La galère de trois jours tire à sa fin lorsque s’installe la confusion. La résistance des autorités algériennes rend l’opération ingérable pour le chef du commando fatigué et vulnérable. Contre la consigne formelle, Carlos accepte l’argent offert par les représentants algériens. La confiance est rompue avec le chef du mouvement palestinien.


Révolutionnaire ou mercenaire?

Carlos revêt alors toutes les apparences d’un mercenaire. Bien au-delà de la lutte militante, le combattant au service des opprimés qu’il était travaille d’ores et déjà pour de l’argent. Il vend au plus offrant son savoir-faire désormais célèbre. Sa nouvelle clientèle : l’Irak, la Syrie et la Roumanie. Mais les temps changent. La trahison devient monnaie courante, transformant de nouveaux amis en ennemis jurés. « La guerre est finie et on l’a perdue », laissera-t-il échapper dans un court moment de lucidité éthylique.

Sympathique Carlos? À vous de juger!

Carlos, un film d’Olivier Assayas, à l'affiche le 15 octobre.

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