Recycler les 800 emplois de Gentilly-2

2010/10/18 | Par Pierre Jasmin et al.

En entrevue à Radio-Canada/Mauricie, le vendredi 24 septembre, le député indépendant Éric Caire renchérissait sur son ancien collègue Gérard Deltell sur « la nécessité de préserver les 800 emplois bien payés » de Gentilly-2.

En militant pour « la réfection » de cette centrale vétuste et dangereuse, les deux députés proposent aux Québécois de s’enfoncer encore davantage dans le bourbier nucléaire en transmettant aux générations futures la responsabilité de résoudre ses problèmes.

À l’opposé, le député de Nicolet-Yamaska, Jean-Martin Aussant, a sagement insisté sur le fait que des milliers d'emplois pourraient être créés dans le secteur des énergies renouvelables, si l'on utilisait à meilleur escient les milliards de dollars que l'on s'apprête à allouer à la reconstruction d'une centrale nucléaire inutile et à la technologie déficiente.

Notre plan B pour un changement de mission à G-2 assurerait la sécurité, selon les plus hauts standards connus aujourd’hui 1) de  l’enveloppe du réacteur 2) du bâtiment  logeant  la piscine contenant les 2500 tonnes de déchets radioactifs de combustibles irradiées et 3) des « silos » contenant les autres déchets radioactifs accumulés depuis 25 ans sur le site.

Ajoutons à cela les investissements essentiels au monitoring de la radioactivité pendant et après les activités découlant du démantèlement complet des sites de G1 et G-2 et notre plan B entraînerait le maintien et même la création de nouveaux emplois dans la région.

Ceux-ci, en plus de résoudre enfin les nombreux problèmes engendrés par le secteur électro-nucléaire, s’exerceraient dans un contexte plus sécuritaire, et pour les travailleurs et pour les citoyens vivant à proximité des installations nucléaires.

L’argument électoraliste et réducteur des 800 emplois à G-2, rabâché aussi par le gouvernement actuel et Hydro-Québec, dénature sans nuance la vérité.

En faisant preuve d'une complaisance excessive envers l‘industrie nucléaire, il démontre un manque de connaissance approfondie du dossier et surtout un manque d’imagination et de vision de la part de ceux qui l’utilisent. Car il faut mettre fin, de manière créative, à l’aventure nucléaire qui nous a déjà fait perdre collectivement au Québec une somme de plus de 10 milliards de $  :

  1. Coût de l’entreposage à long terme des 2500 tonnes de déchets radioactifs déjà produits par Gentilly-2 : environ 2,5 milliards de dollars, selon des normes internationales qui évoluent sans cesse vers le haut (coût sous-estimé par Hydro-Québec à 0,5 milliard) ;

  2. Coûts des subventions accordées à Énergie Atomique Canada Limitée (EACL, firme de la couronne) = 26 milliards : la part de nos impôts québécois en est donc d’environ 5 milliards ;

  3. Coût du démantèlement de Gentilly-2 à la fin de sa vie utile : au moins un milliard ;

  4. Coût du démantèlement de Gentilly-1, propriété de EACL, qui doit être payé par le gouvernement fédéral : la part du Québec = 200 millions ;

  5. Coûts de la « réfection » de la centrale nucléaire de Pointe Lepreau (Nouveau-Brunswick) endossés par EACL: la part du Québec pourrait y dépasser 0,5 milliard. Heureusement, notre pétition à l’Assemblée Nationale, déposée le 18 mars dernier par le député Amir Khadir, a provoqué une semaine plus tard le retrait d’Hydro-Québec de l’achat ruineux d’une centrale en arrêt dont on vient d’annoncer le ènième prolongement de « réfection » !

  6. Coûts de nettoyage des terrains très contaminés de radioactivité, notamment à Chalk River, que EACL possède : tant mieux si la part du Québec y atteindra «seulement» un milliard !

Le grand total de tous ces coûts soigneusement cachés ou ignorés publiquement est donc de plus de 10 milliards de dollars, c'est-à-dire 12 millions pour chacun des 800 emplois que MM Deltell et Caire cherchent à préserver coûte que coûte !

De si grands coûts pour notre société et les générations montantes pour une poignée de kilowatts/heure ne devraient-ils pas susciter l’intérêt de futurs enquêteurs concernant la corruption des dirigeants du Québec ?

Et pourtant, en ce qui concerne les emplois des ingénieurs, techniciens et autres spécialistes du nucléaire, les travailleurs de G-2 ne devraient pas s’inquiéter outre mesure.

Car le domaine du nucléaire ne se limite pas à faire chauffer de l’eau pour produire de l’électricité dans des conditions techniques très complexes et dangereuses.

Il y a de multiples applications très intéressantes où le personnel actuel de G-2 pourrait se valoriser. Hydro-Québec pourrait prendre exemple sur les perspectives de carrière offertes par le Centre d’étude d’énergie nucléaire (SCK-CEN) en Belgique : http://www.sckcen.be/fr/SCK-CEN/Perspectives-de-carriere

On y a développé trois instituts scientifiques qui étudient chacun un domaine spécifique des applications nucléaires, en accordant la priorité à la recherche dans les domaines à pertinence sociale, tels que la sûreté des installations nucléaires, la radioprotection, la gestion et l’évacuation sûres des déchets radioactifs, la lutte contre la prolifération non contrôlée des matières fissiles, ainsi que la formation et le training et les applications pacifiques industrielles et médicales des sciences et de la technologie nucléaires.

Ainsi, à Gentilly-2, en développant une méthodologie de démantèlement spécifique aux réacteurs CANDU, payée à même les fonds déjà provisionnés à cet effet, la perspective de conserver et même de développer des expertises variées dans le domaine nucléaire serait-elle très encourageante.

(s) Daniel Breton, Michel Duguay, Gordon Edwards, Michel Fugère, Isabelle Gingras, Philippe Giroul, Pierre Jasmin, François Lapierre, Éric Notebaert, Daniel-Jean Primeau, Lucie Sauvé, Christian Simard, Laure Waridel,

Daniel Breton, Maître chez-nous 21ième siècle
Michel Duguay, Mouvement Sortons le Québec du Nucléaire
Gordon Edwards, Regroupement pour la surveillance du nucléaire
Michel Fugère, Mouvement Vert Mauricie
Isabelle Gingras, Sept-Îles Sans Uranium
Philippe Giroul, Mouvement Sortons le Québec du Nucléaire
Pierre Jasmin, Artiste pour la Paix
François Lapierre, Association de Protection de l'Environnement des Hautes-Laurentides. et Réseau Québécois des groupes écologistes
Éric Notebaert, Association des Médecins pour la survie Mondiale
Daniel-Jean Primeau, Artiste pour la Paix
Lucie Sauvé,
Christian Simard, Nature Québec
Laure Waridel, Écologiste



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