Laïcité & droits des femmes : « Équité » et « Égalité » ne sont pas synonymes

2010/10/25 | Par Serge Charbonneau

Mme Wassyla Tamzali donnait hier au Musée de la civilisation de Québec une conférence sur la laïcité et les droits des femmes. Un endroit de prédilection (musée de la CIVILISATION) pour donner une telle conférence.

La salle était comble comme lors des deux autres conférences données cette semaine à Ottawa et à Montréal par cette avocate et ex-directrice des droits des femmes à l’UNESCO (entre autres [1]).

Il y avait beaucoup de femmes, mais malheureusement très peu de jeunes femmes. Les jeunes femmes considèrent-elles la condition féminine comme étant satisfaisante et que leurs droits sont immuables ?

Laïcité et surtout droits des femmes, voilà le sujet dont nous entretenait cette Algérienne de culture musulmane. Une vision de l'intérieur alimentée par un vécu riche en actions et en réflexion

Mme Tamzali a eu sa vie profondément marquée par la religion. Sans jamais avoir porté le voile, ses fibres n'en sont pas moins marquées par le port de cet emblème de l'islam.

Protégée en quelque sorte par les idées plus « modernes » véhiculées par sa famille immédiate, elle a su développer un regard critique face aux pratiques patriarcales de la religion. Son père étant marchand, c'est par ses contacts avec le monde que les marchandises et aussi «les idées d'ailleurs» envahissaient la demeure familiale.

Sur l'affiche présentant sa conférence, on pouvait lire:

« Un peu partout dans le monde, des citoyens et des citoyennes constatent que, parfois, l’exercice de la liberté religieuse se fait au détriment des droits démocratiques et surtout, des droits des femmes. »

  

Les droits des femmes…

Wassyla Tamzali nous a rappelé que ces droits sont reconnus à toutes les femmes, peu importe leur lieu d’origine ou leur appartenance religieuse.

On pourrait dire: reconnus « en théorie » parce qu'avec la montée religieuse des dernières années (islamisme, catholicisme, judaïsme), le patriarcat religieux se porte bien. Pensons aux nombreuses sorties du fameux pape contre l'avortement et la contraception, pensons à cette pression sociale exercée sur les femmes dans les pays dont la politique est inspirée par le religieux entre autres, l'islamisme.

Mme Tamzali nous a décrit les bouleversements que son pays vivait. 65% des femmes sont maintenant voilées. Lors de la révolution algérienne (indépendance) en 1962, beaucoup moins de femmes étaient voilées et celles-ci en guise d'affirmation enlevaient leur voile pour bien exprimer leur émancipation anticipée face à la nouvelle indépendance arrachée aux colonisateurs.

Malheureusement, la religion fut rapidement récupérée par les politiciens algériens et instrumentalisée afin de diriger en « limitant » la démocratie.

L'instrumentalisation de la religion à des fins politiques n'est pas unique à l'Algérie, on le vit ici même avec notre gouvernement réformiste Harper. Tentative de réouverture du débat sur l'avortement, coupure d'aide pour les pays pauvres demandant des moyens de contraception [2]… tout en douceur, on met les femmes aux pas avec des méthodes à saveur patriarcale.

Mme Tamzali nous a mis en garde contre l'abandon de l'égalité des hommes et des femmes et son remplacement par un concept « d'équité ». L'équité n'est pas du tout l'égalité, il ne faut surtout pas se leurrer. L'équité fait appel à un concept moral tandis que l'égalité se mesure et se place facilement sur les plateaux d'une balance. Ce qui est permis aux hommes doit aussi être permis aux femmes, c'est tout simple. Par contre, l'équité consiste à évaluer « moralement » le poids de chaque « privilège ». Si on permet aux femmes telle chose alors c'est équivalent à autre chose pour les hommes. C'est « équitable » dira-t-on.

L'équité est un piège qu'on nous tend. On parle d'équité dans le projet de loi 94 et on évite le terme sans équivoque, «égalité».

Mme Tamzali nous rappelait que lors du débat concernant le communiqué final de la conférence mondiale des femmes à Beijing en 1995, des pressions exercées par l'Iran et le Vatican ont fait en sorte de changer le mot égalité pour le remplacer par « équité » dans la déclaration finale.

Article 38 de la déclaration de Pékin:

«38. En tant que gouvernements, nous adoptons le Programme d'action énoncé ci-après et nous nous engageons à le traduire dans les faits, en veillant à ce que le souci d'ÉQUITÉ entre les sexes imprègne toutes nos politiques et tous nos programmes. » [3]

Mme Tamzali n'était pas venue au Québec depuis quinze ans. Elle s'est dite estomaquée de constater les positions de certaines féministes. Elle trouve aberrant qu'on troque l'égalité des sexes pour le respect des pratiques religieuses.

Elle n'en revient tout simplement pas, soulignant qu'il y a quelques années les féministes québécoises lui tenaient de longs discours enflammés sur la féminisation des termes telle que écrivainE ou tous ces termes dont il fallait mettre un E pour le respect des femmes. Elle trouve incompréhensible qu'aujourd'hui, certaines féministes luttent pour que les femmes puissent être « différentes » selon la religion et non « égales » selon la loi.

Certaines féministes ont abandonné l'idée d'égalité entre les hommes et les femmes pour adopter le conciliant concept d'équité. Cela nous entraîne vers la hiérarchisation des droits. Le droit « religieux » ayant préséance sur le droit des femmes.

On constate avec les récents jugements de la Cour suprême que le droit de religion est perçu comme étant supérieur à celui du droit des femmes. Il suffit de convaincre le magistrat que notre pratique sexiste est la conséquence de notre croyance profondément religieuse. On peut ainsi devenir polygame, faire porter un voile à sa femme et à ses filles, décider qui elles doivent marier, etc. À la limite, on pourrait peut-être aller jusqu'à faire accepter qu'on ait battu sa femme pour son bien. Le coran permet et même suggère de battre sa femme si elle le mérite (sic).

Mme Tamzali espère que l'islam se ressaisisse et que les musulmans deviennent des musulmans «courageux», c'est-à-dire ne craignant pas de dénoncer les dérives inadmissibles que certains dirigeants islamistes ou que certains politiciens de la charia mettent en pratique.

En conclusion, tout ce débat: laïcité, pratiques religieuses, droits des femmes, est fort complexe. Cependant, on constate que la religion est dans bien des cas, instrumentalisée par les politiciens afin de parvenir à leurs fins.

Dans plusieurs endroits la religion sert à réduire la démocratie. La morale de certains, appuyée par dieu lui-même, devient alors facile à imposer.

 

(Les lignes qui suivent n'ont pas été dites ou suggérées par Mme Tamzali.)

On peut facilement constater que les régimes de droite, du genre Harper ou Sarkozy, favorisent la pratique religieuse peu importe la confession. On est de grands amis du pape et on respecte tous les grands (sic) représentants religieux.

Les religions sont l'opium du peuple. Un peuple bien drogué est plus facile à manipuler. Le Vatican a servi allègrement le capitalisme (et il le sert toujours), l'islam sert à unifier contre l'envahissement occidental, le judaïsme sert à promouvoir le sionisme. Les religions sont instrumentalisées et les frictions religieuses servent la lucrative industrie militaire. Nous avons peur de l'Islam et le monde arabe qui a peur de l'Occident se réfugie dans l'islam pour se protéger.

Il est bien difficile de mettre des balises « morales » aux valeurs religieuses.

Toutefois pour vivre en paix dans une société tolérante, la liberté de pensée doit garantir la liberté de religion. Et non pas l'inverse, c'est-à-dire que la liberté de religion puisse garantir la liberté de pensée.

La laïcité des services publics et des gouvernements s'impose donc pour faire cohabiter les différentes croyances.

P.S.: Mme Tamzali a publié plusieurs ouvrages, dont Une femme en colère et Burqa? Tous ceux et celles intéressés par la réflexion sur l’importance de la laïcité pour notre société peuvent approfondir le sujet par l’analyse pertinente et percutante de Mme Wassyla Tamzali [4].

 

[1] Biographie Wassyla Tamzali
http://laicitequebec.wordpress.com/wassyla-tamzali/

 

[2] Le Canada contre l’avortement dans les pays en développement
http://www.affaires-strategiques.info/spip.php?article3243

 

Santé maternelle et infantile au G8 : les conservateurs cachent mal leur idéologie de droite (liens)

«La porte-parole du Bloc Québécois en matière de condition féminine et députée de Laval, Nicole Demers, déplore que le gouvernement Harper exclue l’avortement et la contraception des mesures destinées à venir en aide aux femmes dans les pays les plus pauvres de la planète.» (liens)

 [3] Déclaration de Pékin
(4e conférence mondiale sur les femmes)
http://www.aidh.org/Femme/pekin.htm

 

 

[4] Ouvrages de Mme Wassyla Tamzali:

Burqa ?

Une femme en colère

Une éducation algérienne


 

Articles de Mme Tamzali:

Levoile en Algérie est un réflexe à la violence de l’espacepublic, entretien avec Wassyla Tamzali par Hafida Ameyar, publié surLiberte-algerie.com

Laviolence de la nation, la première violence contre les femmes   

Le voile – Le courage de dire non !   


|Un compteur pour économiser l’eau, ça ne marche tout simplement pas. Et en plus, c’est cher et c’est injuste, sans compter les effets pervers.
2555|2617|Manchettes Région|Le maire de Saguenay en «vedette » à La Facture et à Enquête|2010-11-02 07:37:34|Pierre Demers|

L’auteur est cinéaste et poète d’Arvida.

Deux émissions de la télé de Radio-Canada, La Facture (Mardi, 2 novembre à 19h.30) et Enquête (Jeudi, 4 novembre à 20 h.) cette semaine, donnent en partie ou en totalité la vedette à notre bon maire, le champion de la gestion municipale au Québec, selon ses dires.

Depuis qu’il a appris par la bande qu’il ne pouvait pas intervenir sur le contenu de ces deux émissions d’affaires publiques comme il le fait à Canal Vox et sur Youtube en dirigeant le tournage et le montage de ses collaborateurs, le maire de Saguenay a perdu les pédales contre la Société d’État.

On peut d’ailleurs l’entendre sur ce sujet dans une conférence de presse que diffuse en boucle le canal communautaire depuis deux/trois semaines.

Ce qui accable le maire plus catholique que le pape c’est qu’il n’a pas été interviewé par les journalistes de Seconds Regards pour témoigner de sa foi et de sa ferveur religieuse mais plutôt par ceux de deux émissions d’affaires publiques qui enquêtent sur des sujets délicats pour lui : la transparence dans la gestion de la ville et la démocratie municipale.

On est loin ici de la question religieuse qui lui sert habituellement de prétexte pour se faire un nom et un électorat auprès des citoyens d’abord du troisième et quatrième âge et de la droite bien pensante.

Pauvre maire donc qui tente depuis samedi (Le Quotidien du 30 octobre) et celui de ce matin (Le Quotidien du 1er novembre) de sauver ses meubles et sa réputation en attendant sur le bout de sa chaise municipale la diffusion des deux émissions.

En essayant ce qu’il fait toujours soit de «contrôler ses dommages » avant que le train passe.

Samedi donc, il nous laissait croire que, dans l’affaire du contrat de l’évaluation municipale des firmes l’Immobilière et BTF, une entente intervenue (une contribution de 800 000$ de l’Immobilière qui reste à confirmer) permettrait de fermer définitivement le dossier avec une petite facture de frais juridiques atteignant 4 736 491$ de fonds publics.

Du même souffle, il refuse d’admettre avoir agi dans l’illégalité malgré tout et les avis des juges.

Surtout, il ne regrette d’aucune façon ses décisions dans cette affaire dispendieuse pour les contribuables.

C’est sans doute le seul maire au Québec qui s’est permis de tels frais pour défendre son entourage et lui-même. Un autre record à son actif.

Ce lundi, pressé encore plus par le temps - La Facture c’est demain soir à 20 heures - il envoie au front page du Quotidien ses quatre nouveaux conseillers (où sont les 15 autres vieux élus ? Vont-ils intervenir plus tard dans la semaine pour lui sauver la mise ?) dont deux anciens complices de Promotion Saguenay (Martine Gauthier et Luc Boivin) pour affirmer bien fort et haut que le maire ne décide pas tout à l’hôtel de ville.

Tout contents, les petits nouveaux confirment qu’ils peuvent s’occuper librement des dossiers d’arrondissement qui leur tiennent à cœur (Le patrimoine arvidien, les maisons qui glissent, le second aréna à la Baie). Ce ne sont pas particulièrement des sujets chauds pour le maire et son administration soit disant transparente.

Le maire n’aime pas sortir dans les médias nationaux sans garder le contrôle sur ses performances. Il préfère de loin les émissions de TVA comme celles de Denis Lévesque, de Richard Martineau, de Mongrain où l’«intérêt humain » domine d’abord.

Il peut alors jouer son rôle d’amuseur public ou de politicien coloré qui a fait sa réputation en entretenant le «Montreal bashing » régional.

Mais voilà, passer à la Facture et à Enquête c’est une autre histoire. Comme il l’a lui-même affirmé lors de sa fameuse conférence de presse avec les journalistes locaux où il a confirmé son divorce avec Radio-Canada, «ces journalistes-là sont arrivés très bien préparés. Ils sont retournés dans le passé et m’ont posé toutes sortes de questions sur des points précis de mon administration ».

Mais oui, monsieur le maire, ils ont fait leur job de journalistes. Ce que très peu de journalistes de la région font pour ne pas vous mettre à dos et perdre leur nom à l’hôtel de ville.

À ce sujet le dossier noir de la FPJQ qui sort à Montréal au congrès le 26 novembre est éloquent. On y parlera entre autres de la solidarité entre les journalistes régionaux. Beau sujet pour certains d’entre eux ici qui s’arrachent régulièrement la «collaboration » du maire de Saguenay toujours en quête de nouvelles tribunes.

Pauvre maire, pour une rare fois il vient de perdre le contrôle sur le message et le messager.

J’ai toujours dit que la seule façon de déstabiliser ce maire autocratique c’est de faire connaître hors de la région, à l’ensemble des citoyens d’abord du Québec, l’étendu de son régime, de ses dommages.

Donc visionnement collectif le mardi 2 novembre à 20 heures, à l’émission La Facture, et le jeudi 4 novembre à 19 heures 30, à l’émission Enquête à la SRC. Notre maire sera «en vedette » une fois de trop pour lui, espérons-le.


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2556|2618|Manchettes Mouvements_syndical|Stagiaires postdoctoraux dans les universités : des travailleurs de seconde classe?|2010-11-03 07:59:02|Maude Messier|

Depuis mai dernier, l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) mène une intense campagne pour faire reconnaître le droit à la syndicalisation des quelque 300 stagiaires postdoctoraux de l’UQAM.

« L’UQAM, c’est notre point départ. Après, on vise la plupart des universités au Québec», déclare en entrevue à l’aut’journal Mathieu Dumont, responsable du service de la syndicalisation à l’AFPC.

Sans statut

« Il faut savoir que les stagiaires postdoctoraux sont dans un vide juridique qui les maintient dans la précarité », soutient Mathieu Dumont.

Rémunérés à même les bourses octroyées par les organismes subventionnaires, ils ne sont pas considérés par les universités comme des salariés au sens du Code du travail et ne bénéficient donc pas des normes minimales du travail.

D’après Joanie Messier et Thioro Gueye, respectivement responsable de campagne et conseillère syndicale à l’AFPC, les sommes gagnées annuellement par les stagiaires postdoctoraux varient grandement en fonction du domaine d’étude, se situant entre 20 000$ et 50 000$.

Elles insistent sur le fait que les « postdocs » passent souvent plusieurs années à travailler pour l’université, passant d’un contrat à l’autre. « C’est leur travail, leur gagne pain; pas un passe-temps pendant leurs études. »

Âgés en moyenne entre 30 et 40 ans, ils ont généralement une vie professionnelle bien entamée et bien souvent, une famille. Or, les 2 000 stagiaires postdoctoraux à travers le Québec n’ont pas droit à l’assurance-emploi, au régime d’assurance parentale, ils ne cotisent pas à la Régie des rentes du Québec et ils ne sont pas protégés par la CSST. Une situation qui ne les avantage en rien.

La syndicalisation est d’ailleurs leur initiative. « Ce sont eux qui ont approché le SÉTUE [syndicat local de l’AFPC qui représente les étudiants employés de l’UQAM] parce qu’ils voyaient bien que des auxiliaires de recherche et d’enseignement de même que les professionnels de recherche avaient des conditions de travail meilleures que les leurs », précise Mathieu Dumont.

La prétention de l’AFPC est à l’effet que les stagiaires postdoctoraux doivent être reconnus à titre de salariés. Ce n’est pas la première fois que le syndicat se mesure à une telle démonstration et Mathieu Dumont est confiant.

« Ils ont un horaire déterminé par l’université, ils doivent se soumettre à des protocoles de recherche qui s’apparentent à des contrats de travail, ils ne travaillent que pour un seul employeur, leurs outils de travail leur sont fournis par ce même employeur et le produit de leur travail appartient à l’université. Pour nous, c’est clair, ce ne sont pas de véritables travailleurs autonomes, mais bien des salariés. »

En bout de piste, c’est la Commission des relations du travail qui tranchera sur leur statut.

Atypiques et laissés pour compte

La campagne de l’AFPC ramène à l’avant plan toute la question des travailleurs atypiques, une question délicate pour le mouvement syndical. Un malaise qui se fait d’ailleurs sentir dans le dossier des stagiaires postdoctoraux, des travailleurs laissés pour compte pendant une vingtaine d’années.

« C’est plate à dire, mais c’est comme si personne n’avait réalisé qu’ils existaient. Nous, on a rencontré les gens, monté le dossier et mené la lutte pour la reconnaissance de ces travailleurs », confie Mathieu Dumont à l’aut’journal.

À son avis, l’AFPC est la mieux placée pour représenter ces travailleurs et négocier leurs conditions de travail. « On a beaucoup d’expertise avec les travailleurs atypiques en milieu universitaire et on connaît bien le dossier. »

Il souligne que son organisation a investit temps, ressources et énergie sans lésiner pour mener à terme cette campagne. Travailleurs solitaires et dispersés dans les différents départements, rejoindre chacun des stagiaires postdoctoraux un à un n’aura pas été chose facile, comme en témoignent Joanie Messier et Thioro Gueye.

L’AFPC préconise une approche individuelle pour solliciter ces travailleurs qui craignent bien souvent des représailles. « C’est important de discuter avec chacun d’entre eux, de répondre à leurs questions. Les bourses sont déterminantes pour leur avenir professionnel et elles sont octroyées souvent sur recommandation. La crainte de représailles génère beaucoup de stress. »

Parallèlement à la campagne de terrain, l’AFPC s’afférait aussi à préparer la portion légale du dossier. L’expérience de syndicalisation de quelque 600 stagiaires postdoctoraux en Ontario (McMaster University, University of Toronto et University of Western Ontario) aura requis au total trois années de démarches légales.


Nouvelle expertise syndicale

Si l’AFPC a choisi l’UQAM comme point de départ d’une vaste campagne à mener dans tout le Québec, c’est notamment qu’elle y a fait ses premiers pas dans le secteur universitaire avec la reconnaissance à titre de salariés des auxiliaires d’enseignement et de recherche ainsi que leur syndicalisation.

Sept ans plus tard, l’AFPC représente maintenant plus de 20 000 membres dans le secteur universitaire. « Nous avons investi un champ libre : les travailleurs laissés pour compte, les atypiques. On a développé une solide expertise pour les représenter et pour négocier leurs conventions collectives. »

Pour Mathieu Dumont, c’est d’abord et avant tout un besoin réel de toute une catégorie de travailleurs qui est à la base du « succès » de l’AFPC dans le secteur universitaire.

« On répond à une demande. C’est la précarité qui pousse ces travailleurs à vouloir se syndiquer. Visiblement, il semble qu’on ait bien compris les enjeux et qu’on fasse bien notre travail. »

En ce qui concerne la suite des choses, une audience devant la CRT est prévue au cours du mois de novembre d’après le syndicat, « on devrait au moins être fixé sur l’agenda à ce moment-là. »


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2557|2619|Manchettes Mouvements_souverainiste|Le SPQ Libre propose une bonification du Plan Marois|2010-11-03 08:18:55|Marc Laviolette et Pierre Dubuc au nom du conseil d’administration|

Réunis en assemblée générale à Montréal, le 30 octobre dernier, les membres du SPQ Libre ont adopté des amendements à la Proposition principale du Parti Québécois qui auront pour effet, s’ils sont adoptés lors du prochain congrès, de bonifier considérablement le « plan Marois » et renforcer le caractère social-démocrate du programme.

Les membres du SPQ Libre réaffirment leur accord avec l’article premier du programme qui proclame que « le Parti Québécois a pour objectif premier de réaliser la souveraineté du Québec à la suite d’une consultation populaire par référendum tenu au moment jugé approprié par le gouvernement ».

Cependant, le SPQ Libre trouve trop timide l’objectif du « Plan Marois » qui se contente de chercher à « acquérir toujours plus de pouvoirs et de moyens pour le Québec » et trop centré exclusivement sur l’action de l’aile parlementaire du parti.

Une démarche axée sur la mobilisation de la population

Le club politique propose plutôt une véritable démarche populaire axée sur les raisons fondamentales de faire du Québec un pays, soit l’affirmation, au terme d’un long parcours historique, de son identité nationale et de son existence politique.

Pour mobiliser la population autour du projet souverainiste, il faut faire valoir les raisons essentielles pour le pays. Celles-ci tiennent en partie au phénomène de la gouvernance mondiale qui impose au Québec la nécessité de défendre ses intérêts sur la scène internationale.

L’indépendance est également devenue la condition pour la prospérité nationale. Elle permettra, par la récupération des taxes et impôts payées à Ottawa, d’augmenter la capacité financière de l’État québécois. Elle lui permettra d’accéder à de nouvelles ressources maritimes et à prendre le plein contrôle des infrastructures portuaires, aéroportuaires et ferroviaires actuellement sous compétence fédérale, permettant ainsi la planification de son développement en fonction de ses objectifs et priorités.

Le programme du Parti Québécois doit dire à nos concitoyens que l’indépendance permettra de consacrer des ressources accrues à une plus grande sécurité sociale, à des investissements plus importants dans le développement économique des régions et à des politiques d’aide au développement qui démontreront notre volonté de partager équitablement la richesse au Québec et à l’échelle mondiale.

La sortie du cadre canadien rendra possible l’adoption d’institutions politiques modernes, permettant une représentation équitable des régions et des différents courants politiques, tout en procédant à une importante décentralisation des pouvoirs vers les régions.

Le programme doit également spécifier que le Parti Québécois doit assumer le leadership du mouvement souverainiste avec le Bloc Québécois et inviter l’ensemble des groupes souverainistes à rallier la Coalition pour la promotion du pays.


Un plan d’action pour avant et après l’élection, et après le référendum

Les membres du SPQ Libre se sont aussi penchés sur le plan d’action devant être mis en œuvre avant l’élection du Parti Québécois, après son élection et après le référendum.

Le processus d’accession du Québec à l’indépendance doit d’abord et avant tout en être un d’éducation et de formation populaires. À ce chapitre, le Parti Québécois doit formuler dès maintenant des politiques nationales sur la base du cadre financier d’un Québec souverain en invitant les citoyens à présenter leurs vues sur ces politiques.

Le PQ doit s’engager le plus tôt possible dans un exercice de promotion de la souveraineté en procédant, entre autres, à la mise à jour des études existantes et à la préparation de nouvelles études sur l’accession du Québec au statut de pays, notamment celles visant à actualiser le cadre financier d’un Québec souverain ainsi que celles relatives au partage de l’actif et du passif. Il doit aussi préparer un projet de document de transition vers le pays.

Après son élection, le PQ devra poser des gestes nécessaires pour réaliser la souveraineté. Il doit s’engager aujourd’hui à convier les citoyens à un vaste et profond exercice de démocratie participative.

Il devra mettre en place l’appareil financier, administratif et législatif nécessaire. Cela signifie diffuser le cadre financier d’un Québec souverain, nommer un ministre responsable de l’accession à la souveraineté, adopter une constitution initiale réaffirmant son droit à l’autodétermination et une loi établissant qu’après la déclaration de la souveraineté, la continuité juridique sera assurée par le principe de la succession d’État.

Le PQ ne devra pas hésiter à engager des fonds publics pour réaliser ces objectifs et à augmenter substantiellement les budgets de Télé-Québec.

Le référendum se tiendra au moment jugé approprié et sous observation internationale.

Après un référendum gagnant, une série de gestes de souveraineté seront posés :

  1. Adoption par l’Assemblée nationale d’une déclaration de souveraineté nationale;

  2. Création d’une Cour suprême et adoption de lois assurant la continuité juridique;

  3. Adoption d’une loi déclarant que seul le gouvernement du Québec peut percevoir les taxes et les impôts nationaux auprès de la population du Québec.

  4. Offrir aux partis de l’opposition et au Bloc Québécois de faire partie de l’équipe qui présidera aux négociations avec Ottawa sur le partage de l’actif et du passif et autres questions relatives à la transition.

  5. Mise sur pied d’une Assemblée constituante ayant le mandat de préparer la constitution permanente de l’État souverain du Québec qui, après adoption par l’Assemblée nationale, sera soumise à l’approbation de la population par référendum.

Le Québec indépendant devra poser des gestes de souveraineté internationale. Par exemple, manifester sa volonté de négocier et de conclure un accord international visant le maintien de la liberté de circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux entre le Québec et le Canada.

Il devra également déclarer entendre assumer les obligations qui découlent des engagements internationaux du Canada et effectuer des démarches pour sa reconnaissance internationale auprès des autres pays et de l’ONU.

Voilà, essentiellement, ce que devrait comprendre, selon le SPQ Libre, un « Plan Marois » bonifié.


Pour un programme social-démocrate

Les membres du SPQ Libre ont aussi adopté une série d’amendements aux autres volets de la Proposition principale. Ils ont déploré l’absence de toute référence sérieuse au monde ouvrier et au syndicalisme.

Le SPQ Libre rappelle que ce sont les travailleuses et les travailleurs qui ont créé hier, qui créent aujourd’hui et qui créeront demain la richesse de ce pays. Le club politique réaffirme que si le Québec peut se targuer d’être l’endroit en Amérique du Nord où l’écart entre les riches et les pauvres est le plus faible, cela s’explique par le fait que le taux de syndicalisation y est le plus élevé. La première répartition de la richesse est celle qui s’opère entre les profits et les salaires et le syndicalisme est l’instrument le plus important pour une meilleure répartition.

Le SPQ Libre interviendra au cours des prochains mois sur tous les grands dossiers en débat dans le cadre de la préparation du congrès. Ses membres sont invités à apporter leur contribution. Les membres du SPQ Libre sont invités à participer aux congrès de circonscriptions, à se faire élire délégués pour les congrès régionaux et le congrès national.

On peut consulter les amendements proposés par le SPQ Libre sur son site Internet.

|Un plan pour la souveraineté et un programme social-démocrate
2558|2620|Divers|Une autre stratégie d’accession à la souveraineté du Québec|2010-11-03 21:04:50|Pierre Dubuc|Entrevue avec le constitutionnaliste André Binette

Par Pierre Dubuc


Pendant que les positions se polarisent dans le cadre du débat sur l’article premier du programme du Parti Québécois, des militants ressortent de leurs cartons une proposition publiée dans L’Action nationale du mois de mars 2010, sous la signature de l’avocat en droit constitutionnel André Binette.

Intitulée Une autre stratégie d’accession à la souveraineté du Québec, la « proposition Binette », comme on la désigne familièrement, aurait l’avantage selon certains de concilier les vues des indépendantistes et des autonomistes.

Ayant appris qu’André Binette avait raffiné la position développée dans L’Action nationale, l’aut’journal l’a rencontré pour faire le point.

Le « plan A »

D’entrée de jeu, André Binette tient à préciser que sa stratégie alternative est un « plan B ». « Mon ‘‘ plan A’’, nous confie-t-il, est toujours la stratégie du référendum de 1995, mais avec certaines bonifications qui découlent du jugement de la Cour internationale de justice sur le Kosovo. »

Dans une analyse de ce jugement – disponible sur le site de l’aut’journal – André Binette démontre le précédent majeur favorable à la légalité d’une future déclaration unilatérale d’indépendance du Québec que constitue ce jugement. Il écarte complètement la pertinence de la Constitution canadienne ou de la Loi sur la clarté dans l’évaluation d’une éventuelle déclaration unilatérale d’indépendance au regard du droit international.

« Avec le jugement sur le Kosovo, la reconnaissance de l’indépendance du Québec n’est plus une affaire interne au Canada, mais bien de la communauté internationale. Il est donc important d’internationaliser le processus, comme Gilles Duceppe a entrepris de le faire avec son discours à Washington et sa rencontre avec les ambassadeurs à Ottawa », nous précise André Binette qui a été fonctionnaire au Conseil exécutif du gouvernement du Québec pendant l’année référendaire (1995) et membre d’une équipe de fonctionnaires chargée de la réalisation technique de la souveraineté.

À son avis, une deuxième bonification nécessaire par rapport à 1995 est la nécessité de poser une question uniquement sur la souveraineté. « Je dis cela, non pas à cause de la Loi sur la clarté, mais parce que cela faciliterait la reconnaissance internationale. »

Le « plan B »

Pourquoi alors un « plan B » ? « Parce qu’il faut tenir compte de certaines réalités », nous répond le constitutionnaliste qui est aussi un fin observateur de la scène politique. « Les sondages donnent de 40 à 45% d’opinions favorables à la souveraineté. C’est remarquable dans le contexte actuel. Ça témoigne de la vitalité de l’idée. Cela nous impose deux obligations : 1) nous avons le devoir de continuer; 2) nous n’avons pas le droit de manquer notre coup. »

Il poursuit : « Nous avons le devoir de reprendre l’initiative et de rompre avec l’‘‘attentisme des conditions gagnantes’’ . Et le débat en cours – qui est très sain – montre qu’on en est en train de reprendre l’initiative. »

Alors que faire lorsqu’il n’y a pas de majorité pour l’indépendance? Que faire avec 40% de souverainistes, 40% de fédéralistes et un 20% qui vacille entre les deux?

André Binette nous fait remarquer qu’il n’y a pas de majorité pour le statu quo. « Ce 20% entre les deux, il est autonomiste. Les sondages démontrent qu’on peut rallier une majorité de 60% favorable au rapatriement de certains pouvoirs importants pour le Québec, comme de conférer à l’Assemblée nationale la possibilité de créer une citoyenneté du Québec, d’exercer une pleine compétence en matière de langue et de culture ou encore en matière de fiscalité et de taxation. »

Il enchaîne : « Nous sommes des démocrates. Nous voulons exprimer la volonté populaire ». Et, dans cette perspective, pour rallier indépendantistes et autonomistes, il propose le plan suivant.

Une Assemblée constituante


« Après l’élection d’un gouvernement du Parti Québécois, il y aurait mise sur pied d’une Assemblée constituante formée des 125 députés de l’Assemblée nationale et des 75 députés du Québec à Ottawa. »

Cette assemblée serait chargée de recueillir l’opinion des Québécoises et de Québécois sur les pouvoirs à réclamer d’Ottawa. La forme que prendrait cette consultation reste à définir. Mais elle pourrait, selon André Binette, s’inspirer de la Commission sur l’avenir du Québec mise sur pied par Jacques Parizeau en 1995.

« Au terme de la consultation, l’Assemblée constituante pourrait formaliser une série de revendications adressées au Canada et appuyer ses demandes par la tenue d’un référendum », précise-t-il.

André Binette insiste sur la différence qui existerait alors avec le contexte des référendums de 1980 et 1995. « Ottawa ne pourrait rejeter a priori toute négociation. Dans son Renvoi sur la sécession, rendu en 1998, la Cour suprême impose au gouvernement canadien une obligation de négocier », déclare celui qui a été le principal rédacteur du mémoire de l’amicus curiae, Me André Joli-Cœur, sur les questions de fond en droit constitutionnel et international lors de l’audition de cette cause.

Bien que la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit un délai de trois ans pour la négociation – comme ce fut le cas lors de l’Accord du Lac Meech – André Binette est d’avis qu’il faudra éviter de se laisser entraîner dans des négociations sans fin et fixer un délai d’un an.

« Après un an, si les négociations n’ont rien donné, on tient un référendum sur la souveraineté. Bien sûr, il faudra changer la loi sur les consultations populaires qui n’autorise la tenue que d’un référendum par mandat, mais ça se fait. »

« Cette négociation aura permis au Québec de démontrer sa bonne foi au monde entier en exprimant ses aspirations légitimes et sa volonté d’en arriver à un règlement négocié à l’intérieur de la fédération canadienne avant de se résoudre à passer à la souveraineté », tient à ajouter un André Binette qui considère comme capitale l’opinion de la communauté internationale.

Pendant cette année de négociations, qu’est-ce qu’on fait? On regarde le temps passer en se croisant les bras? « Au contraire, affirme-t-il, l’Assemblée constituante siège en permanence et prépare la Constitution d’un Québec souverain et toutes les études nécessaires à l’accession à la souveraineté en s’inspirant possiblement de la Commission Bélanger-Campeau », explique celui qui a été membre du secrétariat de cette commission.

Pourrait-il arriver qu’Ottawa réponde favorablement aux demandes du Québec? André Binette n’y croit pas trop. « Et même si cela se produisait, je ne pense pas que ça briserait l’élan vers la souveraineté. C’est une aspiration trop profonde. »

Mais la perspective la plus probable, selon lui, est que la machine fédéraliste soit paralysée. « Utilisons les techniques du judo, lance-t-il. Servons-nous de la paralysie constitutionnelle que Trudeau a imposée à l'ensemble du Canada pour reprendre et conserver l'initiative des événements jusqu'à l'accession à la souveraineté. »

« L'incapacité de l'État canadien de répondre favorablement aux demandes légitimes et consensuelles du peuple québécois, souligne-t-il, découle en grande partie de la rigidité de la Constitution de 1982, qui a rendu le fédéralisme renouvelé presque impossible à réaliser. Le rejet prévisible des demandes du peuple québécois justifiera la tenue d'un ultime référendum sur la souveraineté. Pour ma part, je crois le fédéralisme renouvelé conforme aux attentes des autonomistes québécois plus difficile à réaliser que la souveraineté, ce qui explique d'ailleurs l'absence totale de proposition de réforme constitutionnelle dans le camp fédéraliste depuis de nombreuses années. Les fédéralistes n'ont plus rien à offrir sinon la marginalisation du Québec et la négation de la souveraineté. »

La « proposition Binette »

André Binette aimerait bien que sa stratégie soit mise au jeu lors des délibérations qui vont mener au congrès du Parti Québécois. Aussi, nous lui avons demandé de formuler une proposition en ce sens qui serait recevable comme amendement à la Proposition principale.

Il s’est prêté au jeu et en voici la teneur.

« Un gouvernement du Parti Québécois s’engage, au lendemain de son élection, à mettre sur pied une Assemblée constituante formée des 200 députés du Québec (125 de l’Assemblée nationale et 75 du Parlement fédéral).

« Cette Assemblée constituante aurait pour mandat de définir, après consultation avec la population, les pouvoirs que le Québec veut rapatrier d’Ottawa, si besoin est en appuyant ses demandes par un référendum.

« Pendant les négociations avec Ottawa, l’Assemblée constituante siègerait en permanence et préparerait la Constitution d’un Québec indépendant et les études, travaux et lois nécessaires pour assurer la transition vers la souveraineté.

« Au terme d’un délai d’un an, si les demandes du Québec sont rejetées, l’Assemblée constituante proposerait la tenue d’un référendum sur l’indépendance du Québec. »

M. Binette est membre du C.A. des Intellectuels pour la souveraineté (IPSO), mais ses propos constituent une prise de position personnelle dont il prend l'entière responsabilité.
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2559|2621|Manchettes Accueil_Analyses Mouvements_souverainiste|Une autre stratégie d’accession à la souveraineté du Québec|2010-11-04 07:54:37|Pierre Dubuc|

Pendant que les positions se polarisent dans le cadre du débat sur l’article premier du programme du Parti Québécois, des militants ressortent de leurs cartons une proposition publiée dans L’Action nationale du mois de mars 2010, sous la signature de l’avocat en droit constitutionnel André Binette.

Intitulée Une autre stratégie d’accession à la souveraineté du Québec, la « proposition Binette », comme on la désigne familièrement, aurait l’avantage selon certains de concilier les vues des indépendantistes et des autonomistes.

Ayant appris qu’André Binette avait raffiné la position développée dans L’Action nationale, l’aut’journal l’a rencontré pour faire le point.


Le « plan A »

D’entrée de jeu, André Binette tient à préciser que sa stratégie alternative est un « plan B ». « Mon ‘‘ plan A’’, nous confie-t-il, est toujours la stratégie du référendum de 1995, mais avec certaines bonifications qui découlent du jugement de la Cour internationale de justice sur le Kosovo. »

Dans une analyse de ce jugement – disponible sur le site de l’aut’journal – André Binette démontre le précédent majeur favorable à la légalité d’une future déclaration unilatérale d’indépendance du Québec que constitue ce jugement. Il écarte complètement la pertinence de la Constitution canadienne ou de la Loi sur la clarté dans l’évaluation d’une éventuelle déclaration unilatérale d’indépendance au regard du droit international.

« Avec le jugement sur le Kosovo, la reconnaissance de l’indépendance du Québec n’est plus une affaire interne au Canada, mais bien de la communauté internationale. Il est donc important d’internationaliser le processus, comme Gilles Duceppe a entrepris de le faire avec son discours à Washington et sa rencontre avec les ambassadeurs à Ottawa », nous précise André Binette qui a été fonctionnaire au Conseil exécutif du gouvernement du Québec pendant l’année référendaire (1995) et membre d’une équipe de fonctionnaires chargée de la réalisation technique de la souveraineté.

À son avis, une deuxième bonification nécessaire par rapport à 1995 est la nécessité de poser une question uniquement sur la souveraineté. « Je dis cela, non pas à cause de la Loi sur la clarté, mais parce que cela faciliterait la reconnaissance internationale. »


Le « plan B »

Pourquoi alors un « plan B » ? « Parce qu’il faut tenir compte de certaines réalités », nous répond le constitutionnaliste qui est aussi un fin observateur de la scène politique. « Les sondages donnent de 40 à 45% d’opinions favorables à la souveraineté. C’est remarquable dans le contexte actuel. Ça témoigne de la vitalité de l’idée. Cela nous impose deux obligations : 1) nous avons le devoir de continuer; 2) nous n’avons pas le droit de manquer notre coup. »

Il poursuit : « Nous avons le devoir de reprendre l’initiative et de rompre avec l’‘‘attentisme des conditions gagnantes’’ . Et le débat en cours – qui est très sain – montre qu’on en est en train de reprendre l’initiative. »

Alors que faire lorsqu’il n’y a pas de majorité pour l’indépendance? Que faire avec 40% de souverainistes, 40% de fédéralistes et un 20% qui vacille entre les deux?

André Binette nous fait remarquer qu’il n’y a pas de majorité pour le statu quo. « Ce 20% entre les deux, il est autonomiste. Les sondages démontrent qu’on peut rallier une majorité de 60% favorable au rapatriement de certains pouvoirs importants pour le Québec, comme de conférer à l’Assemblée nationale la possibilité de créer une citoyenneté du Québec, d’exercer une pleine compétence en matière de langue et de culture ou encore en matière de fiscalité et de taxation. »

Il enchaîne : « Nous sommes des démocrates. Nous voulons exprimer la volonté populaire ». Et, dans cette perspective, pour rallier indépendantistes et autonomistes, il propose le plan suivant.


Une Assemblée constituante

« Après l’élection d’un gouvernement du Parti Québécois, il y aurait mise sur pied d’une Assemblée constituante formée des 125 députés de l’Assemblée nationale et des 75 députés du Québec à Ottawa. »

Cette assemblée serait chargée de recueillir l’opinion des Québécoises et de Québécois sur les pouvoirs à réclamer d’Ottawa. La forme que prendrait cette consultation reste à définir. Mais elle pourrait, selon André Binette, s’inspirer de la Commission sur l’avenir du Québec mise sur pied par Jacques Parizeau en 1995.

« Au terme de la consultation, l’Assemblée constituante pourrait formaliser une série de revendications adressées au Canada et appuyer ses demandes par la tenue d’un référendum », précise-t-il.

André Binette insiste sur la différence qui existerait alors avec le contexte des référendums de 1980 et 1995. « Ottawa ne pourrait rejeter a priori toute négociation. Dans son Renvoi sur la sécession, rendu en 1998, la Cour suprême impose au gouvernement canadien une obligation de négocier », déclare celui qui a été le principal rédacteur du mémoire de l’amicus curiae, Me André Joli-Cœur, sur les questions de fond en droit constitutionnel et international lors de l’audition de cette cause.

Bien que la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit un délai de trois ans pour la négociation – comme ce fut le cas lors de l’Accord du Lac Meech – André Binette est d’avis qu’il faudra éviter de se laisser entraîner dans des négociations sans fin et fixer un délai d’un an.

« Après un an, si les négociations n’ont rien donné, on tient un référendum sur la souveraineté. Bien sûr, il faudra changer la loi sur les consultations populaires qui n’autorise la tenue que d’un référendum par mandat, mais ça se fait. »

« Cette négociation aura permis au Québec de démontrer sa bonne foi au monde entier en exprimant ses aspirations légitimes et sa volonté d’en arriver à un règlement négocié à l’intérieur de la fédération canadienne avant de se résoudre à passer à la souveraineté », tient à ajouter un André Binette qui considère comme capitale l’opinion de la communauté internationale.

Pendant cette année de négociations, qu’est-ce qu’on fait? On regarde le temps passer en se croisant les bras? « Au contraire, affirme-t-il, l’Assemblée constituante siège en permanence et prépare la Constitution d’un Québec souverain et toutes les études nécessaires à l’accession à la souveraineté en s’inspirant possiblement de la Commission Bélanger-Campeau », explique celui qui a été membre du secrétariat de cette commission.

Pourrait-il arriver qu’Ottawa réponde favorablement aux demandes du Québec? André Binette n’y croit pas trop. « Et même si cela se produisait, je ne pense pas que ça briserait l’élan vers la souveraineté. C’est une aspiration trop profonde. »

Mais la perspective la plus probable, selon lui, est que la machine fédéraliste soit paralysée. « Utilisons les techniques du judo, lance-t-il. Servons-nous de la paralysie constitutionnelle que Trudeau a imposée à l'ensemble du Canada pour reprendre et conserver l'initiative des événements jusqu'à l'accession à la souveraineté. »

« L'incapacité de l'État canadien de répondre favorablement aux demandes légitimes et consensuelles du peuple québécois, souligne-t-il, découle en grande partie de la rigidité de la Constitution de 1982, qui a rendu le fédéralisme renouvelé presque impossible à réaliser.  Le rejet prévisible des demandes du peuple québécois justifiera la tenue d'un ultime référendum sur la souveraineté.  Pour ma part, je crois le fédéralisme renouvelé conforme aux attentes des autonomistes québécois plus difficile à réaliser que la souveraineté, ce qui explique d'ailleurs l'absence totale de proposition de réforme constitutionnelle dans le camp fédéraliste depuis de nombreuses années.  Les fédéralistes n'ont plus rien à offrir sinon la marginalisation du Québec et la négation de la souveraineté. »



La « proposition Binette »

André Binette aimerait bien que sa stratégie soit mise au jeu lors des délibérations qui vont mener au congrès du Parti Québécois. Aussi, nous lui avons demandé de formuler une proposition en ce sens qui serait recevable comme amendement à la Proposition principale.

Il s’est prêté au jeu et en voici la teneur.

« Un gouvernement du Parti Québécois s’engage, au lendemain de son élection, à mettre sur pied une Assemblée constituante formée des 200 députés du Québec (125 de l’Assemblée nationale et 75 au Parlement fédéral).

« Cette Assemblée constituante aurait pour mandat de définir, après consultation avec la population, les pouvoirs que le Québec veut rapatrier d’Ottawa, si besoin est en appuyant ses demandes par un référendum.

« Pendant les négociations avec Ottawa, l’Assemblée constituante siègerait en permanence et préparerait la Constitution d’un Québec indépendant et les études, travaux et lois nécessaires pour assurer la transition vers la souveraineté.

« Au terme d’un délai d’un an, si les demandes du Québec sont rejetées, l’Assemblée constituante proposerait la tenue d’un référendum sur l’indépendance du Québec. »

M. Binette est membre du C.A. des Intellectuels pour la souveraineté (IPSO), mais ses propos constituent une prise de position personnelle dont il prend l'entière responsabilité.


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