C’est qui ce gaaaars-là ?

2010/11/10 | Par Pierre Demers

Pierre Demers est cinéaste et poète de Jonquière

C’est mon barman qui m’en a d’abord parlé. Lui, c’est un spécialiste des radios privées qui dérapent.

Il espionne toutes celles de Montréal, de Québec (où règne une droite à vous couper le souffle tant elle défend les idées reçues dans la vieille Capitale, soit le roi Labeaume, l’armée, l’ADQ, le RLQ, la réduction des impôts et le Montreal bashing, entre autres) et évidemment nos postes à nous autres.

Il a pris l’habitude de me signaler les nouveaux venus (Les animateurs/trices) qui débordent du rang et semblent en faire un peu plus que les autres pour attirer l’attention, signaler leur présence.

Il m’avait aiguillonné sur l’animateur du matin du même poste qui sévissait l’après-midi, dans le temps. Mais comparé à ce «petit » nouveau du midi au profil sonore groschampagnesque (Il engueule le monde et personnalise ses interventions, règle ses comptes, soigne ses commanditaires), aujourd’hui, le vieux petit nouveau peut passer pour un intellectuel radio-canadien... tant il semble s’être amélioré dans l’ensemble.

En même temps, des amis journalistes qui ont déjà travaillé dans des postes privés et publics (Mais avouons-le, ça dérape rarement du côté de la SRC, mais parfois le ronron, l’ennui du tout cuit d’avance réseau s’installe et force l’auditeur à switcher ailleurs quand il roule dans sa voiture surtout) m’ont signalé le nouveau venu du midi dans un poste anonyme, disons la radio X.

Je me suis documenté tant soit peu sur cet animateur qui venait justement de faire parler de lui en avouant sur les ondes avoir «consommé » quelque chose le jour de sa fête. Mais ce ne sont pas ses activités parascolaires qui m’intéressaient, je voulais découvrir son style, la profondeur de sa pensée.

Admettons tout de suite que mon barman et mes amis journalistes avaient en grande partie raison.

L’animateur en question vaut le détour pour mesurer le degré de bêtise humaine et d’ignorance spontanée que la radio privée peut atteindre parfois.

Le monsieur en question enfile les entrevues avec n’importe qui et tout le monde (Évidemment deux fois avec le maire Tremblay dans la même semaine pour l’aider à faire le contrôle de ses dommages lors de la diffusion de l’émission La Facture) en les flattant tous dans le sens du poil.

Il adore ses invités et leur consent n’importe quoi pourvu qu’il puisse inscrire ses fameuses entrevues dans son propre parcours radiophonique.

Pourvu surtout qu’il puisse parler de lui et de sa «carrière » et de tous ses «amis personnels » qu’il arrive à interviewer sur son émission.

Si je comprends bien, il a animé un peu n’importe quoi (Surtout des émissions sportives, le lot de trop d’animateurs privés qui ne jurent que par le hockey Junior et les Canadiens, leur seule culture de base avec «Occupation double ») et, comme par miracle, il aboutit dans un poste de notre région pour nous permettre de profiter de ses lumières et de ses contacts.

De temps en temps, il pète les plombs contre les universitaires, les fonctionnaires, les journalistes et animateurs de la SRC qui peuvent eux profiter d’une équipe de recherchistes pour préparer leurs émissions.

Il se lamente, se plaint d’être forcé de travailler tout seul et de se faire voler ses invités par les autres postes privés ou «communautaires ».

C’est souvent pathétique de l’entendre évoquer ses années passées avec ses invités du moment. Je l’ai subi interviewer Guy Lafleur pendant des heures sans savoir quand s’arrêter. J’avais l’impression que son invité espérait une panne d’électricité, un tremblement de terre, un déluge pour mettre fin à ce supplice…

Il a massacré des entrevues avec Jacques Lanctôt, l’ex-éditeur, l’ex-felquiste, avec Jean-François Nadeau, historien, journaliste au Devoir, l’auteur d’un livre sur Adrien Arcand, le pape des fascistes québécois, qui devait se demander : c’est qui ce gaaars-là ??? Et j’en passe tant cette émission du midi frise le melting pot tout croche.

En me documentant tant soit peu, j’apprends que cet animateur du midi sur X s’est fait remercié de ses services en avril 2009 par son employeur RNC Média en Abitibi-Témiscamingue pour ses écarts de conduite en onde.

Un collectif de citoyens là-bas avait fait circuler une pétition contre l’animateur qui tenait régulièrement des propos grossiers et vulgaires à propos de tout et de rien.

Et le dit animateur en question se retrouve ici quelques mois plus tard pour nous servir les mêmes propos et la même sauce radiophonique bas de gamme.

Est-ce qu’ici la tolérance pour ce type d’animateur qui dérape sans retenu a ses limites ?

À part entretenir les valeurs de droite, servir le maire Tremblay, les vieilles vedettes sportives et un certain voyeurisme radiophonique, à quoi sert un tel énergumène (1) sur nos ondes ? Je pose la question à mon barman jeudi prochain.


  1. Personne exaltée qui se livre à des cris, des gestes excessifs. Le Robert de poche.



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