La droite, la gauche, ici maintenant au Saguenay

2010/11/16 | Par Pierre Demers

L’auteur est cinéaste et poète d’Arvida

La preuve que parfois je me relis. J’écrivais en avril 1980 (Dans Focus no 33, un mensuel autogéré, rédigé, publié ici qui se voulait alors féministe, socialiste, écolo, pro syndicaliste, parfois felquiste, régionaliste, antimilitariste, anti Alcan, anti médias officiels et qui a tout de même respirer librement de 1978 à 1983) dans un dossier sur la droite au Saguenay - Lac Saint-Jean que…

« la Droite s’infiltre partout parce que c’est essentiellement un état d’esprit, une forte disposition vers le statu quo, un penchant de laisser faire les choses comme elles sont sans jamais crier gare ou assez la boule à mite. »


Focus

On peut manifestement dire aujourd’hui que, dans la région, la Droite (Avec un D majuscule) a gagné du terrain depuis. Au début des années 80, on tirait, nous autres de Focus, sur l’Alcan (Et son Lingot) qui polluait et brûlait les travailleurs dans ses usines et manipulait l’information, l’Archevêché anti avortement, les éditorialistes de droite du Progrès-Dimanche et du Quotidien, le docteur Vaillancourt au Réveil, la base militaire de Bagotville qui voulait implanter un champ de tir à l’Ascension, les machos en gros char et en skidoo, les développeurs qui venaient de détruire le centre ville de Jonquière (Les bureaux de Focus sis à côté de l’Envol) et j’en passe.


Les élus municipaux

On n’associait pas principalement la Droite aux élus municipaux de tout acabit comme c’est le cas maintenant. Aujourd’hui, au Saguenay surtout, on n’a pas besoin de le nommer parce qu’il s’affiche lui-même et sa suite de conseillers aphones comme un disciple de la droite catholique.

En 1980, on pouvait encore comprendre que les cathos collent dans la cité mais aujourd’hui, au moment où plus personne ne fréquente les églises, qu’on ne sait plus en quoi les convertir, eh bien, on n’avance pas ici. On piétine en creusant le vide, en faisant du sur place avec la bénédiction de la majorité silencieuse.

Je crains qu’on se remettre bientôt à remplir les églises et à prier à l’invitation de nos exaltés d’élus municipaux, de conservateurs fédéraux et d’adéquistes bons pères de famille, du RLQ anti bien public, anti services sociaux et groupe «intellectuel » averti.

Bientôt, tout le monde à l’école privée et aller vous faire soigner dans des cliniques américaines avec votre carte de crédit.

La Droite veut partager la richesse des chèques publics avec eux-mêmes comme si ça tombait de la table d’un poker imaginaire.

Le slogan de la Droite, c’est encore et toujours «mon premier million $ à 20 ans, moi je sus capable, au plus fort la poche», vivement la compétition à sens unique. On veut juste des riches… endettés.


S.Harper

La Droite s’est infiltrée partout actuellement ici comme dans l’ensemble des institutions québécoises, canadiennes, voire internationales avec une certaine conviction que c’est elle qui va régler vos problèmes financiers et évidemment de consommation à outrance.

La «culture », on s’en occupe pas comme dirait S. Harper, on garde le fric pour acheter des avions et des chars d’assaut pour protéger nos chers militaires qui partent au front libérer les femmes exploitées et les seigneurs de guerre sans scrupule.

Et on s’en réserve un petit peu pour subventionner nos petits entrepreneurs qui viennent dîner bénéfique avec nous autres.

La culture pour la Droite, c’est la télé et les shows comiques qui se rentabilisent tout seuls. S.Harper ne lit pas de livres, c’est trop compliqué pour lui. Juste des livres d’instructions de moteurs d’avions et de bateaux pour l’armée. Et aussi des bilans financiers des pétrolières et de ses air miles. Et les cartes de bonne fête de Jean-Pierre Blackburn.

La preuve que la Droite a gagné du terrain ? Vous n’avez qu’à vérifier ce que font les medias quand des groupuscules de gauche tentent de s’affirmer publiquement, manifestent pour leurs causes, tentent de se montrer CRITIQUES (Vous connaissez ce mot maudit par la D ?) contre les pouvoirs en place bien assis sur leurs postes d’élus, de décideurs, de porte-parole officiels.

Avant d’appeler la police si ça tourne mal, faut pas déranger les automobilistes, les motoneigistes, les 9 à 5 qui veulent à tout prix faire rouler le système en place, faire garder leurs enfants dans les garderies (publiques) 24 heures sur 24, bref, ne dérangez pas leurs cartes. Ils produisent de la richesse eux autres.

Deux exemples récents de cette charge de la droite contre la gauche, ici au Saguenay. Lors de la journée de l’emploi le 4 novembre à l’UQAC. Vous vous en souvenez ? Ça aussi ça se perd avec la Droite, LA MÉMOIRE, le passé, «les vieilles affaires »comme dirait le premier magistrat de Saguenay qui regarde juste devant lui… des projets, des visions, des apparitions, des tours d’observation, des trains, des barrages, des centre-ville piétonniers, des voyages d’études en Europe (sic) dans les grandes capitales.


Lui qui gère une bourgade avec trois rues parallèles sans transport en commun, la capitale du cutter, des édifices abandonnés et des marchés aux puces, il nous prend pour qui lui l‘illuminé magistrat?

Faudrait qu’on aille fouiller dans ses «vieilles affaires » du temps qu’il était notaire… Faudrait. Faudrait.


L’armée, le 4 novembre à l’UQAC

Ok, la journée de l’emploi du 4 novembre à l’UQAC. Comment les médias ont couvert ce qui s’est passé là ? Les étudiants manifestants voulaient tout simplement signaler que les institutions scolaires de tous les niveaux n’ont pas à ouvrir leurs portes à l’armée canadienne et à sa propagande. C’est simple ça à comprendre.

Ils pensent que les emplois dans l’armée, c’est pour nous faire croire que ce sont des jobs bien payées et que l’avenir de nos jeunes n’y trouve pas son compte quand on réfléchit.

L’armée, ce n’est pas un employeur comme un autre. Or, nos soldats ne sont plus des casques bleus qui nous sauvent des déluges. Ils (152 jusqu’ici sont morts, et les blessés dans leur corps et leur tête, et bien devinez) vont se faire sauter sur des mines «artisanales » à Kandahar et reviennent plus ou moins en vie à leur retour. Là, le salaire diminue comme le goût de l’aventure.

Les autorités de l’UQAC ont fait appel à la Sureté municipale de Chicoutimi pour expulser les étudiants contestataires.

Ensuite – c’est pas fini – l’Association étudiante de l’université (MAGE-UQAC) a pris sa distance du geste contestataire en signalant dans un communiqué (LBR 4 novembre) qu’elle «n’a pas de position contre l’armée… et qu’elle encourage l’événement comme la journée de l’emploi organisé dans l’intérêt des étudiants de l’UQAC. »

Moi, il me semble que des associations étudiantes devraient se solidariser (Un autre mot que la Droite conspue) avec les étudiants de son institution surtout que les autorités ont fait appel aux flics de la ville pour les chasser.

Si on ne se dresse pas contre l’armée défibrage de cerveaux quand on est jeune, qu’est-ce qu’on va faire plus tard? Si MAGE-UQAC n’a pas de position contre l’armée, c’est qu’elle est pour. Alors, enrôlez-vous au lieu de faire de la business étudiante.

Après tout, ce ne sont pas les recteurs et les relationnistes de l’université qui vont se faire amputer dans les missions militaires. Non plus que les leaders étudiants qui militent dans les groupes de jeunes libéraux, adéquistes. Pas non plus les flics de la ville qui roulent en bagnole les fesses sur des sièges chauffants.

Et tiens, vous vous souvenez que, de temps en temps, des jeunes recrues de la base militaire de Bagot font des virées en ville et pètent les plombs ? Un pur hasard, des cas isolés évidemment…


Les radios de droite

Comment les médias radiophoniques ont couvert les étudiants contestataires ? La majorité les a plantés sans autre forme de procès. Je pense ici à l’animatrice adéquiste du nouveau FM sportif (Propriété en partie de Réjean Tremblay, le chroniqueur, scénariste riche et célèbre et sa famille élargie) qui trouve, comme les autres animateurs que soldat c’est une belle job, payante et que les universitaires sont assez grands pour choisir seuls ce qu’ils veulent faire.

Mais moi, je pense que les étudiants ont le droit de manifester, de s’exprimer dans une institution scolaire sans se faire écœurer par la police.

À la radio «communautaire » de Jonquière (À l’époque de Focus, CHOC-FM diffusait autre chose que de la musique country et le maire du temps et ses conseillers qui spéculent sur des terrains et font du double emploi à la ville ne faisaient pas de propagande là, c’était Coluche qui régnait alors. Vous connaissez ?), c’est encore pire comme Droite insignifiante où les étudiants qui réfléchissent n’ont pas droit de micro là.

Faut payer cash sa pub avant d’y être invité. Curieuse de radio dite «communautaire » récupérée par les petits commerces, les politiciens et autres avocats et polices relationnistes mordus du micro.

Bref, on a engueulé les étudiants contestataires toute la journée dans ces radios en défendant l’armée. Et, la semaine suivante, la semaine du ministre Blackburn des anciens combattants, on a déterré de vieux soldats pour nous faire pleurer avec leurs exploits.

Il y a des limites à donner des claques dans le dos à S.Harper, à encourager son service militaire obligatoire. Le même Blackburn qui avoue sur les ondes radio canadiennes que les parents de soldats morts au devoir en Afghanistan peuvent aller voir où ils sont «tombés » GRATIS au frais de l’armée…

C’est vrai que l’armée ça fait voir du pays à toute la famille. C’est un peu cher le ticket vous ne trouvez pas honorable Blackburn ?


Les syndicats

L’autre événement qui nous confirme la montée de la droite ici. La discrétion des syndicats régionaux dans les débats publics. Quand le porte-parole de la FTQ régional appuie sur le tard les agriculteurs qui interdisent aux clubs de motoneigistes de passer sur leurs terres, il se fait planter dans les animateurs de lignes ouvertes.

Mais il doit bien rester encore quelques animateurs, journalistes syndiqués dans ces boîtes ?

Ces représentants syndicaux se font encore plus discrets quand la CRÉ maintient sa position de «sauver » notre richesse régionale, l’industrie du skidoo. Un membre du conseil régional-CSN siégant sur cette table se fait petit petit. Pas un mot plus haut que l’autre pour appuyer les agriculteurs.

L’unanimité est de rigueur à la CRÉ, haut lieu des petits décideurs locaux. Les syndicats régionaux ont emprunté le vocabulaire du monde des affaires depuis un certain temps déjà. Ils dînent à la même table et parfois même deviennent candidats adéquistes.

La gauche ici se fait de plus en plus malmener par cette Droite omniprésente. Elle nous réserve toutefois d’heureuses surprises parfois. Les altermondialistes distribuent un peu partout dans les cégeps, les universités, le monde et au Café Cambio certains soirs de projections et de discussions ouvertes.

Quand ils manifestent et se font ridiculiser parce qu’ils ne sont pas assez nombreux. Au moins eux autres, ils ne manifestent pas pour une équipe de hockey professionnel, un nouveau colisée, une troisième aréna à la Baie, un radio libre à la Jeff Filion, un quai d’escale sur la rivière-aux-sables, un pont par famille sur le Saguenay, un projet porteur, rassembleur que seuls les militants de la Droite savent imaginer…

Ou encore ce mouvement de contestation mené par des étudiants du Conservatoire de musique dans le dossier cul-de-sac de la nouvelle salle de spectacle de Chicoutimi. Des musiciens à gauche… Focus aurait apprécié…

Une preuve parmi tant d’autres que des mouvements de résistance peuvent éclater de partout sans crier gare. Je crois qu’ici le terreau est prêt. La Droite occupe suffisamment de territoire. On étouffe sous ces chapes de boules-à-mites. Il serait grand temps de renverser la vapeur.

De lui dire que la D a assez siphonné les fonds publics et les vieilles idées pour se maintenir à flot. Qu’elle s’enrôle dans l’armée pour aller voir ailleurs comment ça se passe, étudier comment dirait l’autre. Ou qu’elle entre en communauté pour se confesser.


Bookmark