L’autoroute du Parc à sens unique s’en vient

2010/11/30 | Par Pierre Demers

L’auteur est cinéaste et poète. Il habite Arvida

L’autoroute à quatre voies dans le Parc s’en vient. Lentement mais sûrement comme le suggère le slogan emprunté aux créditistes, «le crédit social s’en vient ».

Il va aussi nous falloir un peu plus de crédit financier pour la compléter tout à fait, cette bienheureuse autoroute tant souhaitée par le mouvement Accès-Bleuets depuis février 1989.

La marraine du mouvement populaire, Marina Larouche (Les parrains étaient Gilles Paquet et Jacques Cayer), célébrait d’ailleurs, récemment et discrètement, ses 25 ans de vie politique municipale.

Comme pour faire la preuve que les promesses d’asphalte prolongent les politiciens au-delà de leurs limites.


Lance et calcule

Un communiqué de presse de Transport Québec (Le 22 novembre) nous confirmait cette semaine que l’autoroute 175 comporte maintenant 144 kilomètres de tronçons réaménagés à 4 voies.

Quand j’ai lu cette nouvelle, j’ai eu l’idée d’aller me placer à la sortie du Parc pour voir entrer le reste du Québec chez-nous, la richesse, les milliers de touristes en roulottes ou en bus.

Et pourquoi pas, l’autobus des joueurs du National de Réjean Tremblay qui chavire dans le Parc, l’amorce de son Lance et compte déjà classé par la critique unanime (Sauf le Journal scab de Montréal où Réjean va bientôt chroniquer et le Progrès-Dimanche d’hier où une journaliste robervaloise toute heureuse de voir son patelin sur grand écran résume magistralement l’intrigue («…argent, boisson, cul, Réjean Tremblay a conservé l’ABC de sa série pour son film »-sic), navet de l’année comme l’a été Le bonheur de Pierre l’an dernier.

Décidément, notre région inspire les cinéastes sans talent et les scénaristes sportifs qui veulent rejoindre «le grand public ». Les scénarios invraisemblables semblent nous fasciner.

J’ai changé d’idée à la dernière minute préférant attendre que l’autoroute soit totalement complétée du côté de Stoneham. Le budget initial de 525 millions$ plus le 112,5 millions $ de la seconde phase ayant été défoncé depuis longtemps, on s’apprête à péter le 1,2 milliard$ et plus malgré le fait que le gouvernement fédéral accuse depuis peu une fin de non recevoir.

Encore un effort, et on devrait atteindre le milliard$ et demi. Si j’étais plus jeune, je serais asphaltier… ou orignal.

Cette autoroute va-t-elle nous apporter la richesse tant souhaitée par nos décideurs et la majorité silencieuse, la sécurité de tous les conducteurs qui empruntent cette route hiver comme été, les fesses serrées ?

Permettez-moi d’en douter. Je crois fermement que cette autoroute sera à sens unique quoiqu’en disent les politiciens et les éternels régionalistes optimistes dans l’âme.

Lors de la troisième annonce solennelle de l’autoroute du Parc le 7 mai 2004 à l’hôtel de ville de Chicoutimi, le PM du Canada Paul Martin et le PM du Québec Jean Charest, en compagnie du maire excité, ne cessaient de répéter que cette route permettra enfin de «garder nos jeunes dans la région ».

Or, je pense que cette autoroute va faire le contraire. C’est une voie à sens unique. Elle donne déjà le goût aux jeunes et aux moins jeunes de filer vers le sud, vers la ville.

Les réflexes de base des conducteurs sont simples à déchiffrer. À Québec, on monte à Montréal. À Montréal, on monte à New-York, ou dans le nord de Montréal.

Au Saguenay, on monte en ville. Les gens qui viennent au Saguenay ou au Lac y viennent surtout pour des raisons familiales ou pour profiter de notre large, des plans d’eau, du bois, des lacs.

Ils ne viennent pas magasiner ici. Ils ne viennent pas profiter de nos villes pittoresques. Ils viennent nous vendre leurs livres, leurs films, leur shows, leur célébrité à nous consommateurs ciblés.

L’autoroute du Parc va permette à plus de Saguenéens, de Jeannois d’aller en ville, à Québec surtout.


Les envie de ch…

Pour la sécurité maintenant, j’ai aussi des doutes sur cette route. J’admets qu’on s’est bien occupé des orignaux et autres bêtes sauvages. On les a clôturés avec un plaisir avoué pour qu’ils ne se fracassent pas le front sur les voitures et autres véhicules de passage.

Mais, connaissant bien l’entêtement des orignaux, si ceux-ci ont décidé de traverser la route pour flirter de l’autre côté, ce n’est pas une petite clôture de broches qui va les empêcher.

Le principal problème de cette autoroute, c’est que les envies de ch…
(Les conducteurs pressés, de tout âge, de toute profession) n’ont jamais été si pressés depuis qu’une voie s’est ajoutée devant leur pare-brise.

Ils sont de plus en plus pressés. Ils roulent à des vitesses folles, doublent à droite quand la route n’est pas encore doublée et s’imaginent pouvoir se rendre à Québec en moins d’une heure.

Ces envies de ch… se sentent invulnérables sur la nouvelle autoroute. Quand je traverse moi-même le Parc, je les vois, je les sens constamment dans mon rétroviseur.

Je roule la plupart du temps à 100 kilomètres. C’est beaucoup trop lent pour eux. Je les empêcher d’avancer, de vivre. Ils voudraient me faire disparaître. M’éliminer comme on fait dans les jeux vidéo.

Ces envies de ch… vont sûrement continuer à se tuer dans le Parc, quoiqu’il arrive. Si on leur ajoute une autre voie, ils vont accélérer.

Nous n’avons pas ici la pire race d’envies de ch… mais elle est tenace et il faut toujours la garder à l’œil. On connaît à quel point la région entretient le culte de la voiture individuelle et des moteurs à fuel sous toutes les formes.

On se lamente quand le prix de l’essence augmente de trois cents mais jamais on ne va sacrifier son char, son vtt, sa tondeuse, son bateau à moteur, son seadoo, son skiddo, sa scie mécanique, etc.

La route du Parc est dangereuse, était dangereuse à cause des trop nombreux camions qui y circulent. Pour cette unique raison (Sauver des vies et par voie de conséquence, faire croire que la richesse du reste du Québec nous arriverait à pleine vitesse), on a investi un milliard $ et plus.

On a surtout couper de kilomètres de bois, écœurer toute une faune, dynamiter des montagnes, étendu des tonnes d’asphalte, de clôtures de broches, etc.

Dans le fond, je suis contre cette autoroute parce qu’avant on traversait le Parc mollo, on arrêtait pour regarder les orignaux, des ours, les renards le long de la route. On pique-niquait à des arrêts près des lacs.

Maintenant, il n’y a que le fastfood à l’Étape tous cordés comme des frites aux heures de pointe. Je suis nostalgique d’une autre époque sans doute. Les envies de ch…ne sont pas aussi dangereux et pressés ici qu’ailleurs tout de même.

À Québec, sur le boulevard Henri-Quatre, avec leur sticker de radio poubelle dans vitre arrière, les envies de ch… voudraient voler pour aller plus vite.

À Montréal, ce sont les chauffeurs de taxis et les bus qui ont cette envie désespérée de vous tasser de la route.

L’autoroute bientôt terminée du Parc va couler à sens unique vers là-bas plutôt qu’ici. Nos jeunes vont aller voir la ville, sortir de ce climat de serre dans lequel on végète trop souvent. Si j’étais orignal, je me chercherais un autre Parc pour aller sniffer de plus près les voitures, la curiosité aidant, l’instinct du large.

n.b. la citation de la semaine : «Je n’aime pas, et les conseillers non plus, être traités comme du poisson pourri. Je suis tanné des accusations… nous avons fait un oubli, c’est tout » (Le Quotidien, 24 novembre et la suite à la radio de la SRC).

Réaction du maire de Saguenay à la demande d’un citoyen d’obtenir la déclaration d’intérêt 2010 des élus municipaux comme l’exige la loi. Le dossier de ce citoyen a été remis aux avocats de la ville pour le surveiller de prés…

Le maire a avoué son oubli en affirmant que la déclaration d’intérêt a été publiée sur le site internet de la ville. Mais on cherche désespérément cette dite déclaration qui nous renseignerait sur les avoirs et intérêts des élus et du maire. Est-ce possible aussi de connaître les intérêts placés au nom de leur charmante épouse ?