Haïti a besoin d’élections, pas sélections!

2010/12/01 | Par Réseau de solidarité Canada-Haïti

Le Réseau de solidarité Canada-Haïti (CHAN) exprime une fois de plus sa profonde inquiétude quant aux élections entachées d’exclusion en Haïti. Comme bon nombre d’Haïtiens et d’organismes de défense des droits de la personne en Haïti et à l’étranger, il condamne ces élections qui servent les intérêts de l’élite haïtienne nantie et des puissances étrangères qui ont dominé le passé d’Haïti et dominent son présent.

On annonce des élections nationales à la présidence et au parlement pour le 28 novembre. Alors que les médias internationaux braquaient les projecteurs sur la candidature du populaire artiste de hip-hop Wyclef Jean et son exclusion de la liste des candidats, il y avait beaucoup plus de raisons de s’inquiéter de l’exclusion arbitraire des candidats de Fanmi Lavalas – le parti le plus populaire et le plus représentatif en Haïti.

C’est la troisième fois en un an que Fanmi Lavalas est officiellement exclu des élections en Haïti. Le parti a été exclu de l’élection partielle à deux tours du sénat en avril et juin 2009, et de l’élection présidentielle et législative de la fin février 2010, annulée à la suite du séisme dévastateur du 12 janvier. Le taux de participation au scrutin d’avril et juin 2009 a été inférieur à cinq pour cent.

Le conseil électoral provisoire d’Haïti (CEP) n’a fourni aucun motif crédible de refuser l’inscription de Fanmi Lavalas aux élections imminentes. Cet appareil est largement considéré comme un outil à la solde du président René Préval et des puissances étrangères qui l’appuient.

Les manifestations récentes devant les bureaux du CEP et les ambassades françaises et états-uniennes démontrent la résistance populaire haïtienne à l’ingérence internationale dans la souveraineté d’Haïti. Par dérision, bien des Haïtiens qualifient les prochaines élections de sélections.

Les pressions pour des élections en Haïti viennent des puissances internationales ayant appuyé et financé le renversement du gouvernement élu et du président Jean-Bertrand Aristide en 2004. Elles font partie du modèle d’exploitation des travailleurs moussé pour le développement futur d’Haïti par son élite, les gouvernements étrangers, Bill Clinton et autres représentants d’organismes onusiens et d’institutions financières internationales. Le Canada a annoncé le 5 octobre qu’il allait financer les élections à hauteur de 5,8 millions $.

Le ministre des Affaires étrangères du Canada, Lawrence Cannon, a déclaré en mai dernier, « Plus vite sera rétablie la stabilité politique, plus vite seront rétablies la stabilité économique et la croissance du pays. » En Haïti, la stabilité politique est un double langage qui occulte une autre réalité: des politiques qui privent de justice sociale et de souveraineté politique la population pauvre et opprimée du pays.

La leader de Fanmi Lavalas, Maryse Narcisse, a récemment déclaré au service de nouvelles IPS : « Pour nous, il ne s’agit pas seulement de l’exclusion de Fanmi Lavalas… Ce qu’ils veulent exclure, c’est la majorité, le peuple! »

Elle dit que Fanmi Lavalas ne participera pas aux élections. « Pour nous, c’est une sélection, pas une élection. »

Comme l’a récemment noté la membre du Congrès des É.-U. Maxine Walters dans une lettre ouverte à la secrétaire d’État Hillary Clinton, « Dans le cadre du processus de reconstruction, le prochain gouvernement d’Haïti devra prendre des décisions difficiles, qui auront un impact durable sur la société haïtienne, comme la réforme agraire et le choix des projets de reconstruction dans les zones rurales et urbaines. Confier ces décisions à un gouvernement perçu comme illégitime mène tout droit au désastre. »

Fanmi Lavalas et son candidat à la présidence, Jean-Bertrand Aristide, ont remporté une victoire écrasante aux élections nationales en 2000. En février 2004, le président Aristide, le parlement et le sénat ont été renversés par un coup d’État appuyé par les forces armées des É.-U., de la France et du Canada.

Le Réseau de solidarité Canada-Haïti exhorte le gouvernement canadien de retirer son appui aux élections entachées d’irrégularités du 28 novembre. Il faut que cesse son ingérence constante dans la souveraineté d’Haïti, qui a pour seul effet de priver la majorité pauvre d’Haïti de son droit de vote. Il faut que cesse la suppression du mécontentement populaire par les forces armées des Nations unies et d’autres pays, ou par des appareils policiers haïtiens financés par l’étranger.

Nous exhortons les membres du Parlement et les médias locaux et nationaux du Canada à prendre fait et cause pour la démocratie et la souveraineté nationale d’Haïti. Pour que le pays se rétablisse vraiment du tremblement de terre, il faut une démocratie pleine et entière, qui inclut la participation populaire à la prise de décision.

Signé, au nom des comités suivants membres du Réseau de solidarité Canada-Haïti:

Haiti Action Montreal; Toronto Haiti Action Committee; Winnipeg Haiti Action Committee; Haiti Solidarity BC

Pour rejoindre le Réseau de solidarité Canada-Haïti: canadahaiti@gmail.com