La FTQ se dotera d’un code d’éthique

2010/12/01 | Par Maude Messier

La question de l’éthique s’est retrouvée au cœur des discussions mardi matin au 29e Congrès de la FTQ qui se tient au Palais des congrès de Montréal cette semaine.

C’est par une résolution proposant l’adoption d’un code d’éthique applicable aux membres du Bureau de la FTQ que les échanges ont été lancés. Échanges, parce que dans les faits, il n’y a pas eu de réels débats, tous s’accordant sur le principe de base. « On ne peut pas être contre la vertu », soulignait un des intervenants.

Pas moins d’une trentaine de délégués se sont exprimés sur la question tour à tour sur le plancher du Congrès pendant près d’une heure trente.

Deux vice-présidents de la FTQ, Jean-Pierre Fortin des TCA et Serge Cadieux du SEPB-Québec, se sont levés d’emblée pour appuyer la résolution, relatant les difficultés auxquelles la FTQ a été confrontée quant aux « allégations de corruption, de conflit d’intérêt et de trop grande proximité avec certains entrepreneurs » qui ont contribué à miner sa crédibilité à maints égards.


La nécessité pour la centrale syndicale de maintenir son leadership à titre de vecteur de changement social pour le Québec implique « l’obligation à ce congrès de poser des gestes concrets pour redonner confiance aux membres de la FTQ et à l’opinion publique en général », a fait valoir Serge Cadieux, ajoutant qu’il s’agissait certainement du minimum que les dirigeants de la FTQ puissent faire.

Les nombreuses interventions auront surtout permis aux membres de s’exprimer librement sur le malaise profond qui triture la FTQ depuis de nombreux mois.


Médias et opinion publique

La question de la mauvaise presse est revenue invariablement dans les discussions, symptôme d’une blessure profonde chez plusieurs militants. Les délégués ont été nombreux à intervenir sur le sujet.

L’actuel directeur général de la FTQ-Construction, Yves Ouellet, a été parmi les premiers à se présenter au micro. Il s’est prononcé en faveur de la résolution, tout en déplorant que son organisation ait littéralement subi une « attaque de tous les bords, une campagne de salissage » de la part des médias, à qui il reproche la partialité de leurs divulgations.

Ce traitement médiatique biaisé est, à son avis, une attaque contre l’ensemble de la FTQ et contre le syndicalisme en général. Un point de vue que partagent plusieurs délégués. Certains en ont appelé à cesser de « laver son linge sale en public », les médias étant perçus comme une mauvaise tribune pour faire des débats qui relèvent d’abord de l’organisation.

L’ancien directeur général de la FTQ-Construction, Richard Goyette, n’a pas été plus tendre à l’égard des journalistes qui ont, selon lui, délibérément focalisé sur les allégations de corruption à la FTQ-Construction et la violence sur les chantiers alors que bien d’autres problèmes sont tout aussi scandaleux. « Mais de s’attaquer à des ouvriers, ça, ça a l’air que ce n’est pas un crime », ironise-t-il.

Il ajoute avoir « peu de respect pour les journalistes, même s’ils gagnent des prix Judith-Jasmin », une flèche en direction de Marie-Maude Denis et d’Alain Gravel, tous deux récipiendaires du Grand Prix Judith-Jasmin à l’occasion du Congrès de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec qui se tenait la fin de semaine dernière.

Si les journalistes ont été malmenés pendant une large partie des interventions, un délégué du Syndicat des employés de TVA (SCEP) a tout de même rectifié le tir en soulignant que la question de la propagande idéologique se situe plus souvent qu’autrement au-dessus de la tête des journalistes et que rien ne sert de tirer à boulets rouges sur tout ce qui bouge.

Chose certaine, les délégués ont exprimé les moments difficiles auxquels ils ont été confrontés devant leurs membres, bien malgré eux. Ils souhaitent que l’établissement d’un code d’éthique puisse devenir en quelque sorte un outil, appliqué dans les milieux de travail comme dans les syndicats locaux, « pour donner l’exemple », comme le fait valoir Serge Dupont, un délégué des TCA. « Il ne faut pas tomber dans le panneau de PKP, il faut se rassembler et faire preuve de solidarité. »

Les délégués ont réitéré la nécessité de rallier les troupes derrière un élément positif qui permettra à la FTQ de passer à autre chose. « Il ne faut pas laisser les campagnes de presse diviser la FTQ, la locomotive qui fait avancer les lois au Québec », a indiqué M. Fréchette du SEPB.


Un code d’éthique ou une question d’honneur?

M. Larcher de l’UES 800 a souligné que dans bien des milieux de travail, comme dans nombre d’organisations, le code d’éthique est une pratique bien implantée. Certains délégués se sont même montrés surpris que ce ne soit pas déjà le cas pour les dirigeants syndicaux.

Un tel code pourrait notamment contenir des dispositions relatives à la gouvernance et à la gestion des cotisations syndicales, aux comportements des individus, dans l’éventualité de possibles conflits d’intérêts, et à l’établissement d’un processus pour recevoir et traiter les plaintes.

Claude Gagné de la section locale 1991-P des TUAC a fait une intervention bien sentie, expliquant qu’il ne pouvait être contre la vertu, mais qu’il lui apparaissait pour le moins surprenant que l’on doive instaurer un tel code alors que sa conduite en tant que syndicaliste est plutôt guidée par « un code d’honneur ». Il a conclu très clairement en déclarant que « les relations de travail avec les boss, ça se fait dans un bureau. Point final. »

La totalité des interventions se sont déroulées dans le calme et de façon posée, le délai entre le feu de l’action et le Congrès ayant certainement permis une période de réflexion.

Un délégué des Métallos a expliqué avoir été d’abord choqué d’appendre que Michel Arsenault était allé sur le bateau de Tony Acurso. Puis, « je me suis demandé si moi, j’étais parfait. C’est une prise de conscience, l’important, c’est de s’en rendre compte. »

Certes, un code d’éthique n’est pas la solution de tous les maux. Cette proposition aura toutefois permis de ventiler une pression au sein des membres qui se devait d’être exprimée. Par ailleurs, il pourrait bien constituer la base d’un élément rassembleur qui permettra à la FTQ d’aller de l’avant.

Dans un geste symbolique, les délégués ont adopté à l’unanimité la résolution en se levant de leur siège, plutôt qu’à main levée, à la demande du président.