La laïcité québécoise a une histoire

2010/12/15 | Par Louise Mailloux

Le débat actuel sur la laïcité nous a habitués aux arguments des philosophes, des sociologues et des juristes. Il y manquait toutefois le point de vue de l’historien pour mettre les choses en perspective, les asseoir dans le temps, nous rappeler le chemin parcouru et donner un meilleur éclairage des enjeux contemporains et des choix qui s’offrent à nous.

L’une des grandes idées de ce livre est que la laïcisation du Québec a débuté bien avant la Révolution tranquille et que les changements structurels qui ont eu lieu à ce moment-là ont été préparés par une mutation des idées qui remontent jusqu'à la Crise de 1929. L’émergence d’un laïcat catholique, la déconfessionnalisation des syndicats, des coopératives et des ordres professionnels, la laïcisation du savoir dont le père Lévesque s’est fait l’ardent promoteur à l’École des Sciences sociales de l’Université Laval et l’anticléricalisme du Refus global. Autant de transformations décisives dont «la Révolution tranquille ne sera qu’une mise à jour tardive».

Selon Lamonde, «la dissociation, non pas tant de l’Église et de l’État, mais de la religion et de la langue dans l’identité traditionnelle des Canadiens français fut le changement le plus profond depuis la Crise et dans l’après-guerre». Ceci permit au nationalisme de s’affirmer en proposant une culture commune expurgée de son catholicisme.

Le vaste chantier de laïcisation entrepris dans les années soixante ne réussira toutefois pas à déconfessionnaliser les écoles publiques. Ce sera le revers de la Commission Parent et il faudra attendre 1997 pour que les commissions scolaires s’organisent sur une base linguistique.

Pour Lamonde, la Révolution tranquille demeure inachevée parce que l’État tarde à constitutionnaliser sa laïcité, qu’il tarde à se fonder dans cet universel qui nous débarrasserait du «cas par cas» des accommodements religieux. Mais encore faut-il pouvoir déconfessionnaliser son esprit pour comprendre que l’État doit aussi cesser de subventionner les écoles privées confessionnelles et cesser d’associer l’éthique avec la religion comme le fait l’actuel programme d’éthique et de culture religieuse.

Au débat sur la laïcité, il y manquait la pesanteur de notre histoire. Cet excellent ouvrage ne pouvait pas mieux «tomber».


L’HEURE DE VÉRITÉ. LA LAÏCITÉ QUÉBÉCOISE À L’ÉPREUVE DE L’HISTOIRE

Yvan Lamonde
Del Busso Éditeur
Montréal, 2010, 221 pages