Pour une commission d’enquête sur l’inégalité sociale dans notre système d’enseignement

2010/12/17 | Par L’aut’journal 

Notre société continue à être une société inégalitaire, et notre système d’enseignement continue à avoir un côté inégalitaire, qui, finalement, tend à reproduire des inégalités. Bien sûr, un certain nombre de choses ont changé. Mais les inégalités qui ont préoccupé les réformateurs des années 1960 et 1970, ces inégalités culturelles et économiques de fond, elles sont toujours là.

Si j’étais ministre de l’Éducation, je créerais une commission d’enquête sur les inégalités qui prédominent dans le système d’enseignement et qui sont antidémocratiques. Ce devrait être le mandat d’une telle commission : revoir, dans cette perspective, le rôle de l’enseignement privé et de l’enseignement public, l’idée de la polyvalence, les mesures à prendre pour que les milieux défavorisés bénéficient de plus de moyens que les autres. Le mandat ne porterait pas d’abord sur les structures, non plus sur les programmes. On y a travaillé, beaucoup de choses ont été faites. Mais il faudrait réactualiser la mission de démocratisation de l’enseignement qu’on est en train de perdre de vue.

L’objectif de la démocratisation tel que je l’entends, c’est certainement de minimiser le plus possible les écarts entre les couches les mieux nanties et les plus défavorisées de la population. Pour ma part, je conçois le système d’éducation comme un des vecteurs qui sont en mesure de minimiser ces inégalités sociales.

Mais, en même temps, il y a toujours une réalité de système d’éducation qui consiste en la reproduction des inégalités sociales. C’est le paradoxe d’un système d’éducation dans nos sociétés contemporaines : être à la fois facteur d’égalité et facteur d’inégalité. Le système d’éducation sert certainement de canal de mobilité sociale. Et, au Québec, ça a été le cas pour ma génération et pour la génération qui m’a suivi.

Mais, en même temps, le système d’éducation continue à creuser les écarts; probablement à cause de son intention même, il pose des exigences culturelles, et pas seulement économiques. Il y a des couches de la population qui sont culturellement défavorisées, et c’est dans ces couches de la population que se reproduisent ce que l’on peut appeler des infirmités sociales. Cela me préoccupe toujours.


Guy Rocher. Entretiens
François Rocher
Boréal