Aide sociale : Un gros 7 $ d’augmentation par mois

2011/01/11 | Par Maude Messier

La période des Fêtes n’est pas synonyme d’abondance dans tous les foyers. Aussi, les guignolées accompagnent-elles les préparatifs de ces festivités, une occasion de faire « un bon geste » à l’endroit des plus démunis. Certes, les médias nous abreuvent de cette pléiade de bonnes intentions, mais qu’en est-il l’année durant?

En 2010, la « clientèle » des banques alimentaires a explosé. À Montréal, on note une hausse de 22% de l’achalandage par rapport à 2009 et les banques peinent à fournir à la demande croissante. Une situation qui alerte le Front commun des personnes assistées sociales du Québec (FCPASQ) où l’on affirme recevoir de nombreux appels de gens qui jeûnent depuis des jours parce que les banques alimentaires doivent limiter les rations.

« Les richesses sont concentrées au Québec et se sont toujours les mêmes qui se l’approprient. Ce n’est pas normal que des gens soient exclus de la richesse collective », déclare Amélie Châteauneuf, porte-parole du FCPASQ, en entrevue à l’aut’journal.

« Ce n’est pas vrai que la pauvreté diminue. Le gouvernement restreint l’accès aux programmes d’aide des toutes sortes de façons, en multipliant les critères. Il joue avec les chiffres pour faire dire ce qu’il veut bien, il change les calculs de référence et les barèmes pour parler de pauvreté. Il faut voir ce qui se passe au-delà des statistiques, sur le terrain et ça n’a rien de rassurant. »


Des pinottes pour les pauvres
Les prestations d’aide financière de dernier recours ont été indexées de 1,27% au 1er janvier 2011, soit l’équivalent de la variation de l’indice des prix à la consommation (IPC), à l’exclusion des boissons alcoolisées et des produits du tabac. Une augmentation jugée nettement insuffisante par le FCPASQ.

Selon l’organisme, 480 000 personnes bénéficient de l’aide financière de dernier recours au Québec en incluant les enfants. L’indexation représente à peine 7$ de plus par mois pour les personnes assistées sociales sans contrainte à l’emploi, pour une prestation maximale de 574$ par mois. Pour les personnes avec contraintes, la prestation passe à 873$ mensuellement, soit une augmentation de 15$.

Le FCPASQ a pourtant fait des représentations en novembre dernier auprès de la ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Julie Boulet, pour faire connaître ses revendications, en vain.

Mme Châteauneuf plaide que les fluctuations des prix à la consommation pénalisent les prestataires d’assistance sociale parce qu’ils incluent les produits de luxe. Par exemple, en 2010, la chute des prix de certains de ces biens a résulté en un IPC de 0,48%. « Ce qu’on demande, c’est que le taux d’indexation ne soit pas fixé par rapport à l’IPC, qui n’est pas représentatif des prix des produits de base. On veut un calcul spécifique qui tient compte des variations des produits de base. »

Une revendication qui ne tombe pas des nues puisqu’un avis déposé au gouvernement par le Comité consultatif de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale en février 2009 abonde également en ce sens. « Mais les principales recommandations du rapport ont été tablettées. »

Amélie Châteauneuf soutient que 1,27% ne couvre même pas l’augmentation du coût de la vie et des frais courants à assumer. Elle souligne à titre d’exemple que les prix des loyers à Montréal ont augmenté en moyenne de 4,6% en 2010 et de 3,6% pour le transport en commun. Les factures d’Hydro-Québec ont augmenté de 18% depuis 2005, soit une moyenne de 3,5% par année. « Et c’est sans compter les produits alimentaires de base dont les prix ont grimpé, comme le blé, les céréales, le lait, etc., parfois même jusqu’à 20%. »

1,27%, c’est d’ailleurs en deçà des conventions collectives qui se signent actuellement, même dans le secteur privé, et des augmentations salariales consenties aux salariés de l’État.


Jugement et exclusion
« À notre avis, les personnes assistées sociales devraient également pouvoir prendre part à la société, participer à la culture et aux loisirs, mais dans le contexte actuel, on est loin de ça. Ils [les bénéficiaires] ne peuvent même pas se payer une passe mensuelle de transport en commun. »

Pour le FCPASQ, l’aide sociale est un droit humain et l’organisme milite en faveur d’une prestation de base unique, sans étiquettes ni catégories jugées discriminatoires. Une mesure aussi proposée par le Comité consultatif.

Le gouvernement divise en deux catégories les personnes assistées sociales : avec ou sans contraintes au travail. Selon le FCPASQ, seulement 35% des bénéficiaires sont considérées avec contraintes au travail. Les autres pourraient, théoriquement, être réintégrés au marché du travail.

« Le problème, c’est que le marché ne veut pas d’eux, pour diverses raisons. D’après une étude de 2006 dont le gouvernement n’a pas publié les chiffres, 90% de ceux qu’il considère sans contraintes ne pourraient pas se trouver du travail parce que les critères du gouvernement ne tiennent pas compte des contraintes du marché. »

Pour la porte-parole du FCPASQ, dans le contexte économique actuel, il est difficile de faire entendre le point de vue des plus démunis, d’établir un rapport de force avec le gouvernement et de bénéficier d’une couverture médiatique.

« Les préjugés dans la population sont persistants, ce qui rend les choses difficiles. L’idée des bons et des mauvais pauvres est très présente et renforcée par les étiquettes qu’appose le gouvernement. Les personnes assistées sociales sont blâmées individuellement pour cacher les lacunes du système. »

C’est dans l’esprit d’une plus grande cohésion sociale et d’une meilleure répartition de la richesse que le FCPASQ a joint les rangs de la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics, un regroupement de plus de 120 organismes communautaires, groupes sociaux, groupes de femmes, associations étudiantes, syndicats, etc.


En marche vers une mobilisation au printemps
En conférence de presse dimanche dernier, l’Alliance sociale présentait ses propositions, en vue des consultations prébudgétaires du ministre des Finances, Raymond Bachand, pour un budget provincial qui « reflète les valeurs sociales du Québec, empreint de justice sociale et d’équité ».

Interrogée par l’aut’journal sur la collaboration entre l’Alliance sociale, composées de sept organisations syndicales et de deux fédérations étudiantes, et les différents regroupements sociaux et communautaires, Mme Claudette Carbonneau, présidente de la CSN, a insisté sur la volonté « d’unir le plus possible les forces vives du Québec pour éviter de prendre le virage que nous imposait le dernier budget. Alors oui, il y a des discussions régulières avec la Coalition sur la tarification, il y a des discussions avec des groupes environnementaux, des discussions avec différents groupes. Nous comptons travailler à la mise en place de grands évènements de visibilité d’ici la production du prochain budget. »

Même si les revendications de l’Alliance sociale en prévision de la plateforme budgétaire ne comprennent pas de mesures spécifiques liées à la pauvreté, « une plus grande justice sociale passe nécessairement par la redistribution de la richesse. C’est 1 milliard $ qu’on propose d’aller chercher facilement, on ne parle pas de mettre l’économie du Québec à terre là! », a fait valoir Réjean Parent, président de la CSQ.

« Pour pouvoir maintenir les programmes sociaux et les améliorer, il faut aller chercher des revenus et améliorer la situation financière. Quand on dit ‘‘arrêtons de couper dans les dépenses pour atteindre l’équilibre budgétaire dès 2013’’, c’est un peu ça aussi : ça aurait un impact négatif sur ces programmes sociaux. »

Craignant que les coupures draconiennes ne freinent la reprise économique et replongent le Québec au cœur de la crise, l’Alliance sociale dénonce l’obsession du gouvernement Charest pour un retour à l’équilibre budgétaire dès 2013 et réclame que l’échéance soit repoussée en 2017-2018, tout comme l’envisage le gouvernement fédéral.

L’Alliance propose aussi une série de mesures visant à soutenir la reprise économique, telles que l’abolition de la contribution santé, limiter la sous-traitance dans la fonction publique, l’ajout d’un pallier d’imposition pour les personne ayant des revenus de plus de 127 000$, l’instauration d’une taxe sur les produits de luxe, soutenir le développement économique durable et envisager d’autre modes de financement pour le réseau universitaire que la hausse des droits de scolarité qui mettrait en péril l’accessibilité aux études universitaires.

L’Alliance sociale réclame également que les entreprises fassent leur juste part et propose un impôt minimum équivalent à 1,5% du revenu net des entreprises rentables, un resserrement de 15% des différents crédits d’impôts et congés fiscaux, hausser à 300 millions $ la cible de la lutte contre l’évasion fiscale et fixer un cible annuelle minimale de 250 millions $ en droits sur l’exploitation minière.