Les otages de la forme physique (et mentale)

2011/01/11 | Par Pierre Demers

L’auteur est cinéaste et poète. Il habite Arvida


Ils nous font le même coup à chaque début d’année. Veulent s’occuper de notre santé et pour ce faire descendent avec leurs gros sabots/espadrilles pour nous vendre leur forfait santé.

Mais ils nous prennent pour qui, ces marchands des muscles vitement gonflés à vouloir à tout prix (plus cher que moins) s’occuper de notre dégraissage d’après les Fêtes et la réduction instantanée de notre taux de cholestérol ? Pour qui se prennent-ils à part des vulgaires marchands d’illusions et de modèles physiques préfabriqués ?

Je m’étouffe à chaque début d’année en avalant ma soupe aux lentilles quand je les entends me dire que c’est le temps de faire le grand ménage de mon organisme surchargé par la bouffe et les autres dépassements épicuriens des vacances hivernales.

Ils m’offrent rien de moins que des forfaits de 500$ et plus avec coach privé pour repartir mon entrainement obligatoire si je veux garder la forme de mes voisins et confrères qui m’entourent au travail, au bureau, en société quoi et surtout l’admiration de ma blonde.

De quoi se mêlent-ils ces marchands-là qui ne jurent que par les trois ou quatre visites obligatoires par semaine au gym ?

Depuis quand faut-il se ruiner pour garder la santé ? Depuis quand l’industrie des belles formes s’est-elle insinuer dans nos vies privées pour en faire une condition sine qua non à la survie en groupe plus ou moins restreint ? Je vous le demande, je me le demande et je pars en furie contre ces peddleurs de faux muscles.

Je vois les jeunes, les flos qui veulent à tout prix (souvent poussés par des parents obsédés par la réussite sportive professionnelle) jouer au hockey dans des ligues, des arénas avec l’équipement d’usage.

Une inscription de 500$ à une ligue, un équipement bien ordinaire qui peut facilement friser les 1000$, et des bâtons de hockey que certains même se permettent d’acheter à 200$ pièce (sic).

Et ça ne fait que commencer pour entretenir la soi-disant forme de ses jeunes. C’est fou, c’est dingue cette exploitation des boutiques d’équipements sportifs qui font leur fric sur le dos des jeunes, des parents et de l’époque avec la bénédiction de l’industrie publicitaire.

Pour entretenir tout ce système ultra capitaliste, les villes construisent des arénas au lieu de laisser les jeunes jouer dehors après avoir gratté eux-mêmes leurs patinoires, comme dans le bon vieux temps. Et tard le soir, les ligues de vieux occupent les mêmes surfaces artificiellement glacées pour se souvenir de leur jeunesse aux oreilles gelées et aux nez qui coulaient généreusement.

Faut-il absolument dépenser des centaines de $$$ pour atteindre sa forme idéale, la bonne santé des jeunes comme des moins jeunes ? Je ne pense pas.

L’hiver chez-nous, mes parents nous achetaient une paire de patins et un hockey. On passait nos journées de congé et nos soirées quand ils nous le permettaient à jouer sur la patinoire des Frères. On rentrait à la maison pour les repas et pour se coucher.

Je crois fermement que cette solution de bas de gamme, facile à appliquer, pourrait résoudre les graves problèmes d’obésité des jeunes d’aujourd’hui.

Pour le reste, on devrait leur donner des cours de cuisine pour qu’ils apprennent à bien se nourrir parce que trop de parents ne le savent pas.

Et les autres qui ne veulent rien savoir, qui passent leur journée à jouer sur leur ordi et bien qu’ils dépérissent. Ce sera leur choix. Ils iront rejoindre tôt ou tard la confrérie des triportés.

Mon slogan est simple et je n’ai pas besoin de subventions fédérales, de défi Pierre La Forme ou de campagnes agressives de publicité dans tous les médias d’ici et d’ailleurs :« si vous voulez gardez la forme à n’importe lequel âge, allez jouer dehors et nourrissez-vous comme du monde. Vous pouvez manger de la tourtière pour déjeuner si vous voulez, mais après, allez courir tout nus dans la neige pendant une demie heure. »

Je déteste les tournois pee-wee et tous les autres concours qui poussent les flos à considérer la compétition comme le but ultime de la vie en société.

Ces tournois sont organisés dans le seul but de faire plaisir aux parents et aux organisateurs bénévoles qui rêvent de voir surgir miraculeusement un ti-Guy Lafleur du banc des joueurs.

Et ceux qui disent que ce genre d’activités sportives forme le caractère des jeunes et leur inculque le respect de l’autorité et bien je leur réponds que c’est beaucoup mieux d’apprendre à jouer un instrument de musique pour atteindre ces buts.

Et un violon, une guitare, un piano, une flûte traversière, un tuba, un saxophone, une harpe meublent beaucoup mieux une pièce dans un appartement, une maison qu’un anonyme bâton de hockey même de 200$.

Pour garder la forme (physique et mentale), on devrait interdire ce lavage de cerveau qui suit la période des Fêtes. Ce lavage de cerveau nous laissant croire que seuls des «professionnels » de l’activité physique peuvent nous remettre sur le droit chemin.

Malgré nos mauvaises habitudes de prendre les promenades en skidoo et en VTT pour des activités physique de pointe. On connaît ici le culte entretenu par le «sport » de la motoneige auprès des fabricants d’opinions.

Vaste complot publicitaire que cette campagne d’après les fêtes qui mérite d’être remise à sa place. C’est ce que je viens de faire modestement.


Citations de la semaine :

«Nous avons acheté les anciennes bâtisses de Chic Pontiac Buick et de Paco. L’une d’entre elles sera démolie cette année. Nous avons planifié 7M$ dans le plan triennal de l’arrondissement pour le développement de ce secteur »

- Jacques Fortin, président de l’arrondissement de Chicoutimi, directeur du musée de la Pulperie, Le Courrier du Saguenay, 5 janvier

…le derby de démolitions des vieux édifices de Chicoutimi se poursuit sous la gouverne du directeur du musée qui devrait généralement avoir le souci de la conservation, non ?

«L’exercice physique…je ne cours pas pour maigrir, pas pour être en santé, pas pour vivre plus vieux, pas pour aller pédaler 1000 kilomètres avec la secte de Pierre Lavoie (sic), je cours pour le fun…»- Pierre Foglia, La Presse, le 6 janvier

….qui ici oserait s’en prendre à la secte de Pierre Lavoie, à son culte régional entretenu par le maire qui a placé un de ses vélos en ex-voto dans une vitrine du bureau touristique de Chicoutimi avec photo des deux ?