Les enfermés de l’intérieur

2011/02/17 | Par Ginette Leroux

Après Continental, un film sans fusil, sorti en 2007, Stéphane Lafleur revient avec En terrains connus. Le film raconte l’impact d’une suite d’incidents sur la vie de gens ordinaires dont le quotidien est bouleversé par des événements à la fois banals et mystérieux. Maryse, une jeune femme mélancolique et rêveuse coule des jours en apparence tranquilles avec son mari Alain dans leur petite maison de banlieue. Son frère Benoit, un garçon frustré et colérique au comportement juvénile, habite chez son père, un veuf cardiaque qui peine à se remettre de la mort de sa femme, survenue il y a cinq ans. Nathalie, la blonde de Benoit, pourrait devenir sa bouée de sauvetage, mais son jeune fils s’oppose férocement à leur relation amoureuse.

À première vue, rien ne devrait perturber le quotidien de ces abonnés à la frustration. L’action démarre lorsqu’un accident grave à l’usine où elle travaille trouble profondément Maryse. Un deuxième incident, assez banal, entraîne la discorde au sein de la famille lors du souper de commémoration de la mort de la mère. Le troisième aura une conséquence majeure sur la suite de l’histoire. Un homme qui dit venir du futur annonce à Benoit la mort prochaine de sa sœur qui sera causée par un accident de la route. « J’arrive du futur, » dit-il. « Ah! Avez-vous faim ? », répond simplement Benoit, sans broncher. 

Le ton désarmant de la réplique ne nie en rien l’enjeu à la fois tragique et banal de l’histoire de ces enfermés de l’intérieur qui, sans l’apparition de ce personnage providentiel, n’arriverait pas à reprendre leur vie en main.

La chanson Ma destinée, interprétée par Willie Lamothe, qu’on entend durant le déroulement du générique de la fin résume le film avec son titre tragique et son style western.


Les terrains connus de Stéphane Lafleur

« Pour moi, un film commence toujours avec des images qui s’imposent sans que je sache d’où elles viennent », répond Stéphane Lafleur quand on lui demande d’où il a tiré l’inspiration à l’origine de son film. L’instinct joue donc un grand rôle dans le premier jet du scénario. Là s’arrête l’imprévisible. Après un temps de réflexion, il se met à l’écriture approfondie du scénario. « Les idées se sont mises en place assez rapidement. Je savais que, cette fois-ci, j’allais raconter une histoire. Un peu le contrepied de Continental, un film contemplatif. »

Stéphane Lafleur aime être en terrains connus. Les acteurs Fanny Mallette et Denis Houle étaient de la distribution de Continental. Francis La Haye était assistant-bruiteur. « La première fois que j’ai vu Francis, je me suis dit qu’il fallait que quelqu’un filme ce gars-là », se souvient-il. Quand j’ai su qu’il était aussi acteur, le rôle de Benoit s’est imposé à l’audition. » Stéphane Lafleur aime ses acteurs. « Je veux qu’ils soient intéressants à l’écran et que, même quand ils ne disent rien, on ait envie de les regarder, de les suivre et qu’ils nous captivent. »

Cette confiance est réciproque. Pour les acteurs, le réalisateur sait parfaitement ce qu’il veut et où il s’en va. Une bonne écoute et une grande disponibilité sont requises lors du tournage, car l’univers de Stéphane Lafleur lui est propre, confirment Fanny et Francis. Les deux acteurs précisent qu’il leur a demandé de ne pas jouer, mais d’être le plus près possible de ce qu’ils sont dans la vie courante. Ses consignes claires ont eu l’effet escompté. Ils sont d’un naturel étonnant.

Sara Mishara tient à nouveau la caméra après avoir apporté son savoir-faire au premier film de Stéphane Lafleur Continental, un film sans fusil tout comme André-Line Beauparlant, qui signe la conception visuelle. Les deux spécialistes de l’image se sont inspirées des toiles de Jean-Paul Lemieux. « On ne peut pas y échapper quand on filme l’hiver », convient Stéphane Lafleur.


En terrains connus de Stéphane Lafleur, en salles le 18 février 2011.