Abolition de la libération au sixième de la peine

2011/02/22 | Par Maria Mourani

L’auteure est députée d’Ahuntsic et porte-parole du Bloc Québécois en matière de sécurité publique

En faisant adopter rapidement le projet de loi C-59 qui abolit le mécanisme permettant la libération quasi automatique au sixième de la peine pour les criminels dits non violents, le Bloc Québécois a mis un terme à une lutte politique de près de quatre ans..

Initié en juin 2007 à la suite d’un travail sérieux de réflexion du Bloc Québécois en matière de justice, le projet de mettre fin à la libération au sixième de la peine faisait écho à la colère légitime de la population concernant la libération rapide de criminels à cravate, de trafiquants de drogue et d’acteurs du scandale des commandites tels que Paul Coffin (juillet 2006) et Jean Brault (octobre 2006). Ces libérations hâtives ont durement miné la crédibilité du système judiciaire et ont fortement contribué à projeter une image de laxisme qui est devenue un enjeu de société fondamental.

Le projet de loi C-59 n'est donc pas tombé du ciel.

Rappelons que dès le milieu des années 1990, le milieu juridique, le Barreau et plusieurs criminologues en tête, s’était opposé avec vigueur à l’examen expéditif que nous avons aboli avec C-59.

À deux reprises, en septembre 2009 et en mars 2010, le Bloc Québécois a proposé un consentement unanime pour l’adoption rapide d’un projet de loi qui, tout comme C-59, aurait eu pour effet d’abolir la libération au sixième de la peine. Paradoxalement, ni les libéraux, ni les néo-démocrates ne s’y sont opposés. En fait, l’opposition à l’adoption rapide de ce projet de loi provenait des conservateurs, qui prétextaient vouloir déposer un meilleur projet de loi en ce sens. Par la suite, les conservateurs ont déposé un projet de loi, mais ne l’ont jamais soumis à l’étude du Parlement.

C’est donc en raison d’un excès de partisannerie de la part des conservateurs que le 27 janvier 2011, Vincent Lacroix a pu être libéré au sixième de sa peine, ne purgeant que 15 mois d’une peine de 13 ans.

Le 31 janvier, j'étais à la Chambre et j'ai vu le chef du Bloc Québécois se déplacer pour aller voir le premier ministre. Ils ont discuté et sont parvenus à une entente. Le 10 février dernier, j’ai demandé le consentement unanime de la Chambre des communes pour une adoption rapide de C-59 et on a entendu des refus de la part des libéraux et des néo-démocrates.

Pour se justifier, le NPD a évoqué que C-59 ne s’appliquait pas seulement aux criminels à cravate. Le chef des libéraux a soutenu que C-59 « cible aussi les petits délinquants », soit des personnes purgeant des sentences de deux à trois ans. Or, les projets du Bloc auxquels libéraux et NPD avaient consenti en 2009 et 2010 avaient une portée similaire.

Tout ce que fait C-59, c'est abolir la libération au sixième de la peine et l'examen expéditif qui rend automatique, dans certains cas, la libération conditionnelle. La Commission des libérations conditionnelles ne tiendra plus uniquement compte du danger de récidive par un crime violent pour refuser une semi-liberté, mais elle devra plutôt évaluer le risque global de récidive.

De plus, dans le cas des personnes purgeant une sentence de moins de trois ans, le commissaire du Service correctionnel du Canada, Don Head, a confirmé au comité de la sécurité publique que le projet de loi C-59 n'aura pas d'impact sur ces détenus purgeant des petites sentences et que ceux-ci pourront toujours bénéficier de la semi-liberté. Ils devront toutefois satisfaire aux exigences générales de la Commission des libérations conditionnelles pour ce qui est du risque de récidive.

Le chef du parti libéral a également soutenu que l'application de C-59 entraînerait annuellement des coûts supplémentaires de plus 100 millions de dollars aux contribuables. Or, Don Head rapporte plutôt une estimation de plus de 40 millions de dollars par année. Quant à nous, au Bloc Québécois, c’est un prix acceptable pour un système plus cohérent et plus efficace du point de vue de la sécurité publique.

Pour ce qui est de la proposition des libéraux et du NPD de limiter l'application de C-59 aux fraudes de plus de 100 000 dollars, elle était insoutenable. En effet, un prédateur économique qui ravi 10 000 dollars à neuf victimes ne doit pas bénéficier d'une libération automatique au sixième de sa sentence.

Et que faisons-nous des trafiquants de drogue, voire des membres de la mafia qui font exécuter leurs actes de violence par leurs soldats? De toute façon, le nouveau système n’aura pas pour effet de garder plus longtemps emprisonné un délinquant non violent ayant reçu une sentence de moins de trois ans et qui présente une faible possibilité de récidive.

Enfin, précisons que ce projet de loi n’a pas d’effet rétroactif puisqu’il modifie les règles pour les demandes futures. Selon nous, une telle disposition respecte la constitution, car ce projet de loi ne concerne pas la détermination de la peine mais bien son application.