Autobus québécois made in USA?

2011/02/24 | Par Maude Messier

« Ça n’a pas de bon sens que l’argent des contribuables québécois serve à financer des autobus fabriqués aux États-Unis », s’insurge le directeur régional du syndicat des TCA-Québec, Sylvain Martin.

Dans une entrevue accordé à l’aut’journal, M. Martin explique que les négociations achoppent entre Nova Bus et les 400 travailleurs et travailleuses de l’usine d’assemblage d’autobus de Saint-Eustache.

« L’enjeu de la négociation, c’est que l’employeur réclame la possibilité d’assembler des autobus destinés aux marchés canadien et québécois dans son usine américaine. Il en fait un enjeu de compétitivité. De notre côté, on pense que ça n’a pas de bon sens que l’argent des contribuables québécois finance des emplois aux États-Unis! »

D’après le syndicat des TCA-Québec, Nova Bus détient 54% du marché canadien de la fabrication des autobus de ville. « On ne parle pas ici du secteur privé. Ces autobus sont destinés aux municipalités, payés à même les taxes des contribuables. »


Compétitivité et responsabilité des gouvernements

Nova Bus exploite notamment deux usines d’assemblage situées à Saint-Eustache et à Plattsburg. « L’usine de Plattsburg, ouverte en 2008, est littéralement un ‘‘copié collé’’ de celle de Saint-Eustache. »

D’après Sylvain Martin, les installations de Plattsburg ont été mises sur pied principalement pour répondre aux exigences du Buy American Act, qui requiert 60% de contenu américain pour les autobus destinés au marché des États-Unis.

« Le problème, en fait, c’est que la situation inverse n’existe pas. Il n’y a pas de Buy Canadian Act. Légalement, il n’y a aucun frein et rien n’empêche Nova Bus d’assembler aux États-Unis les autobus destinés au marché canadien. »

Or, le syndicat soutient que si l’usine de Plattsburg n’avait pas obtenu les contrats des autobus de Calgary et de Vancouver en 2010, elle aurait probablement dû fermer ses portes, faute de contrats américains. « L’usine roule vraiment au minimum, à 0,9 autobus par jour. » À titre de comparaison, l’usine de Saint-Eustache roule actuellement à 3 autobus par jour et a même atteint une pointe de 4 autobus par jour, tout juste avant la période des Fêtes.

« Il est vrai que l’entreprise n’a pas encore assemblé d’autobus québécois aux États-Unis. Le fait est qu’elle nous demande tout de même de laisser la porte grande ouverte pour qu’elle ait la latitude de le faire afin de demeurer concurrentielle. Pour nous, ce n’est pas acceptable. »

Le syndicat dénonce le fait que d’importantes subventions publiques allouées aux investissements en transport en commun par les municipalités ne comportent aucune exigence quant à la provenance des contenus. La Société de financement des infrastructures locales (SOFIL) prévoit d’ailleurs une enveloppe budgétaire de 700 millions $ à cet effet sur quatre ans.

« L’entreprise nous dit que ce n’est pas de leur faute, s’il n’y a pas de Buy Canadian Act, et qu’ils doivent demeurer compétitifs. Ça n’a pas de sens que le gouvernement verse 700 millions $ de fonds publics en subventions sans aucune exigence ni protection des emplois au Québec. »

Les négociations pour le renouvellement de la convention collective, en cours depuis six mois, achoppent principalement sur ce point. La partie syndicale réclame une protection des emplois au Québec, alors que Nova Bus tient mordicus à une plus grande flexibilité dans la délocalisation des contrats.

Réunis en assemblée générale, les syndiqués se sont prononcés à l’unanimité en faveur d’un ultimatum fixé au 6 mars prochain à minuit. « Au-delà de cette date, les syndiqués exerceront leur droit de grève. » Rappelons que le syndicat détient déjà un mandat de grève, voté avant le début des négociations.

Pour Sylvain Martin, l’objectif n’est absolument pas d’en arriver à un arrêt de travail. « On ne veut pas d’un conflit de travail, on veut une entente négociée de bonne foi, soutient Sylvain Martin, confiant de pouvoir y arriver. Il faut comprendre qu’il y a deux niveaux. Il y a ce qu’on peut conclure par une négociation avec le patron, mais il y a aussi ce que le gouvernement fait avec nos taxes. On pense que le gouvernement a le devoir d’agir dans ce dossier. »