Davos : où est le bilan ?

2011/03/01 | Par André Bouthillier

Pourquoi parler du Forum Économique Mondial de Davos alors qu'il est terminé depuis le 30 janvier 2011 ? Parce que je m’étonne que sur les 44 articles de presse publiés au Québec, qui annonçaient en grande pompe l’événement, aucun n’ait assuré un suivi de la participation du Québec pendant et après l’événement. Rien, à l’exception d’un court compte rendu sur le site d’Investissement Québec, disponible uniquement en anglais.

Il est raisonnable de se questionner sur la pertinence de la participation d’un premier ministre du Québec, surtout en perte de crédibilité, à ce forum donc l’objectif initial s’est réalisé suite au passage à une économie mondiale. Maintenant ce n’est qu’une foire commerciale.

Est-il vraiment indispensable que le chef de l’Etat dépense de sa personne et l’argent des contribuables pour tenir par la main les entreprises vers ce genre de manifestation, alors qu’elles bénéficient déjà de réductions d’impôts, de subventions à la pelle et de compensations électorales?

Bien sûr, grâce à son titre honorifique, la personne de Jean Charest peut s’intéresser à tisser des liens personnels avec les dirigeants du Forum et les autres panelistes, ou contribuer par sa grande expérience de fourberie à certains panels, mais aux frais de l’État?

Récemment, David Rothkopf, un consultant, chercheur et commentateur américain, et habitué du forum disait: « Toute cette entreprise est en train de s'étioler pour plusieurs raisons, toutes liées au fait que Davos se prête mal au réseautage. »

Le premier ministre n’a pas «réseauté» durant les cinq jours du Forum, il a participé en tant qu’intervenant à deux ateliers : l'un portant sur la rétention de la main-d'oeuvre et l’autre sur le développement durable. Plutôt loufoque lorsqu'on examine son bilan québécois, mais l’homme a le droit de se divertir et de se faire voir.

Il a dû écourter son séjour afin d’assister aux funérailles de Mme Audrey Best, ex-épouse de Monsieur Lucien Bouchard. À cause de la distance Montréal/Suisse, soustrayons une autre journée et demie de temps de lobby; donc peu de rencontres avec des dirigeants de multinationales, tel que seriné par la presse.

Considérons que la preuve est faite : la présence du Premier ministre n'était pas obligatoire pour le bien du Québec. Qui donc a fait le travail de participer à une trentaine de tête-à-tête, programmés avant même le début du Forum? Est-ce Clément Gignac, le ministre du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation qui, comme membre officiel d’un comité du Forum a probablement grugé quelques heures sur ses rendez-vous d’affaires?

Ou est-ce que les rendez-vous ont tous été organisés et réalisés par M. Jacques Daoust d'Investissement Québec et les quelques fonctionnaires à son service? Si tel est le cas pourquoi ne pas l'avoir envoyé seul avec son équipe ?

Dans les faits, ces rencontres demandent le plus souvent des mois de préparation : qui veut-on  rencontrer? Quel secteur industriel? Présent à Davos ou pas? Une plage horaire disponible? Le motif de la rencontre?  

Bien naïf est celui ou celle qui croit un seul instant que des élus se promènent dans les corridors pour lire les cartons d'identification des participants afin d'y déceler un client potentiel. Surtout que les médias ont rapporté la présence de plus de 2 500 décideurs et dirigeants d'entreprises à ce Forum, nombreux quoi!

Selon monsieur Daoust d'Investissement Québec, «Nous avons profité de notre présence à Davos pour rencontrer des dirigeants de compagnies qui ont des filiales au Québec. Nous leur proposons une aide pour faire bonifier leur investissement au Québec. Nous n’avons tenu des rencontres qu'avec des représentants des industries de la biotechnologie et de la métallurgie.»

Ce Forum, désormais à caractère commerciale, ne s’adresse plus à nos élus, mais concerne les Chambres de commerce du Québec et quelques sociétés parapubliques qui pourraient très bien s’organiser et financer une délégation d’affaires à même leur propre budget de développement.

Curieux qu’il faille encore soutenir ce même monde des affaires qui n'a toujours que de gros mots pour dénoncer l'État et continue de s’en prendre à ses coffres.

Si le Forum de Davos n’est plus ce qu’il était, il faut quand même continuer l’effort de chercher de nouvelles entreprises pour créer de l’emploi au Québec. Ce ne sont pas les propriétaires d’entreprises qui vont aller se chercher de la compétition, eux qui visent à tout prix le monopole dans leur secteur d’activité. Alors voilà pourquoi les gouvernements tentent de développer de nouveaux secteurs économiques, pour ne pas indisposer les ti-n’amis, qui vraiment ne contribuent peu au développement économique du Québec et à la répartition de la richesse.

La norme est de s’enrichir comme Pierre-Karl Péladeau de Quebecor, en laissant quelques miettes tomber de la table, ce qui comble bien leur suffisance de parvenus.


Parlons coûts

Des questions restent en suspens, j’attends des réponses â mes demandes d'accès à l'information au gouvernement, sur la procédure d’inscription de la délégation québécoise et notamment sur les indemnités accordées aux panelistes. En attendant, voici les coûts annuels en dollars canadiens pour la participation au FEM.

Il existe quatre niveaux d’inscription. Le forfait de base coûte 52 515,30$, l’Industry Associate 136 050,00$, l’Industry Partner 261 216,00$, et le Strategic Partner (avec droit à cinq invités) à 523 792,50$. Une délégation québécoise de 4 personnes souscrira aisément au Strategic Parner, auquel nous ajouterons le coût de 4 billets d’entrée soit 75,643.38$ pour un total de 599,436.30$.

À tous ces frais, ajoutons les coûts de transport aérien, privé ou gouvernemental, les frais de séjour usuels, les quelques sorties, dîners, cocktail, taxis, etc. Sachez aussi qu’une Mercedes Classe S avec chauffeur réservée par le Forum coûte dans les 9 931,65 $ pour la semaine.

Un hélicoptère de l'aéroport de Zurich à Davos ? Environ 9 931,65 $. Le Forum dispose toutefois d'un service de bus gratuit pour ceux qui se soucient de leur empreinte écologique. Nos fervents politiciens, adeptes du développement durable, préfèrent généralement laisser leur trace.

Bref, toute cette fanfare médiatique pré-Forum, toutes ces dépenses aux frais de la princesse, et pas un seul communiqué de presse, ni petit rapport, voire quelques mots aux citoyens et citoyennes du Québec, lesquels se farcissent, dans l’ignorance complète, la facture extravagante d'une participation douteuse à une foire commerciale.

L’économie d’abord? Non! La dilapidation des fonds d’abord!


Les références se trouvent sur le site Meteopolitique.com