Intervention militaire en Libye

2011/03/25 | Par L’aut’journal 

Le Comité de Solidarité/Trois-Rivières (CS/TR) s’interroge sur les véritables motifs des puissances occidentales qui interviennent actuellement en Libye, et invite à la prudence quant aux raisons invoquées par les gouvernements impliqués dans cette intervention. Le CS/TR se prononce aussi pour un cessez-le-feu immédiat de même que pour le retrait du Canada de la coalition qui bombarde actuellement ce pays.

Rappelons que le Canada s’est empressé d’envoyer ses avions de chasse F-18, des ravitailleurs, et un navire de guerre en Libye suite à l’adoption de la résolution 1973 du Conseil de Sécurité de l’ONU. Nos pilotes ont d’ailleurs participé à leurs premiers bombardements en Libye au cours des derniers jours.

Le président du CS/TR, M. Brian Barton affirme que « les motifs humanitaires invoqués pour bombarder la Libye cachent en fait d’autres raisons qui ont peu à voir avec la protection des populations civiles libyennes, mais qui sont probablement davantage liés au fait que la Libye est un important producteur de pétrole. ».

Cette prise de position du CS/TR ne constitue en aucun cas un appui au dictateur Kadhafi, bien au contraire. Selon M. Barton, « le fait que la situation en Libye soit préoccupante et que l’intervention ait été décidée par le Conseil de sécurité de l’ONU ne doit pas nous empêcher d’exercer un minimum de sens critique et de nous poser certaines questions sur la pertinence d’utiliser des frappes aériennes d’une si grande importance pour ramener la paix et la sécurité pour les civils libyens. ».

D’ailleurs la résolution 1973 du Conseil de Sécurité de l’ONU autorisant cette intervention est loin de représenter un large consensus puisque cinq des quinze pays membres du Conseil, et non les moindres, ont préféré s’abstenir lors du vote - l’Allemagne, le Brésil, l’Inde, la Chine et la Russie.

De plus, bien que la résolution ait reçu l’appui plutôt tiède de la Ligue arabe (la plupart d’entre eux craignant les mouvements de contestations dans leur propre pays), celle-ci a tout de même déploré les premières frappes aériennes de la France, de la Grande-Bretagne et des États-Unis affirmant qu’elles allaient bien au-delà de l’esprit de la résolution adoptée.

Ajoutons à cela que dès les premières frappes aériennes, la Chine, la Russie et l’Union africaine appelaient aussi à un cessez-le-feu immédiat affirmant que l’opération actuelle s’apparente davantage à une intervention dans une guerre civile en faveur d’une des deux parties plutôt qu’à une intervention « humanitaire ».


Un empressement suspect

L’empressement à intervenir militairement et l’ampleur de la force de frappe utilisée par la France, l’Angleterre, les États-Unis et le Canada, contrastent étrangement avec la lenteur, sinon la passivité démontrée à l’égard d’autres situations tout aussi, sinon plus dramatiques pour d’autres civils ailleurs dans le monde.

Dans l’est du Congo, on dénombre déjà près d’un million de civils tués depuis 2004 à cause de la guerre larvée qui y sévit. Au Yémen, des centaines de civils subissent les tirs des forces de l’ordre parce qu’ils veulent, eux aussi, la démocratie. À Bahreïn, le roi fait appel à l’armée de l’Arabie saoudite pour réprimer dans le sang le mouvement de contestation qui revendique lui aussi la démocratie.

Pourquoi les puissances occidentales, si promptes à réagir en Libye, se montrent-elles si hésitantes devant la répression à l’égard des mouvements citoyens en Arabie Saoudite, au Yémen ou à Bahreïn?

L’empressement avec lequel le gouvernement du Canada s’est engagé dans cette opération destinée à « protéger les civils » contraste d’ailleurs avec le peu de sollicitude démontrée par ce même gouvernement à l’égard d’autres civils, des Palestiniens ceux-là, lors de l’opération israélienne « Plomb durci » dans le territoire de Gaza en décembre 2008 et janvier 2009 dont un rapport de l’ONU (Rapport Goldstone) estime le bilan à quelque 1400 morts, en majorité des civils…


Un remède pire que la maladie?

Le choix guerrier fait par les membres les plus influents du Conseil de sécurité de l’ONU ne fait que jeter de l’huile sur le feu et pourrait même causer plus de victimes qu’actuellement. Les frappes aériennes, même celles dites « chirurgicales » font toujours des victimes parmi les populations civiles. Les civils afghans et pakistanais en savent quelque chose.

Ce qui se passe actuellement en Libye nous rappelle étrangement un film déjà vu. Pour la guerre en Irak comme pour celle en Afghanistan on nous a servi les mêmes arguments : libérer des peuples vivant sous l’oppression, sauver des civils, instaurer un État de droit et la démocratie, etc. Pour quels résultats?

En Irak, on dénombre plus de 100 000 civils tués depuis que les États-Unis sont intervenus. L’armée américaine maintient toujours 50 000 soldats dans ce pays très riche en pétrole faut-il le rappeler.

En Afghanistan, c’est la guerre depuis plus de 10 ans. Une guerre d’occupation dont il est aujourd’hui impossible d’entrevoir la fin. Là aussi des morts par dizaines de milliers au rythme de près de 3 000 victimes civiles par année, dont 171 lors de frappes aériennes « chirurgicales ». Le sort des femmes ne s’est pas amélioré en dépit de la présence de 150 000 soldats étrangers sur un territoire, par ailleurs, hautement stratégique pour l’acheminement du pétrole d’Asie centrale vers les côtes de l’Océan Indien.


Où sont les casques bleus?

La véritable mission de l’ONU est d’œuvrer à la paix et à la résolution pacifique des conflits dans le monde. Le CS/TR est d’avis que tous les moyens n’ont pas été mis en œuvre pour trouver une solution qui limite véritablement les victimes civiles tout en étant moins controversée au plan du droit international.

Ainsi, si l’objectif de la résolution 1973 du Conseil de sécurité consistait véritablement à « sauver des civils », il aurait été plus judicieux d’œuvrer sans tarder à la mise en œuvre d’une force d’interposition et de maintien de la Paix sous l’égide des Casques bleus.

Mis sur pied grâce à l’ex-premier ministre canadien Lester B Pearson, les Casques bleus ont déjà fait leurs preuves dans de nombreuses régions du monde en limitant véritablement les pertes humaines et les coûts financiers, et en encourageant le dialogue et la négociation entre les belligérants. Et cela, tout en respectant mieux la souveraineté des États.

Le rôle véritable du Canada et des autres pays du monde est de favoriser l’émergence des mouvements démocratiques dans le respect des aspirations des peuples, et de le faire sans ingérence.