Aérotrain Montréal-Trudeau

2011/04/01 | Par Geneviève Grenier et Karine Triollet

Les auteures sont membres d’Action-Gardien

Nos gouvernements tiennent des discours alarmistes sur la nécessité de réduire la dette publique et d’atteindre l’équilibre budgétaire. Ils coupent dans les services et exigent constamment des citoyens de nouvelles contributions et hausses de tarifs.

Mais qui se serre réellement la ceinture, alors que le gouvernement du Québec a annoncé qu'il n'y aurait pas un, mais deux projets ferroviaires dans l’ouest de l’île de Montréal, financés à même les fonds publics ?

Après des années d'études pour aboutir à un projet conjoint, Aéroports de Montréal (ADM) fait finalement cavalier seul pour son projet d’Aérotrain qui relierait directement l’aéroport Montréal-Trudeau au centre-ville, sans aucune escale. Rapidité oblige pour les gens d’affaires. Quant à l’Agence métropolitaine de transport (AMT), elle veut répondre à la demande des citoyens de l’ouest de l’île en augmentant la fréquence du service de train de banlieue.

Avons-nous vraiment le besoin et les moyens de financer deux projets ferroviaires dans un même secteur ? Pourquoi l’aéroport Montréal-Trudeau ne serait-il pas desservi par le réseau de trains de banlieue ?

C’est ce que font la plupart des grandes capitales du monde qui n’ont pas un trafic passager suffisant pour justifier une desserte exclusive (Jacques Roy, La Presse, 10 janvier 2011). On peut d’ailleurs émettre de sérieux doutes sur la rentabilité d’une navette dédiée.

Après tout, tant le Bus 747 que les taxis répondent en partie aux besoins et restent concurrentiels vu la proximité du centre-ville et le coût prévu de la navette (+/- 15 $).

Les études, entre autre sur l’achalandage prévu, ne sont pas terminées ni rendues publiques. Il n’y a eu aucun débat public sur la nécessité, le réalisme, la pertinence économique, sociale et environnementale d'un tel projet. Comment nos gouvernements peuvent-ils prétendre prendre une décision éclairée ?

Pourtant, la Ville de Montréal a déjà appuyé le projet l’été dernier. Québec a annoncé une contribution de 200 millions. L'ADM s’apprête à déposer une demande de 200 millions au gouvernement fédéral afin de compléter le montage financier en mode PPP. L’ADM et ses partenaires privés injecteraient 200 millions.

L’estimation du coût varie presque du simple au double selon les sources : 600 millions selon ADM à 1,1 milliard selon la firme PricewaterhouseCoopers.

Nos finances publiques n’étant pas un puits sans fond, il faut prioriser les projets de transport collectif qui répondent à des besoins réels, sur du long terme. Il est grand temps que les pouvoirs publics planifient les grands projets de transport de la région métropolitaine selon une vision d’ensemble cohérente.

Des milliards seront nécessaires juste pour la réfection d’infrastructures telles que les échangeurs Turcot et Saint-Pierre ou le pont Champlain. Comment justifier l’injection de fonds publics pour une nouvelle infrastructure qui dessert des intérêts particuliers alors que les besoins collectifs sont criants en transport en commun ?

Développer les trains de banlieue et les systèmes légers sur rails (SLR), prévoir des voies réservées pour les autobus, sont des choix autrement plus judicieux et plus rentables qu’une navette exclusive.

Si le projet de l’Aérotrain allait de l’avant, il traverserait des quartiers résidentiels habités, dont Pointe-Saint-Charles et Saint-Henri. Ces quartiers subissent déjà les nuisances liées aux convois de trains de marchandises, incluant le transport de matières dangereuses qui présente un risque pour la santé des citoyens.

La navette de l’ADM viendrait s’ajouter à ce lot de nuisances avec des passages à toutes les 20 minutes entre 4h00 du matin à minuit, soit 120 fois par jour. Sans compter que l’Aérotrain ne serait pas électrique et silencieux comme son nom moderne semble l’indiquer, mais fonctionnerait au diesel comme les autres trains qui empruntent cette ligne du CN. A-t-on seulement pensé consulter ces populations avant de décider quoi que ce soit ?

Nous sommes en faveur du transport par train des marchandises comme des personnes, beaucoup plus écologique que la voiture ou le camion. Mais nous sommes avant tout en faveur d'un train... que tout le monde peut prendre !




Action-Gardien, Table de concertation communautaire de Pointe-Saint-Charles
Solidarité Saint-Henri, Table de concertation locale