Le PQ prend acte de l’avis, mais maintient sa position

2011/04/06 | Par Pierre Curzi

« Nous prenons acte de l’Avis sur la langue d’enseignement au cégep rendu par le Conseil supérieur de la langue française à la ministre responsable de l’application de la Charte de la langue française, Christine St-Pierre. Toutefois, nous n’en partageons pas la principale recommandation qui vise à maintenir le libre choix de la langue d’enseignement au niveau collégial ». C’est ce qu’a déclaré le député de Borduas et porteparole de l’opposition officielle en matière de langue, Pierre Curzi, après avoir pris connaissance de l’avis rendu public aujourd’hui.

« Notre proposition, comme formation politique, tient compte du contexte plus large de la réelle anglicisation du Grand Montréal. Or, ce phénomène est, étonnamment, occulté par le conseil. Il est pourtant bien réel et abondamment documenté dans une étude publiée en 2010 et qui se basait sur les chiffres du dernier recensement de 2006. Je regrette que le conseil ne se soit pas soucié de cette situation dans son avis », a ajouté le député de Borduas.

« Il est également surprenant de voir le conseil prendre une position aussi ferme à l’encontre d’une mesure qui viserait l’amélioration du français sur l’île de Montréal. La réalité saute aux yeux : le passage par un cégep anglophone pour les francophones et les allophones est un facteur anglicisant pour la suite de leurs études universitaires et pour leur carrière professionnelle. Le démographe Robert Maheu a d’ailleurs parfaitement démontré qu’il y a une relation très nette entre la langue des études supérieures et la principale langue utilisée au travail au Québec. Cela touche tous les groupes linguistiques », a conclu M. Curzi.

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Quelques faits

  •  Il est important de préciser que le Conseil n’a pas manifesté un intérêt à rencontrer le député de Borduas à la suite de la publication de son étude Un prolongement nécessaire . Cette dernière est citée dans l’introduction de l’avis du Conseil, mais n’a pas été utilisée pour influencer ses quatre recommandations.
  •  Aucune étude du démographe et ex-directeur de la recherche, des statistiques et des indicateurs (DRSI) au ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS), Robert Maheu, n’a été considérée dans l’avis du conseil. Ce dernier établissait clairement la corrélation entre la langue des études postsecondaires et la langue de travail dans son étude publiée en 2010 La langue d’enseignement… et après ?. Pourtant, le CSLF n’a pas hésité à utiliser les données du démographe afin de justifier son avis concernant les écoles passerelles et reconnaissait ainsi la fragilité linguistique du Québec.
  •  Le Conseil considère dans son avis l’étude Analyse des facteurs orientant les francophones et les allophones dans le choix d’un cégep sur l’Île de Montréal, commandée par la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) à l’Institut de recherche sur le français en Amérique (IRFA) et publiée en janvier 2011. Par contre, le Conseil évacue entièrement toute référence à l’étude précédemment publiée par l’IRFA Un choix anglicisant, où il était démontré que la fréquentation des cégeps anglophones apparaissait comme anglicisante.
  •  Le Conseil fait référence à l’étude publiée en mars 2011 par Michel Pagé Politiques d’intégration et cohésion sociale, mais omet l’étude publiée en février 2010 par ce dernier dans laquelle il affirmait : « Par ailleurs, la langue d’enseignement du collège et de l’université que les jeunes choisissent de fréquenter devient souvent celle qu’il maîtriseront le mieux en particulier dans leur domaine d’études, et celle qu’ils souhaiteront donc utiliser au travail par la suite. Il est donc pertinent de s’interroger sur l’impact que peut avoir, sur la vie en français au Québec, une proportion quand même élevée d’enfants d’immigrants scolarisés en français au primaire et au secondaire qui choisissent de poursuivre leurs études dans les collèges et les universités anglophones ».
  •  À la page 27 de son avis, le Conseil fait référence à une lettre d’opinion publiée en 2000 par Jean-Pierre Proulx. Faisant suite à une discussion avec ce dernier, il a confirmé au député de Borduas qu’il n’a pas suivi l’évolution de la question linguistique depuis plus de 10 ans et qu’il ignorait les deux études publiées par le député de Borduas, Pierre Curzi.
  •  À la page 31, le Conseil utilise encore une lettre d’opinion publiée dans Le Devoir pour justifier ses propos.
  •  Dès la page 3 de son avis, le Conseil rappelle certains aspects du rapport de la commission Larose. Pourtant, ce rapport date de 2001 et le portrait linguistique du Québec, en particulier dans la région métropolitaine, a depuis changé.
  •  Dans son avis, le Conseil accorde une importance majeure à une étude publiée en 2009 par Paul Béland. Il est important de préciser que cette étude a été vivement critiquée, entre autres à deux reprises par le chercheur Charles Castonguay, et que beaucoup d’incohérences s’y retrouvent, comme en témoignent les pages 68 à 70 de l’analyse de Pierre Curzi, Le grand Montréal s’anglicise.
  •  S’il est vrai que de plus en plus d’allophones fréquentent les cégeps francophones, il n’en demeure pas moins qu’un allophone sur deux fréquente un cégep anglophone à sa sortie d’une école secondaire.

  •  Étant donné que le Conseil ne mentionne à aucun moment l’étude Un prolongement nécessaire du député de Borduas, il ne tient pas compte que ce sont présentement 3500 élèves diplômés d’une école secondaire francophone qui, annuellement, choisissent un cégep anglophone. Sur 35 ans, ce sont 125 000 personnes (6% de la population active du grand Montréal) assujetties à la loi 101 qui auront fréquenté un cégep anglophone et acquis un langage technique en anglais. Ce qui vient contredire l’avis publié en 2005 par le Conseil dans lequel ce dernier mentionnait, « il est donc fort important de développer une main d’œuvre scolarisée, qui maîtrise le français, qui a assimilé la terminologie française et qui saura s’en servir adéquatement, en rédaction technique notamment ».


Conclusions

  • Le Conseil affirme que les cégeps francophones doivent être plus attirants. Est-ce que cela signifie que les cégeps anglophones sont plus attirants que les cégeps francophones ?
  • L’effectif actuel des cégeps anglophones représente le double des nouveaux inscrits de lange maternelle anglaise, un ratio de 2 pour 1. Au collégial français, ce ratio est de 1 pour 1. La situation de libre choix avantage uniquement le réseau collégial anglais. Le réseau collégial français ne fait aucun gain.
  • Le Conseil aurait dû ne pas précipiter son avis et étoffer davantage sa proposition de faire en sorte que plus d’étudiants provenant du réseau secondaire anglais fassent le saut au collégial français.
  • Visiblement, le Conseil a omis d’utiliser des études qui font le lien entre la langue des études postsecondaires et la langue de travail. Il utilise à la place des lettres d’opinion.



Source
http://pierrecurzi.org/nouvelle/le-parti-quebecois-prend-acte-de-l%E2%80%99a (...)