Décrochage scolaire : la solution oubliée, les maternelles 4 ans

2011/04/08 | Par Pierre Dubuc

On fait beaucoup de cas,avec raison, du décrochage scolaire. Chacun y va de sa solution, des banquiers aux éditorialistes. Tous jouent au gérant d’estrade.Monique Richard, qui a fait carrière dans l’enseignement, et qui est aujourd’hui la critique de l’Opposition officielle en matière d’éducation, veut prendre le problème à la source. Elle propose l’instauration des maternelles 4 ans à temps plein en milieu défavorisé. Nous l’avons rencontrée pour en discuter.

« Aujourd’hui, 97% des enfants au Québec fréquentent la maternelle 5 ans, même si elle n’est pas obligatoire. Par contre, à peine 20% sont inscrits à des maternelles 4 ans à demi-temps. C’est la moitié moins que dans l’ensemble du Canada, trois fois moins qu’aux États-Unis et cinq fois moins qu’en France ou en Espagne, où 100% des enfants les fréquentent », constate-t-elle.

Pourtant, la preuve n’est plus à faire que la fréquentation des maternelles 4 ans,particulièrement pour les enfants provenant de milieux défavorisés,permet des interventions précoces qui permettent de prévenir les retards et les échecs scolaires.

« C’est plus beaucoup efficace que d’essayer de remédier à la situation plus tard », souligne la députée de la circonscription de Marguerite-d’Youville en Montérégie en s’appuyant sur de nombreuses études, réalisées dans plusieurs pays, qui établissent un lien direct entre la durée de la fréquentation des classes maternelles et la réduction du taux de redoublement au primaire et la persévérance scolaire.

Elle nous cite des études de chercheurs québécois qui démontrent qu’il est aujourd’hui possible de détecter 70% des enfants « à risque » avant la maternelle. « Mais, qu’est-ce que ça donne, si on n’offre pas de services à ces enfants? », s’insurge-t-elle.

Et les faits lui donnent raison. À la Commission scolaire de Montréal, pour ne prendre que cet exemple, parmi les 60 écoles les plus défavorisées de l’île,16 n’offrent pas de maternelles 4 ans.


Une solution connue

« Pourtant, on connaît depuis longtemps leur importance », souligne Monique Richard, en rappelant que, déjà, le Rapport Parent, au milieu des années 1960, recommandait l’établissement de services préscolaires pour tous les enfants de 5 ans et, par la suite, leur extension à ceux de 4 ans.

En 1997, la Commission des États généraux sur l’éducation prônait, en plus des maternelles 5 ans à temps plein, la mise sur pied de maternelles 4 ans à demi-temps pour les enfants des milieux défavorisés.

Mais, rien ou presque n’a été fait. « Depuis 1997, aucune nouvelle classe de maternelle 4 ans n’a été créée. Il y a donc aujourd’hui moins d’enfants de milieux défavorisés qui ont accès à des classes de maternelles 4 ans qu’en 1997 », constate amèrement Monique Richard.

Préscolaire vs CPE

La critique de l’Opposition officielle en matière d’éducation mène donc campagne pour qu’on donne finalement suite à la recommandation des États généraux. Mais un obstacle imprévu se dresse sur son chemin. Son projet heurte les sensibilités – et les intérêts(mal compris) – des responsables des Centres de la petite enfance.

Depuis 2002, les CLSC et les CPE ont signé des ententes permettant aux enfants vivants dans des milieux défavorisés d’accéder gratuitement à des places à temps plein en CPE. Les signataires de l’entente se sont engagés à réserver jusqu’à 5% de leurs places aux enfants suivis en CLSC.

La moitié des CPE ont signé de telles ententes, mais les deux tiers se disent incapables d’accueillir tous les enfants recommandés par les CLSC, faute de places disponibles.

Pas de place non plus pour les enfants des assistés sociaux, qui ont droit gratuitement à des places à demi-temps, les CPE privilégiant les places à temps plein. Quant aux familles à faibles revenus, les frais de 7 $ par jour les rebutent.

Monique Richard étale des statistiques éloquentes à ce sujet. « En 2008, sur les 205 000 places en garderie à 7$ dollars, 53% des enfants de moins de 5 ans y ont eu droit. En 2009, les familles à faible revenu ne représentaient que 3,3 % de la population des CPE. »

Elle ajoute : « La priorité demeurera toujours la présence des enfants en CPE. Notre slogan est toujours : un enfant/une place. Cependant, il y a des enfants qui n’y vont pas. C’est à cela qu’il faut répondre. »

Au-delà des statistiques, c’est la pédagogue, l’enseignante, l’ex présidente de la CSQ, qui s’exprime et nous invite à ne pas confondre CPE et classes préscolaires proprement dites. « La classe préscolaire a pour vocation de préparer l’enfant à l’enseignement primaire et à intervenir de façon plus systématique pour dépister et combler les carences dans les apprentissages préalables. »

« Cela,enchaîne-t-elle, peut se réaliser en une seule année pour la plupart des enfants. Mais, pour certains enfants, particulièrement ceux provenant de milieux défavorisés, cela exige une période plus longue, d’où la nécessité de maternelles 4 ans. D’autant plus que certaines fonctions intellectuelles, importantes pour l’apprentissage et pour éviter des troubles de comportement, se développent justement à 4 ans, comme nous l’apprennent plusieurs études. »

Évidemment, pour cette intervention pédagogique plus systématique, il faut que le personnel jouisse d’une formation pédagogique de niveau universitaire et relève du ministère de l’Éducation et non de celui de la Famille et de l’Enfance, comme c’est le cas pour les CPE.

Pour toutes ces raisons,Monique Richard fait activement campagne pour le développement des maternelles 4 ans et ce combat passe par l’adoption d’une résolution en ce sens au prochain congrès du Parti Québécois.