Le Noir Désir de mêler les cartes

2011/04/12 | Par Pierre Demers

L’auteur est cinéaste et poète. Il habite Arvida

«Quelle semaine ! », comme dirait un animateur de radio populaire du midi qui a l’habitude de tout commenter à sa manière en usant à la corde ses préjugés sportifs de droite.

Je vais essayer de faire la même chose, mais avec mes préjugés de gauche pour faire plaisir à ceux qui voudraient que LBR se mette au service de la machine électorale conservatrice.

En passant, je n’ai qu’une seule prétention quand j’écris ces commentaires hebdomadaires, une prétention journalistique citoyenne, documenter les régimes idéologiques et politiques en place qui nous entourent de plus en plus.

Et un jour en arriver peut-être à les déboulonner par le simple effet des mots qui décapent les faux-fuyants. Un écrivain écrit sur tout, voilà tout. Je fais ma job. Je commence.


Mouawad et l’ADQ

J’ai beaucoup aimé la sortie culturelle du chef de l’ADQ à l’Assemblée nationale réclamant l’interdiction sur le territoire canadien pour les cent prochaines années de l’ex chanteur de Noir Désir, Bertrand Cantat.

Sortie saluée évidemment par tous les ténors de la radio poubelle québécoise et par tous ceux qui adorent tout confondre. Par tous ceux qui ne ratent jamais une occasion pour casser du sucre sur le dos des artissses, des séparatistes, des socialistes, des communistes, des intellectuels, des créateurs qui vivent de subventions publiques, des comédiens et des metteurs en scènes «étrangers »comme Wajdi Mouawad (Au Québec depuis 20 ans) qui montent des pièces ici pour nous compromettre…

Avec les radios poubelles de droite, Tout le monde en parle a repris le beau sujet de discussion (Cantat, le tueur de femmes, sur une scène montréalaise chantant et se faisant applaudir dans le Cycle des femmes de Sophocle) sans le principal intéressé, soit Mouawad.

En remplacement, le metteur en scène Serge Denoncourt a fait la job de bras exigé par l’émission… On s’en va où avec cette charge contre un chanteur/musicien qui a tout de même purgé sa peine et tout perdu pour recommencer sa vie ? Je pense qu’on a encore profité de l’occasion pour varger dans le tas des créateurs, des subventionnés de l’État, dans la culture une fois de plus.

Je me méfie toujours quand le chef de l’ADQ commence à s’intéresser au théâtre grec, à la musique rock française et surtout à la défense des femmes battues.

Il a encore prouvé à quel point l’opportunisme politique guide ce parti de droite alimenté par les rumeurs radiophoniques et journalistiques (La chronique de Martineau du Journal de Montréal, les potineurs de TVA, les blogues fascistes, etc).

Et le comble de cette histoire de règlement de compte théâtral, c’est qu’on est en pleine campagne électorale fédérale. Tous les chefs de partis, et surtout les candidats conservateurs québécois, sentant la soupe chaude s’en sont mêlés pour varger sur le tueur de femmes.

Entre autres Josée Verner de Québec qui semblait parler à la place de son chef quand elle a affirmé bien haut l’interdiction de dix ans sur le territoire canadien pour tout criminel de cette espèce.


Deux poids, deux mesures

On aurait pu lui demander comment se fait-il que des criminels de toute provenance, des tortionnaires connus, des dictateurs tunisiens et africains en général sont toujours les bienvenus au Canada où d’ailleurs ils séjournent dans leurs propriétés très bien identifiées.

Eux ça va, mais Bertrand Cantat, un tueur de femmes et un chanteur qui «collabore » à la musique d’une pièce de Sophocle, mise en scène par Wajdi Mouawad, c’est trop.

Entre politiciens, on se défend, mais entre culturels, on se démolit comme l’a fait le metteur en scène de la Nouvelle Fabuleuse…

Les seuls politiciens qui ont nuancé leurs propos dans ce beau cas de censure culturelle et de lynchage public par metteur en scène interposé (Mouawad va s’expliquer vendredi le 15) ce sont le PQ et Québec Solidaire en indiquant que Cantat avait droit à la réhabilitation comme n’importe lequel condamné.

À moins que, désormais, le Canada de Stephen Harper décide de rétablir la peine de mort pour tous les artistes qui descendent au pays.

Quand la droite se met à s’intéresser au théâtre grec et à la culture en général c’est toujours mauvais signe. Ils se font un vilain plaisir à mêler toutes les cartes. On s’en est rendu compte cette semaine.

Je gage que le chef de l’ADQ prononçait pour la première fois les noms de Wajdi Mouawad, Sophocle et le Théâtre du Nouveau Monde. On vit vraiment sous le règne de Stephen Harper où la culture est considérée comme un mal de moins en moins nécessaire.

Et la directrice du TNM, pressée par son CA et son principal commanditaire, l’Hydro-Québec, obligée de se rétracter, de s’excuser d’avoir froissé les censeurs de droite de sa société pure et chaste.

Sans doute était-elle secouée aussi de voir diminuer ses abonnements. Je pense à Claude Gauvreau qui doit se virer dans sa tombe. «Ce que vous pouvez vivre, vivez-le : ce que vous ne pouvez vivre, nous vous l’inventerons. L’artiste digne de ce nom propose l’authenticité, c’est-à-dire l’unique : et cela, sans limites de quelque sorte que ce soit. » (À propos de miroir déformant, la revue Liberté, avril 1970).


Le bulletin électoral

Les Libéraux vont présenter leur candidat dans Jonquière-Alma demain. On a hâte. C’est vrai que les trois affiches de Marc Pettersen dans Chicoutimi-Le Fjord sont artisanales, mais on sait que ce sont les conservateurs qui ont le fric.

Les chefs ou sous-chefs sont venus nous visiter cette semaine. Ils ont sortis les grosses insultes. Selon Duceppe, Jean-Pierre et Denis sont des «nuisances publiques ». Carol a traité Duceppe de «dictateur », Harper a ensuite qualifié Néron «d’écrivain conservateur », Muclair a traité Jean Tremblay de «…. » en apprenant qu’il faisait campagne avec Néron et Jean-Pierre, Jean-Pierre a traité Duceppe de «…montréalais » et Harper a serré la main de Jocelyne Girard-Bujold à sa grande surprise lors du rassemblement conservateur dominical.

Il était temps que la semaine finisse. Dimanche, Harper est venu à Chicoutimi manger un hot dog steamé avec ses 50 gardes du corps. Il a tenu une petite réunion intime interdite aux électeurs non-conservateurs à l’hôtel Chicoutimi. Jean Tremblay s’est fait photographier douze fois avec son chef préféré.

Ça manque un peu de candidates dans ces élections. On sait qu’Harper les préfère au foyer. Sa charmante épouse y élève ses deux enfants et douze chats de la SPCA (sic). Deux candidats devraient donc s’annoncer cette semaine, une Verte dans Jonquière-Alma et une Néo-Rhino dans Chicoutimi-Le Fjord.

Canadiens joue jeudi contre Boston chez-eux, ils vont en manger une. Les débats télévisés des chefs mardi et mercredi ce sont des dépenses électorales inutiles. On devrait sous-titrer celui en anglais.

Le concert des insultes devrait continuer cette semaine pour s’accentuer la semaine suivante. À la fin, ça va jouer dur. Les menaces de fermeture de la région, si les conservateurs ne passent pas s’en viennent.


Citations de la semaine

«Arcade Fire invite à voter contre les conservateurs…

Le groupe s’en prend notamment au bilan environnemental du gouvernement de Stephen Harper. Un premier hyperlien figurant sur la page mène à une galerie de photos du «désert boréal albertain » engendré par l’exploitation des sables bitumineux.

Un second conduit à un article du réseau CBC dans lequel il est écrit que Stephen Harper a qualité de «coup monté socialiste » le protocole de Kyoto.

Les arrestations massives qui ont eu lieu des sommets du G8 et du G20 en juin 2010 ne semblent pas non plus avoir impressionné le groupe Arcade Fire qui a inclus un hyperlien menant à l’article d’un groupe de défense des droits et libertés civils, Democracy Now. »

Le dernier cd du groupe, The Suburbs réserve une toune prémonitoire sur l’actuelle campagne électorale, «Empty Room » avec cette phrase : …moi j’attends, toi tu pars. »

-La Presse Canadienne, 8 avril


«Néron et Blackburn appuient le maire…

…ma préférence va assurément du côté de Jean Tremblay dans ce débat…mais c’est une perte de temps qui serait mieux investie à débattre d’autres choses, telles que la pauvreté »
-Carol Néron


«La religion fait partie de notre expérience collective - pour les gens du Canada et du Québec - et même la constitution fait référence à Dieu…je crois que les gens veulent préserver leurs valeurs »
-Jean-Pierre Blackburn
Le Quotidien, 9 avril


…le maire est populaire, on va se coller dessus, il sent le pouvoir.

«Un gouvernement conservateur n’accordera pas de permis de séjour au rockeur afin qu’il monte sur les planches du CNA et du TNM..

«On a besoin de ça comme d’un trou de balle dans la tête » (sic)

-Josée Verner, ministre conservatrice responsable de la région de Québec, sur les ondes de CHOI-FM, Le Devoir, 7 avril

…subtile la madame de Québec, à l’image de la vague bleue de la Vieille Capitale.