Un rêve ? Non, un cauchemar !

2011/04/13 | Par Michel Rioux

Si Martin Luther King a fait un rêve dans lequel il entrevoyait l’avenir des États-Unis à travers des lunettes roses, c’est un cauchemar que pour ma part j’ai vécu récemment.

« I had not a dream but a nightmare », comme ils auraient dit en bas du 45e. Il était question des conservateurs de Stephen Harper. Déjà qu’éveillé, la chose n’est pas des plus rigolotes ces temps-ci, de voir et entendre chaque soir ces Paradis, Verner, Blackburn et Lebel nous seriner qu’ils sont pour mettre Notre région au pouvoir.

Mais on sait bien, parce que tout finit par se savoir, qu’ils sont Ici pour le Canada, comme le disent plutôt candidement les pancartes des conservateurs dans certains quartiers de Montréal où on cause plutôt anglais.

Mais en pleine nuit, alors qu’on n’entend pas un bruit dans la maison, c’est tout simplement terrifiant le cauchemar qui m’a frappé de plein fouet. Ce cauchemar ? Stephen Harper était réélu et formait un gouvernement majoritaire !

Plus rien ne saurait désormais l’arrêter. Il aurait les coudées franches pour mettre en œuvre l’agenda dont il avait su jusque-là cacher les aspects les plus irritants, même si les démocrates le soupçonnaient fortement d’attendre son heure pour frapper le grand coup.

Le Bloc avait bien fait son possible en faisant élire 50 députés. Mais le Rest of Canada, qui ne communie visiblement pas aux mêmes valeurs, lui avait fait un triomphe.

Harper avait la voie libre.

Son premier geste fut d’abolir le Bureau du vérificateur général. Il en avait assez de voir les Sheila Fraser de ce monde mettre leur nez dans ses affaires à lui, la dernière étant ces dépenses inadmissibles de 50 millions $ du ministre Tony Clement, faites dans son comté mais émargeant à l’organisation du G20, tenu à des dizaines de kilomètres de là. Un outrage au Parlement, avait soutenu madame Fraser. Un affront à mon autorité, avait plutôt décrété le nouvel omnipotent.

Il ne devait pas tarder à faire disparaître ce Kevin Page et son bureau chargé d’examiner les aspects budgétaires des politiques fédérales. Il avait poussé l’outrecuidance, ce fonctionnaire minable, jusqu’à écrire dans son rapport que les F-35 commandés par Harper coûteraient non pas 16 milliards $ mais bien 29 milliards $. L’omniscient n’avait besoin des lumières de personne pour l’éclairer.

Sa vindicte se dirigea ensuite sur ce pauvre Peter Milliken, ancien président de la Chambre des Communes. Il avait eu le malheur de condamner son gouvernement pour non pas un mais deux outrages au parlement. Une première dans le parlementarisme britannique. Mais comme le ROC ne s’en était pas ému, Harper n’hésita pas à charger la RCMP de le cueillir de nuit et de l’amener dans un lieu tenu secret. Ça ferait réfléchir ceux qui voudraient se mettre en travers de son chemin.

Il fit de Pierre-Hugues Boisvenu son ministre de la Justice avec un mandat très clair : rétablir la peine de mort, comme en Iran, en Chine, en Libye, en Corée du Nord, en Arabie saoudite et… aux États-Unis.

Il lui fallait aussi remplir toutes ces nouvelles prisons qu’un gouvernement majoritaire conservateur comptait construire au plus vite. Logiquement, des armes à feu devaient être en vente libre et l’avortement considéré comme un meurtre et jugé comme tel.

Mais tout ne peut pas aller mal : parce qu’ils n’avaient pas livré la marchandise électorale, les Verner, Lebel, Paradis et Blackburn se firent montrer la porte d’un cabinet où on ne peut pas dire que c’était leur compétence qui les y avait fait entrer ! C’était toujours ça de pris.

J’allais demander l’asile politique ; j’hésitais entre la Mauritanie et la Birmanie quand, épuisé, je fus tiré de mon cauchemar.

J’ouvre la radio. J’entends un reporter faire part de la décision prise par les journalistes chargés de la couverture de la campagne de Stephen Harper. Il explique qu’avec l’appui de leurs employeurs, ils ont unanimement décidé de ne plus rapporter les faits et gestes formatés par le premier ministre et son entourage et de le laisser poursuivre seul sa campagne.

Harper veut choisir lui-même les questions ? Ils n’en poseront plus de questions ! Harper contrôle tous les mouvements de caméra ? Il n’y aura plus de caméras! Harper fuit les micros qu’on lui tend ? Il n’en verra plus de micros !

La presse avait finalement décidé que le mépris n’avait qu’un temps. Et Harper s’était retrouvé Gros-Jean comme devant…


À lire : notre dossier sur les élections canadiennes de 2011