Les séries de la NHL : Rien au-delà de la «surface glacée »

2011/04/19 | Par Pierre Demers

L’auteur est cinéaste et poète. Il habite Arvida

Dans un portrait du premier ministre Harper et de sa charmante épouse publié dans un numéro récent du magazine people La Semaine (En couverture, «Michèle Richard vient de perdre 17 livres… »), on dévoilait «en primeur » le contenu de la bibliothèque du PM. Que des livres sur le hockey.

Il posait fièrement à côté de sa collection comme pour dire «moi aussi J’aime le hockey, le sport national de la nation canadienne. Votez donc pour moi… » Le magazine ne dit pas s’il les a lus ces fameux livres. Ça me surprendrait. Harper ne lit que des colonnes de chiffres, des listes d’électeurs ciblés et des rapports de la GRC sur les terroristes et les séparatistes.

Moi aussi j’aime le hockey, pas pour des raisons politiques. En fait ce que j’aime dans le hockey de la NHL c’est sa périphérie, ce qui tourne autour et avant tout le discours qu’il entretient.

Je me sers de ce prétexte et de ce reportage (Une commande politique ?) de La Semaine qui, comme par hasard, s’intéresse à la personnalité du PM en pleine campagne électorale, pour délirer quelque peu sur ce qui m’apparaît le plus fascinant dans le monde du sport professionnel, ce discours des spécialistes, des analystes du puck et du nest, des journalistes sportifs et des commentateurs de tout acabit.

Un discours replié sur lui-même, détaché trop souvent de tout esprit critique et fondé uniquement sur le degré de plaisir que provoque une bonne game de hockey suée par son équipe préférée. Avec aucune réflexion ou à peine si peu sur le fonctionnement de la machine publicitaire et idéologique derrière tout ça.

Comme si les amateurs passifs de sports et les maniaques du hockey avaient perdu toute faculté de se poser des questions et de réfléchir sur le rôle du sport professionnel dans notre société capitaliste de consommation dirigée.

Comme si les mordus du hockey professionnel ne pouvaient voir au-delà des bandes de la patinoire. Une vraie Hockey Nation. Comme si plus rien n’existait au-delà de la «surface glacée » pour ne pas dire figée sur elle-même.


Qui peut parler de hockey ?

Tout le monde en fait, n’importe qui mais c’est préférable d’avoir déjà exercé dans le domaine pour être reconnu comme tel, un spécialiste de la chose. Les anciens joueurs devenus trop lents sur la glace pour continuer, les ex coachs qui ont attendu en vain un coup de téléphone et les journalistes sportifs de la presse écrite et parfois radiophonique qui se cherchent un revenu supplémentaire pour fréquenter eux aussi les restos branchés.

Je me demande pourquoi n’importe lequel ancien joueur ou coach en chômage devient ici, c’est à dire, à RDS, un spécialiste du hockey ?

Les amateurs le reconnaissent, donc il peut faire la job. Peu importe ce qu’il va dire parce que ses lignes sont comptées et je crois scénarisées à l’avance.

Prenez Mario Tremblay par exemple, il commente depuis quelque temps les games du Canadiens. Qu’est-ce qu’il dit, des évidences toujours avec son non verbal à lui et une certaine nervosité comme tous les autres commentateurs qui ne peuvent compter sur à peine 20 mots de vocabulaire. D’ailleurs quand il parle en français, on a l’impression qu’il pense en anglais.

Lors de la première game du Canadiens contre les Bruins, Mario commente la première période. Il se dit satisfait du jeu des joueurs du Tricolore (J’aime beaucoup les synonymes du Canadiens, comme la Sainte Flanelle de Réjean Tremblay lui-même, le CH, les Habs, les Habitants, la troupe de Jacques Martin, etc. Il y a manifestement un désir de synonymes pour changer le mal de place) et il sort de son chapeau la phrase suivante: «les joueurs du Canadiens bougent leurs jambes, j’aime bien cela (sic) ».

Qu’est-ce qu’il a voulu dire au juste ? S’ils ne bougent pas leurs jambes, ils vont se péter la gueule Mario, ils sont en patins je crois. C’est tout ce qu’il a dit de contenu dans son commentaire. Le reste du temps, il se tenait les fesses serrées les yeux rivés sur la caméra (Comme Stephen Harper lors des deux débats télévisés) dans son habit/cravate empesé fourni par un des 100 commanditaires de la soirée de hockey Molson.

Tout est scénarisé d’un bout à l’autre dans la diffusion des matches de hockey sur RDI vouée à la gloire et à la réussite sportive et financière des Canadiens et de la brasserie propriétaire du club. Et en plus, il faut payer le câble pour voir et entendre tout ça tandis que les anglos eux ont encore ça gratos sur CBC… avec en prime le veston multicolore de Donald La Cerise qui déteste les joueurs francophones. C’est une injustice télévisuelle que je n’ai jamais pu digérer encore.

Continuons tout de même.

Par exemple, on fait appel aux spécialistes et commentateurs pour répondre «spontanément » aux questions «Dodge » sur le passé de la NHL et de ses sempiternelles statistiques plutôt que de les laisser parler sur ce qui viennent de voir durant la période.

On a tellement peur que ces analystes n’aient rien à dire qu’on leur met toutes les répliques dans la bouche. Interdit d’improviser vraiment. N’importe qui de ces amateurs mordus du hockey qui passent leur vie à tout apprendre par cœur de leur équipe préférée pourrait faire la même chose qu’eux. On improvisera après le match dans les émissions de défoulement qui suivent, pas pendant.


Une logorrhée de lieux communs

Les spécialistes du hockey professionnel, lire des Canadiens, expliquent à peu près toutes les grandeurs et les misères de leur équipe préférée par les mêmes causes, les mêmes raisons.

Quand le Canadiens perd, c’est la faute au gardien de but miraculeux qui a connu une mauvaise soirée ou celle des joueurs de défense ou d’attaque qui n’ont pas su bien se replier pour protéger l’enclave («territoire occupé par un autre » dit le dictionnaire) ou mieux la dégager.

La pression peut aussi avoir joué sur le résultat final. Il se peut aussi que le coach (Tellement peu photogénique, tellement peu loquace en entrevue d’après match…) ait pris les mauvaises décisions. Ou bien peut-être que l’équipe adverse soit sortie trop forte, trop bien préparée, les narines fulminantes.

Il y a toujours une ou deux raisons pour expliquer une victoire ou une défaite. Et je ne parle pas des blessures qui peuvent en tout temps miner l’équipe ou un joueur - clé comme il arrive actuellement à Boston. Toujours.

C’est le lot du discours sportif d’être tautologique, emporté continuellement dans sa logorrhée. Regarder les games à la télé, écouter celles à la radio, et vous verrez que tout de suite ce qui frappe, c’est le discours continuel et publicitaire des commentateurs, des analystes, des descripteurs qui ont toujours quelque chose à dire (Au nom d’un commanditaire évidemment) comme si le hockey professionnel avait horreur du vide, du silence passager. Comme si chaque seconde (publicitaire ?) comptait à défaut de voir les joueurs le faire.

Une logorrhée fondée en grande partie sur une psychologie plus qu’élémentaire du hockeyeur qui se doit de souffrir seul ou avec d’autres, de préférence ses coéquipiers pour accéder à la victoire finale. En quête d’un ultime dépassement pour vaincre l’adversaire.

Car le hockey faut-il le rappeler, c’est la guerre sur patins, le sacrifice de sa vie s’il le faut pour un jour boire à la coupe Stanley. On n’est pas loin ici du rituel religieux, de la communion sous les deux espèces…

Quand Canadiens gagne, on se méfie encore plus. On réfère aux années de vaches maigres qui sont de plus en plus nombreuses chez cette dynastie jadis invincible. On se souvient des coupes Stanley remportées à répétition. Des mains gantées de bagues grosses comme des écrous de pneus. Des vedettes qui brillaient plus longtemps que la majorité de ces nouveaux joueurs millionnaires si protégés qui n’osent plus «souffrir » en saison régulière.

On peut même se rappeler que Maurice Richard, lui, travaillait pour une compagnie de déménagements pendant les playoffs. Bref, on se méfie encore davantage du Canadiens quand il gagne. C’est pourtant notre équipe préférée, mais on dirait qu’on la préfère perdante.

Il y aurait un beau parallèle à faire avec la situation politique du Québec dans le Canada. Mais on ne le fera pas, parce que c’est connu, les amateurs de hockey qui se respectent ne voient rien d’autre au-delà de la «surface glacée ».

La preuve : on a dû déplacer le débat français des chefs du jeudi au mercredi pour éviter le conflit d ‘horaire Canadiens/Boston/débats des chefs. C’est tout dire et même un peu plus.

Mes prédictions ? Canadiens ne gagnera pas la coupe Stanley cette année. Pour le reste, j’emprunte une formule au général Charles de Gaulle, en visite au Québec en juillet 1967 commentant la fameuse phrase Vive le Québec…libre, …«le reste n’est que grenouillage et scribouillage. ».

Je trouve que cette formule sied bien au discours sportif des séries de la NHL. Surtout en pleine campagne électorale fédérale où on risque de donner une majorité à un parti conservateur autocrate.


Le bulletin électoral

Dure semaine. Le cameraman qui fixait Stephen Harper pendant les deux débats télévisés est en congé de maladie. Il a failli lui sauter dans la face. On attend toujours les sondages qui tardent à venir dans la région.

Les médias hésitent avant d’en commander parce qu’en 2008, Jean-Pierre Blackburn a failli mourir quand on lui a appris qu’il était second dans Jonquière-Alma. Jean-Pierre toujours a sorti - comme en 2008- ses gros panneaux publicitaires avec 674M$ dessus plantés sur un quartier démoli à Kénogami et près du pavillon Mellon à Arvida. Comme s’il avait payé de sa poche ces subventions fédérales.

Marc Pettersen le Viking confond Carol Néron avec ses vieux éditoriaux anti Harper. Je crois qu’il frappe dans le mille pour tasser l’ami du maire et de Ghislain Harvey qui lui ont prêté quelques promesses électorales (le port de Grande-Anse, le service des douanes à Bagotville, le nettoyage des itinérants du centre-ville de Chicoutimi) et peut-être des travailleurs d’élections municipales de Promotion Saguenay. Pettersen insiste que la lutte à Chicoutimi-La Baie se fait à trois… plus le NPD, et la Rhino.

Au sujet des débats télévisés et radiophoniques des candidats de Chicoutimi/le Fjord, les observateurs sont unanimes : Carol Néron n’a aucun respect pour ses adversaires, comme son chef. Une tête enflée en puissance qui ne mérite pas de représenter le comté. Bref, il ne sait pas vivre. On s’en doutait. La semaine vient de le confirmer.

On attend donc les sondages et les dernières grosses promesses conservatrices au Québec. Jean-Pierre devrait se faire brasser dans les débats télévisés et radiophoniques régionaux cette semaine. Les conservateurs ont le fric, on n’entend que leurs messages à la radio et à la télé. C’est Lebel qui a tout ramassé ces $$ chez ses amis du Lac.


Citations de la semaine

«Les campagnes électorales sont l’occasion d’acheter les électeurs avec leur propre argent. »

-Jeffrey Simpson du Globe and Mail, cité par Manon Cornellier, Le Devoir, 16 avril

…une belle phrase pour Jean-Pierre et Denis, entre autres.


«Cet homme dans l’aujourd’hui dont je te parle, est libre pour avoir purgé sa peine tel que les institutions judiciaires l’ont décidé… j’ai choisi de l’inviter à prendre la part la plus humble du spectacle, non pas celle du héros, mais celle du chœur, et de faire face à sa vie tant ces trois pièces, si tu les lis, raconte son désastre. L’art est miroir des souffrances et des douleurs… »

Wajdi Mouawad, lettre à sa fille Aimée de 3 ans, Le Devoir, 17 avril

…la réplique du metteur en scène et dramaturge à l’affaire Bertrand Cantat


«Ça fait mal, mais c’est une série de sept matches et on doit regarder de l’avant a mentionné Patrice Bergeron. On ne devait pas commencer comme ça à la maison. Mais maintenant on doit se relever les manches et croire en nous. »

-Le Journal de Québec, 17 avril

…après la seconde défaite des Bruins, un joueur implore les dieux de la patinoire pour s’en sortir.