Le NPD et la question nationale

2011/04/21 | Par Pierre Dubuc

La remontée du NPD dans les sondages au Québec nous amène à regarder d’un peu plus près les positions politiques de ce parti, en particulier sur la question nationale, pour voir s’il peut mériter la confiance des Québécoises et des Québécois.

Dans un texte paru sur son blogue, Jean-François Lisée présente un excellent rappel des prises de position du NPD et de ses dirigeants lors d’événements clefs de la politique canadienne (Le NPD et le Québec. Quand le soleil a rendez-vous avec la lune… ).

Tous y passent, Ed Broadbent lors de l’adoption de la Loi sur la clarté, Roy Romanow et Allen Blakeney lors de la « nuit des longs couteaux », Elijah Harper et l’échec de l’Accord du Lac Meech, Bob Rae et l’Accord de Charlottetown, Roy Romanow (à nouveau) et Glen Clark, le premier ministre néo-démocrate de Colombie-britannique, lors de l’Entente sociale de 1999. Thomas Mulcair et la contestation des résultats du référendum de 1995. À lire absolument.

Les choses ont-elles changé avec Jack Layton? Jean-François Lisée rappelle qu’« en 2006, par sa “déclaration de Sherbrooke“, le NPD de Layton accepte d’admettre la règle du 50% +1, ce qui est majeur, mais ne dit rien d’incompatible avec le reste des cadenas imposés par la loi Dion, adoptée par les députés NPD. Face au processus référendaire québécois, Layton écrit dans la Déclaration de Sherbrooke

“Il appartiendrait au gouvernement fédéral de déterminer son propre processus, dans l’esprit de l’Avis de la Cour suprême et du droit international, en réponse aux résultats du processus de consultation populaire interne au Québec.” » 


Mais il y a d’autres problèmes avec la Déclaration de Sherbrooke, que nous allons maintenant examiner.


La Déclaration de Sherbrooke

Dans cette déclaration, le NPD nous renvoie à son programme électoral de 2004 où, nous dit-on, « on mentionnait explicitement la reconnaissance de la ‘‘nation’’ québécoise » en précisant qu’il « convient maintenant de réaffirmer et de préciser cette notion ».

Il faut immédiatement signaler que c’est le seul endroit dans le document où le mot « nation » est utilisé et il l’est entre guillemets. Ailleurs, on a recours à toutes sortes de périphrases. Dans la table des matières, on parle de « la reconnaissance du caractère national du Québec », puis, dans le texte, de la « reconnaissance d’une minorité (sic!) nationale avec un caractère distinct au sein d’un ensemble plus large », du droit de la « collectivité (sic!) québécoise à décider librement de son avenir politique et constitutionnel », que des « gens (sic!) du Québec aient le droit de décider, démocratiquement de leur propre avenir ».

Et dire que l’objectif était de « de réaffirmer et de préciser cette notion » de nation !!!

De toute évidence, le parti de Jack Layton est allergique à l’utilisation de l’expression « nation »! Pourquoi?!

Examinons plus attentivement les éléments mis de l’avant pour définir le « caractère national du Québec ».

 « Ce caractère national du Québec repose notamment, mais non, exclusivement sur :
  1. Une société à majorité francophone, dont le français est reconnu comme langue de travail et langue commune de l’espace public.
  2. Une culture spécifique, unique en Amérique, qui s’exprime par un sentiment d’identité et d’appartenance au Québec.
  3. Une histoire spécifique.
  4. Des institutions politiques, économiques, culturelles et sociales propres, incluant les institutions étatiques et celles présentes dans la société civile.


La première chose qui saute aux yeux est qu’on ne reconnaît pas explicitement à la « nation québécoise » un territoire qui lui soit propre. Une question drôlement importante, étant donné les menaces de partition du territoire québécois dans l’éventualité où le Québec deviendrait indépendant.

L’énoncé sur la langue est aussi bancal. La Charte de la langue française proclame que le français est la langue officielle et la langue commune du Québec. Et non pas qu’elle est la langue commune seulement de l’espace public!

En disant que « le français est reconnu comme langue de travail », la Déclaration du NPD est conforme à la Lois sur les langues officielles du Canada, mais non à la Loi 101 qui voulait faire du français, là encore, la langue commune du monde du travail.

On comprend pourquoi, dans le débat des chefs, tant en français qu’en anglais, Jack Layton, poussé dans ses derniers retranchements par Gilles Duceppe, n’a jamais voulu se prononcer pour l’application des dispositions de la Loi 101 aux entreprises sous juridictions fédérales en sol québécois.

Une question se pose : peut-on reconnaître une entité qu’on n’arrive ni à nommer, ni à définir correctement?

(à suivre)


À lire : notre dossier sur les élections canadiennes de 2011