Layton pactise avec la droite religieuse

2011/04/27 | Par Pierre Dubuc

par Pierre Dubuc

Lors des dernières élections, le Parti libéral et le NPD combattaient ouvertement la droite religieuse qui constitue un des plus solides soutiens du Parti conservateur de Stephen Harper. Mais, les choses ont changé depuis.

Comme le signalait Marci Macdonald, dans son livre intitulé The Armageddon Factor, The Rise of the Christian Nationalism in Canada (Random House), les libéraux et le NPD ont effectué un virage à 180%. Aujourd’hui, ils jouent du goupillon pour plaire aux différentes Églises et sectes religieuses.

Nous en avons eu une preuve éclatante le Vendredi Saint, alors qu’un reportage télévisé nous a montré Jack Layton participant à une Marche du Pardon à Toronto et, à nouveau le dimanche de Pâques, alors que le chef du NPD avait convoqué journalistes et caméras de télévision pour immortaliser sa présence à un office religieux.

Puis, plus tard, la même journée, Jason Kelly du Parti conservateur, Michael Ignatieff et Jack Layton participaient à un important rassemblement religieux à Toronto de la communauté sikh. Kelly et Ignatieff se sont empressés de condamner la décision unanime de l’Assemblée nationale du Québec d’interdire dans son enceinte le port du kirpan. Layton a louvoyé, pour ne pas indisposer ni les sikhs ni son électorat québécois potentiel.

Sans se prononcer directement sur la question, Layton a cherché à s’en sortir « en faisant référence à une motion que son parti a fait adopter à la Chambre des communes qui visait à reconnaître l’importance des cinq symboles de la foi sikhe », nous apprend La Presse du 25 avril. En termes politiques, ça s’appelle s’asseoir sur la clôture.

De toute évidence, le leader néo-démocrate a lamentablement capitulé devant la droite religieuse.

L’affaire n’est pas banale. La droite religieuse est en pleine ascension au Canada anglais. Des reportages télévisés ont montré qu’elle avait ses entrées auprès des membres du Cabinet de Stephen Harper et elle constitue une des principales bases organisationnelles du Parti conservateur.

À l’époque où Stockwell Day, un fondamentaliste religieux, était à la tête des forces conservatrices, la droite religieuse faisait preuve d’une arrogance qui nuisait à sa cause. Stephen Harper l’a convaincue d’être plus patiente. Dans un célèbre discours prononcé en 2003, devant la Civitas Society, il leur a expliqué qu’il était impossible, étant donné le contexte politique et les valeurs dominantes de la société canadienne, de ramener les femmes au foyer, d’interdire l’avortement et de réintroduire la peine de mort.

« L’important, déclarait-il à la Civitas Society, c’est d’aller dans la bonne direction, même si c’est lentement. » C’est exactement ce qu’il fait. Harper promet, s’il est réélu, de modifier le régime fiscal pour permettre le fractionnement des revenus, ce qui rendra plus attrayant financièrement pour les couples que la femme demeure au foyer.

Il a déclaré qu’il n’introduirait pas directement de projet de loi interdisant l’avortement et ne permettrait pas que cela se fasse indirectement par un projet de loi privé d’un de ses députés. Mais il agit de façon plus sournoise en coupant les fonds aux organismes de planification familiale.

Stephen Harper s’est déclaré personnellement favorable à la peine de mort, tout en jurant qu’il ne mettrait pas la question en débat à la Chambre des communes. Il sait que l’opinion publique n’y est pas favorable. Pour le moment. Mais, avec son insistance à faire de « la loi et l’ordre » un enjeu électoral, sa promesse de ramener, une fois élu, au feuilleton de la Chambre des communes, tous ses projets de loi plus sévères contre la criminalité et son intention d’octroyer des millions pour la construction de nouvelles prisons, il prépare, là aussi, le terrain pour ramener éventuellement le débat à l’ordre du jour.

Sans doute juge-t-il qu’une des conditions nécessaires pour faire triompher ses valeurs de droite est un changement dans la composition de la Cour suprême. S’il est réélu pour un mandat quatre ans à la tête d’un gouvernement majoritaire, il aura la possibilité de nommer trois nouveaux juges à la Cour suprême. (Les juges doivent démissionner lorsqu’ils atteignent l’âge de 75 ans). Soyons assurés qu’il nommera des juges aux valeurs conservatrices.

À l’époque du Reform Party, M. Harper était contre le gouvernement par les juges. Mais il était aussi contre le Sénat, jusqu’à ce qu’il puisse le paqueter de gens partageant ses idées de droite. Il en sera de même avec la Cour suprême.

M. Harper est un habile stratège. Il applique à la lettre le plan de match défini devant la Civitas Society : « L’important, c’est d’aller dans la bonne direction, même si c’est lentement. »

Stephen Harper veut transformer la société canadienne, en y apposant le calque du modèle de la droite républicaine aux États-Unis. Déjà, il a réussi à transformer le Canada, un pays autrefois pacifiste, en un pays belliciste, comme en témoignent l’augmentation vertigineuse des dépenses militaires et la participation du Canada aux guerres en Afghanistan et en Libye.

La prochaine étape, c’est de changer les valeurs progressistes caractérisant la société canadienne par les valeurs conservatrices de la droite religieuse. Les libéraux et le NPD sont bien conscients de ces enjeux. Mais, les libéraux et le NPD ont capitulé devant la droite religieuse, comme en fait foi leur participation, fortement médiatisée, aux cérémonies religieuses du congé pascal.

Lors du dernier scrutin, quatre députés conservateurs ont pu siéger à la Chambre des communes à cause de la division du vote entre le NPD et le Bloc. Combien y en aura-t-il cette fois-ci? L’analyse objective des faits et la mathématique électorale prouvent que, dans la grande majorité des circonscriptions, le véritable vote progressiste, le vrai vote de gauche est un vote pour le Bloc Québécois.


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