Lock-out au Mont St-Anne de Charles Sirois

2011/04/29 | Par Maude Messier

La centaine de syndiqués du Château Mont-Sainte-Anne, copropriété de Charles Sirois (cofondateur du mouvement politique Coalition pour l’avenir du Québec aux côtés de François Legault), sont en lock-out depuis le 4 avril dernier.

La direction de l’établissement hôtelier de la Côte-de-Beaupré a fait valoir que les opérations du Château Mont-Sainte-Anne sont déficitaires depuis huit ans et que les négociations avec le syndicat pour le renouvellement de la convention collective étaient au point mort.

« Ils n’avaient pas d’argent pour nous payer qu’ils ont dit. J’appelle ça plutôt des moyens de pression », explique Alain Pépin, président du Syndicat des travailleurs et travailleuses du Château Mont-Sainte-Anne (CSN), en entrevue à l’aut’journal.

Rappelons que la partie patronale a déposé une offre globale finale le 24 mars dernier et fixé au 6 avril la date butoir pour que les syndiqués entérinent cette proposition. Le syndicat a convoqué une assemblée générale à cet effet le 5 avril, mais l’employeur s’est retourné comme une crêpe la veille du vote et a décrété le lock-out le 4 avril, en fin de journée.

Le syndicat a tout de même tenu une assemblée au cours de laquelle les syndiqués ont rejeté massivement, à 95%, l’offre patronale.

Des concessions importantes
Au chapitre des salaires, l’employeur offre des augmentations annuelles de 1 %, à la condition que ces sommes représentent moins de la moitié des profits engrangés par l’entreprise pour cette même période. « C’est carrément une forme de gel des salaires », commente Alain Pépin.

Le dirigeant syndical déplore que la direction du Château Mont-Sainte-Anne véhicule des informations tronquées quand aux conditions de travail des syndiqués, particulièrement sur les questions salariales. Par exemple, l’employeur justifie ses demandes salariales par le fait que les serveurs assignés aux banquets gagneraient plus de 90$ de l’heure et qu’une telle structure de coûts empêcherait l’établissement d’être compétitif.

Alain Pépin rectifie le tir, spécifiant que les serveurs de banquet gagnent 9$ de l’heure, plus les pourboires. L’employeur réclament d’ailleurs que leur salaire passe à 18$ de l’heure, mais sans qu’ils ne puissent toucher les pourboires. Une demande qui peut sembler avantageuse mais qui, dans les faits, se traduira en une perte de revenus pouvant aller jusqu’à quelques milliers de dollars, selon le président du syndicat.

« Il faut comprendre que cette demande n’a rien à voir avec la compétitivité des salaires et les prix de l’établissement. Parce qu’ils l’ont dit, ils vont garder le montant facturé aux clients pour le service. »

Les demandes patronales comprennent également une réduction des journées de maladie, des jours fériées et modifient arbitrairement le régime de vacances, faisant perdre une semaine de vacances payées à plus de la moitié des employés, nombre d’entre eux ayant pourtant jusqu’à 15 ans d’ancienneté.

La question de la stabilité du revenu est aussi au cœur des débats. L’employeur souhaite pouvoir opérer l’établissement uniquement avec des cadres lorsque moins de 30 chambres sont louées.

« Mais ce n’est pas tout. Ils veulent aussi ramener la journée de travail à 4 heures, plutôt qu’à 7 ou 8 heures, selon les départements, comme c’est le cas présentement. »

Alain Pépin soutient qu’ultimement, cela signifie que les emplois considérés comme temps plein sur une période de huit mois par année ne représenteraient plus que « 2 mois d’ouvrage à 20 heures par semaine. Autrement dit, cette modification transformerait nos emplois en du travail saisonnier », avec la précarité et l’instabilité des revenus que cela comporte.

Mauvaise gestion et faux prétextes
Sur la question des impératifs financiers et de la compétitivité avec les autres établissements de la région, le dirigeant syndical dit comprendre ces réalités, mais estime que les motifs invoqués par la direction sont tout simplement erronés.

À son avis, les difficultés du Château Mont-Sainte-Anne s’expliquent en grande partie par un problème de gestion. « Justement, dans les temps morts, pour être compétitifs, il faut suivre les prix des autres établissements qui baissent eux aussi. Les clients s’attendent à ça en saison morte. Or, ici, les prix sont plus élevés qu’ailleurs. S’ils géraient mieux l’établissement, peut-être qu’il y aurait du monde. »

Il décoche au passage une flèche à l’endroit de Charles Sirois. « S’il va en politique et qu’il gère ça comme son hôtel, ça ne sera pas beau à voir », déclare-t-il relativement à son implication politique au sein de la Coalition pour l’avenir du Québec.

M. Pépin soutient que, globalement, les coûts afférents aux conditions de travail des employés du Château Mont-Sainte-Anne sont comparables aux autres complexes hôteliers de la région.

Il ajoute même qu’entre 2008 et 2010, la masse salariale a baissé, ce qui s’explique par des pertes d’emplois dans tous les départements. « Par exemple, à la maintenance, on est passé de 9 à 4 employés pour cette période. » Des réductions d’effectifs qui se répercutent nécessairement sur la qualité du service.

Aucun pourparler n’a eu lieu depuis le début du lock-out et une rencontre de conciliation est prévue pour le 6 mai prochain.

Chose certaine, le syndicat détient un fort mandat de grève en poche et entend l’utiliser à bon escient. « On ne rentrera pas au travail avec ces conditions-là. On va tenir notre bout, soyez-en sûrs! »

Le dernier conflit de travail au Château Mont Sainte-Anne remonte à 1996, alors qu’une grève des employés avait perturbé les activités de l’établissement pendant 4 mois.