Quand l’Assemblée nationale vote une motion sur l’assassinat de Ben Laden

2011/05/13 | Par Marc Laviolette et Pierre Dubuc, respectivement président et secrétaire du SPQ Libre

Personne ne regrettera la disparition de Ben Laden. Mais certains pourraient regretter d’avoir voté, à l’Assemblée nationale du Québec, la motion d’appui à l’opération militaire américaine ayant conduit à l’élimination de Ben Laden.

Car plusieurs aspects de cette opération demeurent nébuleux. Elle ressemble à un assassinat sélectif prémédité. De plus, il paraît probable que les informations ayant permis de localiser Ben Laden ont été obtenues par la torture pratiquée sur certains détenus.

Assassinats sélectifs, usage de la torture, deux pratiques qui violent les lois internationales. Deux pratiques de l’administration Bush que le candidat Obama avait promis de bannir et que le président Obama, pourtant auréolé du Prix Nobel de la Paix, vient de cautionner!


Une motion de félicitation à Harper?

Est-ce que notre Assemblée nationale va voter une motion de gratitude à l’administration Obama si les frappes de l’Otan réussissent à tuer le colonel Khadafi? Car, c’est bien à de telles tentatives auxquelles nous assistons présentement, comme en témoigne le bombardement qui a éliminé le fils de Khadafi et ses enfants.

Et, si c’est un avion canadien de la force de l’Otan qui est à l’origine de cet exploit, est-ce que notre Assemblée nationale va voter une motion pour féliciter Stephen Harper?

Que la motion origine de l’ADQ, la succursale autoproclamée du Parti conservateur, ne surprend pas. Gérard Deltell se serait empressé d’appuyer l’intervention du Canada en Irak, si Harper avait été au pouvoir, à l’époque de George W. Bush. Et, soyez assurés que Deltell ne proposera pas de motion condamnant le gouvernement de son ami Harper, si le comité chargé d’enquêter sur l’utilisation de la torture par les troupes canadiennes en Afghanistan confirmait les soupçons. La guerre en Irak, la torture, deux actions illégales selon les lois internationales.

Notre Assemblée nationale aurait dû se garder une petite gêne devant la motion de l’ADQ sur l’assassinat de Ben Laden. Et le Parti Québécois, une grosse gêne. Surtout sur la portion de la résolution qui « réitère son appréciation de la contribution des Québécoises et des Québécois déployés en Afghanistan, notamment dans la lutte continue contre le terrorisme ».

A-t-on oublié que, sondage après sondage, plus des deux-tiers des Québécois sont opposés à cette intervention en Afghanistan? Que le Bloc Québécois a voté contre le prolongement de cette mission? Que le NPD, qui vient de faire élire 59 députés au Québec, réclame le rapatriement des soldats canadiens?


Le PQ, orphelin du Bloc

Depuis longtemps, le Parti Québécois avait sous-traité les questions internationales et de politique étrangère à son grand frère à Ottawa, le Bloc Québécois. Et le Bloc se faisait un devoir de respecter scrupuleusement la légalité internationale, sachant que le Québec pourrait éventuellement demander le même respect de la part de la « communauté internationale » pour faire reconnaître un référendum gagnant et le respect des frontières du Québec contre toute menace de partition.

Dans ce contexte, le Bloc a dû avaler quelques couleuvres, la légalité internationale étant parfois invoquée pour défendre des positions discutables. La ligne de conduite du Bloc pouvait être critiquée et elle l’a été mais, au moins, il y avait une ligne de conduite.

Ce n’est manifestement pas le cas avec le Parti Québécois. Sa prise de position sur la motion Deltell sent l’improvisation à plein nez. Le Bloc étant réduit à la portion congrue à Ottawa, le Parti Québécois devra, s’il veut prétendre représenter les intérêts d’un futur Québec indépendant, développer une politique extérieure, qui dépasse le cadre des relations de la francophonie.

C’est un passage obligé si le Parti Québécois veut démontrer qu’il se préoccupe d’autre chose que de gouvernance provincialiste, qu’il est autre chose qu’une alternative au gouvernement Charest et qu’il prépare une alternative au Canada, c’est-à-dire un Québec souverain.