63e Congrès de la CSN : « On va se dire les vraies affaires, nos assemblées générales sont plates », lance un délégué

2011/05/19 | Par Maude Messier

« La solidarité n’a pas de frontière, clamait Laurent Berger, de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) devant les délégués du Congrès de la CSN mercredi matin. Il faut se remettre en question, avec lucidité. On est bons, mais la question, c’est : comment peut-on être meilleurs? »

Le dirigeant syndical est venu témoigner des initiatives de la CFDT et des différents chantiers qu’elle a entrepris de façon à retrouver une proximité avec le vécu des salariés et à augmenter la représentativité de l’organisation auprès des salariés traditionnellement « délaissés » : ceux qui oeuvrent dans les petites entreprises, les jeunes, les saisonniers et les apprentis. « On veut que le syndicalisme soit le baromètre de ce qui se passe dans le monde du travail ».

Si l’intégration de nouveaux groupes de militants représente certes des défis de taille pour les structures syndicales, elle ne doit pas être interprétée comme un risque. « C’est intellectuellement intégré, mais ça demeure un sujet sensible », confie-t-il.

Somme toute, le témoignage du secrétaire général de la CFDT indiquait clairement que le mouvement syndical français est à l’heure du bilan autocritique, de l’introspection et de l’intégration de nouvelles idées. « Il faut être ouverts à l’avenir et non pas nostalgiques; ce n’était pas mieux hier. Ça doit se faire dans la convivialité, parce que le syndicalisme, ce n’est pas triste! »


Radicalisation du discours populiste 

Si l’avenir du syndicalisme québécois se retrouve plus souvent qu’à son tour sur les tribunes médiatiques ces temps-ci, c’est généralement en phase à des déclarations émanant de la droite économique et de ses sympathisants. Les dernières en liste étant évidemment les déclarations du chef de l’ADQ, Gérard Deltell, sur le financement et l’action politique des syndicats, au moment même où s’ouvrait le Congrès de la CSN la fin de semaine dernière.

Mélanie Laroche, professeure de relations industrielles à l’Université de Montréal, a comparé le monde patronal à « une équipe de relais quatre fois 100 mètres » pour illustrer la synergie et la concertation de l’action collective patronale, ce qui, à son avis, fait pour le moment défaut du côté syndical.

Elle affirme que l’accroissement de l’influence du monde patronal auprès des décideurs politiques se fait bien sentir depuis les années 1990, avec une accélération au cours des dernières années. En quatre ans seulement, les lobbys représentant les intérêts patronaux dûment inscrits ont augmenté de 900 %.

L’ironie de la situation, c’est que pendant ce temps, le mouvement syndical en est encore à réfléchir, à se concerter, à coordonner ses réactions et ses stratégies d’action. Avec un brin d’humour, Mélanie Laroche déclarait, en début de présentation, qu’on réfléchissait déjà à la question du renouvellement du syndicalisme alors qu’elle entamait ses études… il y a quinze ans! « C’est le temps d’arrêter de décrire et de passer à l’action ».

Elle souligne que la majorité des emplois qui se créent au Québec sont dans le secteur des services, un secteur difficile à investir pour le mouvement syndical et qui représente également un défi quant au maintien des adhésions syndicales. Le cas le plus probant étant sans aucun doute celui du Walt-Mart de Saint-Hyacinthe qui, après une lutte de plusieurs années, a finalement perdu son accréditation cette année.

Pour Mme Laroche, les syndicats doivent impérativement remettre en question leurs structures et leurs méthodes, tout en investissant de nouveaux champs et en développant des solidarités intersyndicales avec les différentes forces sociales du Québec.

Elle estime que les propositions sur l’abolition de la formule Rand, sur la perception et l’utilisation des cotisations syndicales de même que sur le positionnement des syndicats dans les débats publics et politiques constituent des « attaques sérieuses », visant non plus seulement à contrer le discours syndical, mais carrément à les museler.

« Il faut donc convaincre les membres que l’action politique est nécessaire parce que c’est le seul moyen d’empêcher le nivellement à la baisse des conditions de travail, que les travailleurs soient syndiqués ou non. »

Le seul moyen également pour agir contre la délocalisation grandissante des emplois en raison de la financiarisation à court terme qui ne bénéficie qu’aux actionnaires et qui engendre l’augmentation de la précarisation des emplois, l’intensification du travail et l’augmentation de la souffrance chez les salariés.

« Ça me dépasse toujours quand je regarde le téléjournal où l’on annonce une fermeture d’usine et que les travailleurs excusent les employeurs du fait qu’ils ‘‘perdent’’ de l’argent. »

Pour contrer le discours de la droite économique, alimenté par des « think thank » grassement financés, et proposer de nouveaux modèles, « il n’y a pas 36 solutions, ça nécessite un vaste mouvement. »

Mélanie Laroche indique que le mouvement syndical doit se pencher sur l’amélioration des lois du travail pour redonner aux travailleurs la démocratie initialement prévue dans l’esprit du Code du travail, intensifier l’action politique pour positionner les syndicats dans le dialogue social et promouvoir des modèles de développement économiques qui prennent en compte la qualité de vie des travailleurs, à l’instar des pays scandinaves par exemple.


Faire passer le message syndical

Force est de constater que le message syndical ne porte pas comme il le devrait au sein de la population et même auprès des syndiqués. Une situation à laquelle le mouvement syndical doit impérativement de remédier selon Mme Laroche. L’heure n’est pas à la désolation selon elle, mais bien à trouver la bonne façon de rejoindre les membres.

Elle met en garde contre les « solutions miracles » et insiste pour dire que les réseaux sociaux, à eux seuls, ne sont peuvent constituer la base de la communication avec les membres.

Bien au contraire, de récentes enquêtes auprès des jeunes révèlent que c’est plutôt une modification des structures de délégués qu’il faut envisager « parce que ce que les jeunes cherchent, c’est quelqu’un qui va leur expliquer les enjeux, un contact en personne. C’est plutôt un retour aux bonnes vieilles méthodes ».

Denis Beaudin, président du syndicat de Gurit, une entreprise de fabrication de mousse en matériaux composites destinée aux marchés éolien et maritime située à Magog, a livré un exposé vibrant et bien senti, reprenant à son compte les propos tenus par les deux autres panélistes.

Invitant ses confrères à réfléchir sur la modification de la représentation syndicale sur le terrain, il croit que le dynamisme passe nécessairement par la simplicité et la disponibilité des représentants syndicaux. « On va se dire les vraies affaires, nos assemblées générales sont plates!, lance-t-il à la blague. Peut-être mettons-nous la faute rapidement sur les membres qui ne s’impliquent pas? »

Il rappelle l’importance de la proximité avec les membres, à comprendre leurs besoins et leurs problèmes de même qu’à faire circuler l’information et la formation pour établir une relation de confiance. « On a d’excellentes séances de formation et d’information dans les structures, conseils centraux, congrès, mais je doute que ça se rende jusqu'aux membres. »

En ateliers, les délégués se sont penchés sur les pistes de réflexion proposées par les panélistes de même que sur une proposition du comité exécutif de la CSN visant à rassembler les organisations syndicales québécoises et les groupes de défense des non-syndiqués dans une « offensive concertée » pour défendre le travail décent et le droit à la syndicalisation.

Il est également proposé que la CSN soit l’instigatrice de l’organisation d’un événement sur le syndicalisme, ses défis et ses enjeux en collaboration avec l’ensemble des partenaires syndicaux.


Élections du comité exécutif

Louis Roy devient le nouveau président de la CSN. Seul candidat à la succession de Mme Carbonneau et chaudement applaudi par les délégués, il a été élu mercredi après-midi par acclamation.


Résultats des élections :

- Secrétaire général : Jean Lortie, de la Fédération du commerce

- Trésorerie : Pierre Patry, trésorier de la CSN depuis 2004. Finalement élu malgré un quiproquo technique à la mise en candidature, résolu par une proposition privilégiée adoptée à l’unanimité par l’assemblée, il entame un troisième mandat à ce poste d’officier.

- 1er vice-président : Jacques Létourneau, adjoint au comité exécutif.

- 2e vice-présidence : deux candidatures ont été déposées à ce poste. Gaétan Châteauneuf, du Conseil central de Montréal, et Jean Lacharité, du Conseil central de l’Estrie. Le résultat des élections sera connue jeudi à l’issue de la tenue d’un scrutin secret.

- 3e vice-présidence : Denise Boucher. Elle occupe ce poste depuis 1999.