Le cul de Jack Layton commence à sentir la lame du rasoir

2011/05/26 | Par Pierre Dubuc

À Dany Turcotte, le fou du roi de l’émission Tout le monde en parle, qui lui demandait s’il réalisait qu’il était assis sur une lame de rasoir en devant arbitrer entre les intérêts du Québec et ceux du Canada, Jack Layton a répondu qu’il se « sentait encore confortable ».

Il l’était un peu moins, au terme de la première réunion de son caucus à Ottawa, lorsque les journalistes lui ont demandé de préciser sa position advenant la tenue d’un référendum au Québec. Accepterait-il que le Québec devienne indépendant, si le Oui l’emporte avec une majorité de 50% plus un, comme le reconnaît la Déclaration de Sherbrooke, adoptée au congrès fédéral de 2006, ou bien fait-il sienne l’opinion de la Cour suprême qui, dans son renvoi sur la sécession du Québec, prônait une « majorité claire » à une « question claire »?

De toute évidence, M. Layton a commencé à sentir la lame du rasoir et à trouver sa position beaucoup moins confortable. Finalement, il a semblé se rallier à la décision de la Cour suprême. Déjà, la Déclaration de Sherbrooke, même si elle reconnaissait explicitement un résultat de 50% plus un, était loin d’une reconnaissance pleine et entière du droit à l’autodétermination du Québec, contrairement à ce que plusieurs ont voulu laisser croire au cours de la dernière campagne électorale.


La déclaration de Sherbrooke

La Déclaration de Sherbrooke, adoptée au congrès fédéral de 2006, reconnaît que « le fait que le Québec ne soit pas signataire de la Constitution représente un problème réel, indéfendable à long terme » et déclare viser « à moyen terme, à atteindre un résultat qui pourrait permettre au Québec d’embrasser le cadre constitutionnel canadien ». C’est la recherche des « conditions gagnantes » dont parlait Jack Layton lors de la campagne électorale.

La Déclaration rappelle que « le programme électoral de 2004 mentionnait explicitement la reconnaissance de la ‘‘nation’’ québécoise » et elle se donne pour mandat de « réaffirmer et préciser cette notion ».

Signalons que c’est le seul endroit dans le document où le mot « nation » est utilisé et il l’est entre guillemets. Ailleurs, on a recours à toutes sortes de périphrases. Dans la table des matières, on parle de « la reconnaissance du caractère national du Québec », puis, dans le texte, de la « reconnaissance d’une minorité (sic!) nationale avec un caractère distinct au sein d’un ensemble plus large », du droit de la « collectivité (sic!) québécoise à décider librement de son avenir politique et constitutionnel », que des « gens (sic!) du Québec aient le droit de décider, démocratiquement de leur propre avenir ».

Pourtant, l’objectif de cette Déclaration est de « de réaffirmer et de préciser cette notion » de nation !!!

Examinons plus attentivement les éléments mis de l’avant pour définir le « caractère national du Québec ».

« Ce caractère national du Québec repose notamment, mais non, exclusivement sur :

  1. Une société à majorité francophone, dont le français est reconnu comme langue de travail et langue commune de l’espace public.

  2. Une culture spécifique, unique en Amérique, qui s’exprime par un sentiment d’identité et d’appartenance au Québec.

  3. Une histoire spécifique.

  4. Des institutions politiques, économiques, culturelles et sociales propres, incluant les institutions étatiques et celles présentes dans la société civile.

La première chose qui saute aux yeux est qu’on ne reconnaît pas explicitement à la nation québécoise un territoire qui lui soit propre. Une question drôlement importante, étant donné les menaces de partition du territoire québécois dans l’éventualité où le Québec deviendrait indépendant.

L’énoncé sur la langue est aussi bancal. La Charte de la langue française proclame que le français est la langue officielle et la langue commune du Québec. Et non pas qu’elle est la langue commune seulement de l’espace public!

En disant que « le français est reconnu comme langue de travail », la Déclaration du NPD est conforme à la Loi sur les langues officielles du Canada, soit l’anglais et le français, mais non à la Loi 101 qui voulait faire du français la langue commune du monde du travail.


Le droit à l’autodétermination

La Déclaration réaffirme la mission du NPD de faire « la promotion d’un Canada uni ». Elle reconnaît le droit à l’autodétermination du Québec et le NPD s’engage « à respecter, dans ses interventions, la Loi québécoise sur la Consultation populaire. De plus, le NPD reconnaîtrait une décision majoritaire (50%+1) des Québécoises et des Québécois, advenant la tenue d’un référendum visant à modifier le statut politique du Québec ».

Cependant, la Déclaration ne remet pas en question le reste des cadenas imposés par la Loi sur la Clarté. Face au processus référendaire québécois, elle affirme qu’« il appartiendrait au gouvernement fédéral de déterminer son propre processus, dans l’esprit de l’Avis de la Cour suprême et du droit international, en réponse aux résultats du processus de consultation populaire interne au Québec. »


Le fédéralisme asymétrique et coopératif

Le point majeur du fédéralisme asymétrique proposé par le NPD est le droit de retrait avec compensation. « Ce droit de retrait, explique-t-on, s’applique lorsque le gouvernement fédéral, par lui-même ou avec l’accord d’autres provinces, intervient dans des champs de juridiction exclusive des provinces. Dans ce cas, il ne devrait pas y avoir de conditions ou de normes appliquées au Québec sans son consentement, obtenu après consultation et négociation. »

Par la suite, le NPD nous dit que « le fondement d’un fédéralisme vraiment coopératif » est l’Entente-cadre sur l’Union sociale signée en février 1999. Mais il reconnaît que le Québec n’a pas signé cette entente, mais sans en expliquer les motifs.

Le Québec s’y est opposé parce qu’elle légitimait le point de vue fédéral sur le pouvoir de dépenser en échange de contreparties minimales. Les provinces signataires ont, notamment, reconnu explicitement la légitimité du pouvoir fédéral de dépenser dans les domaines relevant de la compétence exclusive des provinces, sans réussir à véritablement en circonscrire l’utilisation.

La Déclaration propose des négociations et des modifications pour obtenir le consentement du Québec à cette Entente-cadre. Une nouvelle Entente-cadre ne remettrait pas en question, selon le NPD, le pouvoir fédéral de dépenser dans les champs de juridiction provinciale, mais lui fournirait un cadre. Ce serait « autant le reconnaître que le limiter. »

La Déclaration spécifie que le NPD n’exclut pas les normes canadiennes. La Déclaration précise que « tout en respectant les juridictions provinciales, le gouvernement fédéral peut contribuer fortement à maintenir et développer des normes minimales au niveau des politiques sociales. »

Enfin, elle affirme que « le NPD ne privilégie pas un transfert de points d’impôts », ce qui a toujours été l’approche préférée du Québec.

Ce qu’il importe de retenir dans cette conception néo-démocrate du fédéralisme, c’est qu’au plan du partage des compétences, ledit « fédéralisme asymétrique » n’en concèderait aucune nouvelle au Québec. Il n’est question d’aucun transfert de pouvoirs. Au contraire, même le pouvoir fédéral de dépenser serait maintenu, même si on affirme qu’il serait encadré. La conception centralisatrice qui a tant marqué ce parti ne disparaîtrait pas nécessairement.