Le mirage du Plan Nord !

2011/05/26 | Par Réjean Porlier

À ne pas en douter, Jean Charest est un bon vendeur. Le 9 mai dernier, avec l'annonce de son Plan Nord, il a fait s'écarquiller les yeux d'un bon nombre de nord-côtiers et particulièrement d'investisseurs qui se voient déjà faire des affaires d'or.

Avec des investissements annoncés de quelques $80 milliards, c'est ni plus ni moins que le Klondike Québécois qu’il nous propose. Wow! Difficile de ne pas se laisser porter par tout cet enthousiasme. Et pourtant!

Ce qui est bien important lorsqu'on parle d'investissement, c'est le retour sur l'investissement et il y a fort à parier que nous, la population du Québec, allons payer le fort prix de ces investissements.

D'ailleurs, le Premier ministre annonce d'entrée de jeu que la participation publique anticipée, uniquement pour le développement du parc énergétique sera de $47 milliards.

Puisque Hydro-Québec nous appartient, on peut sûrement en conclure qu'il s'agit de notre participation. Malheureusement pour nous, il ne faut pas s'attendre à ce que l'industrie paie la juste note de ces investissements, à moins naturellement qu'on assiste à une première et que le gouvernement s'engage à facturer tout au moins le coût de production des nouveaux projets.

Cessons de rêver, nous allons tous subventionner à gros prix les multinationales pour qu'elles viennent nous libérer de ce lourd fardeau que sont nos richesses naturelles.

Qu'à cela ne tienne, M. Bachand a ramené le pourcentage des redevances de l'industrie minière de 12 à 16% en 2010. Nous voilà donc tous rassurés, puisqu'à 12%, il nous en coûtait pour faire exploiter nos ressources naturelles. (Rapport du vérificateur général 2002-2008).

Revenons à l'énergie, voici un énoncé qui apparaît dans le projet Plan Nord:

« Le Plan Nord témoigne de la volonté du gouvernement de faire du Québec une première puissance mondiale dans le domaine des énergies propres et renouvelables. »

Voilà une affirmation tout à fait grotesque, irresponsable et dépourvu de toute vision. En quoi ces importants investissements pour la construction de nouvelles centrales hydro-électriques vont-elles contribuer à l'élimination de notre dépendance aux énergies fossiles.

Le Québec a tout ce qu'il faut pour devenir une puissance mondiale dans le domaine des énergies propres et renouvelables, mais il fait tout depuis quelques années pour ne pas y arriver, en particulier avec ce qui s'annonce pour le Plan Nord.

Quelle vision peut-il y avoir derrière le bétonnage de l’ensemble des rivières du Québec, sinon pour répondre aux intérêts de puissants lobbys?

Un leader mondial prendrait tous les moyens pour développer toutes les alternatives, à commencer par celle de l'économie de l'énergie. Non seulement l'économie d'énergie offre-t-elle des opportunités technologiques intéressantes, mais en plus de soulager les clients d'une partie de leur facture, elle libère des blocs d'énergie disponible pour d'autres applications.

De plus, le Grand Nord est reconnu comme ayant un potentiel éolien extraordinaire et pourtant on continue de bouder cette filière avec moins de 10% des projets annoncés. Nous sommes des leaders certes, mais dans notre capacité à gaspiller nos avantages.

Comme le disait Amir Kadhir récemment, on poursuit le développement en mode colonisé et c'est peu dire. Le Québec a tout entre ses mains pour aspirer à la tête du peloton: ressources naturelles et énergétiques abondantes.

Mais plutôt que de s'inscrire en visionnaire et s'assurer d'en obtenir le maximum de retombées, il continue de penser petit et d'improviser notre développement.

Si on se fie à l'amateurisme avec lequel ce gouvernement a abordé toute la question des gaz de schiste allant même jusqu’à supposer à un moment donné que notre indépendance énergétique dépendait de cette filière, on a de quoi être drôlement inquiet avec l'annonce de tous ces milliards qui vont pleuvoir.

Si le Québec se cherche un projet ambitieux et visionnaire pour briller parmi les meilleurs, pourquoi ne pas miser sur celui de l'électrification du transport en commun tel qu'évalué et proposé par l'IRÉC (Institut de recherche en économie contemporaine).

Le développement d'un monorail purement Québécois mu par le moteur-roue représente un potentiel, économique, social et environnemental structurant, mobilisant et surtout novateur avec de surcroit, des dizaines de milliers d'emplois de qualité.

Ce qui m'attriste le plus dans cette opération charme à laquelle se livre le gouvernement Charest, c'est la récupération à laquelle se livrent nos élus lorsqu'il est question d'améliorer les conditions de vie des peuples autochtones.

Qu'en était-il avant ce soudain engouement pour le grand Nord? Serions-nous en train de leur négocier des conditions de vie plus décentes en échange d'un laissez-passer tout azimut avec pour ambition de faire du Québec une mine à ciel ouvert?