9e Congrès de la FIQ : le réseau public de santé au cœur des réflexions

2011/06/09 | Par Maude Messier

La proportion des dépenses publiques en santé est passée de 80% il y a 15 ans à 70% en 2009, ce qui résulte en « la création d’un marché lucratif de 3 milliards de dollars pour le secteur privé. Ce n’est pas rien! » - Damien Contandriopoulos.

Le Québec dépense-t-il véritablement plus qu’ailleurs pour les soins de santé? Le vieillissement de la population est-il un signe précurseur de l’apocalypse annoncée pour le réseau de la santé? Doit-on imputer les problèmes du réseau public à un manque de productivité des professionnels en santé?

Les quelques 600 délégués de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), réunis cette semaine à Saint-Hyacinthe pour le 9e Congrès de la Fédération, ont eu l’occasion de se pencher sur ces questions par le biais des présentations de trois panélistes.


Un cours d’autodéfense intellectuelle

Professeur agrégé à la Faculté des sciences infirmières de l'Université de Montréal, Damien Contandriopoulos fait valoir que les dépenses en santé au Canada, tout comme au Québec, sont tout à fait représentatives des dépenses des pays les plus riches de la planète.

Mieux encore, contrairement à ce qui est largement véhiculé, il est faux de prétendre que les dépenses en santé du Canada ont explosé au cours des dernières années. Pour des fins de comparaisons valables, les montants, si imposants soient-ils, doivent être mis en relation avec l’indice de la production de la richesse, le PIB.

« Le prix des Mr. Freeze a augmenté par rapport à quand j’étais petit. Est-ce que le prix des Mr Freeze est hors de contrôle pour autant? Non. »

Ainsi, les dépenses en santé au pays sont relativement constantes par rapport au PIB depuis les trente dernières années. S’il est vrai que les dépenses publiques ont « légèrement » augmenté au cours des 15 dernières années, les dépenses privées augmentent quant à elles dans une plus large proportion.

M. Contandriopoulos précise par ailleurs que la proportion des dépenses en santé en provenance des fonds publiques est passée de 80% il y a 15 ans à 70% en 2009, ce qui résulte en « la création d’un marché lucratif de 3 milliards de dollars pour le secteur privé. Ce n’est pas rien! »

À son avis, il importe également de considérer la nature des hausses des coûts. Ainsi, l’augmentation des prix des médicaments constitue une part important du gâteau, d’autant plus qu’elle s’accompagne d’une hausse de la consommation de ces médicaments dans la population en général.

Autre aspect intéressant, M. Contandriopoulos souligne que les pays de l’OCDE ayant les systèmes de santé les plus privés, soit la Suisse et les États-Unis, ont également les dépenses publiques en santé les plus élevées. « Essentiellement parce que le privé n’est pas plus efficace, il est juste plus cher. »

« Chose certaine, on peut privatiser tant qu’on veut, mais ce sont toujours les citoyens qui devront payer en bout de ligne. » Il insiste sur le fait que les problèmes du réseau québécois ne relèvent pas du financement, mais bien de la dispensation des services.


Plus de soins de première ligne et moins de béton

Le chercheur met en garde : le système public peut et doit être plus performant, mais cette performance ne doit pas reposer seule sur les individus; le problème étant plutôt systémique à son avis. « L’idée d’améliorer la performance du système, ce n’est pas de presser le citron! »

Comment faire alors? Améliorer et augmenter les soins de première ligne plutôt que « d’investir dans le béton », développer les ressources alternatives et utiliser à son plein potentiel les compétences des professionnels par exemples.

Un point de vue que partage François Béland, professeur titulaire au Département d'administration de la santé de la Faculté de médecine de l'Université de Montréal : « Adapter la gestion clinique et les pratiques cliniques, ça ne viendra pas du gouvernement, ça doit venir de vous. Et c’est le plus difficile à faire. »

À son avis, les solutions pour remédier aux problèmes de dispensation des services doivent venir des pratiques cliniques, autrement dit, des professionnels sur le terrain. « Ce qui ne fonctionne plus, et c’est ce que font les gouvernements depuis des années, c’est manipuler et garrocher de l’argent et tripoter les structures. »

Bernard Roy, professeur à la Faculté des sciences infirmières de l'Université Laval, renchérit en affirmant ni plus ni moins que l’avenir du système public viendra des infirmières. Il réfère, dans sa présentation, aux résultats d’un sondage mené auprès des résidents de la Côte-Nord, révélant que la proximité et la stabilité des soins sont des éléments déterminants dans la perception qu’ont les gens du système de santé.

« On pensait que les gens les plus éloignés, dans les petits villages où il n’y a qu’un poste infirmier ou un dispensaire, seraient les plus déçus. Mais non, les régions les plus éloignées sont les plus satisfaites et ce sont eux qui vivent les expériences les plus positives. »

Ces données ont par ailleurs été confirmées dans un rapport du gouvernement du Québec en 2009. « En régions, il y a des modèles qui devraient être amenés dans les villes. Pas l’inverse. » Il souligne le cas des municipalités de Natashquan et de Baie Johan-Beetz, où l’on a voulu, pour des motifs économiques, fermer les deux postes infirmiers et centraliser les activités. La population s’y est farouchement opposée, faisant valoir sa pleine satisfaction du modèle déjà en place.

Ainsi, M. Roy préconise un rôle accru des infirmières dans les soins de première ligne, une solution qui a d’ailleurs déjà fait ses preuves, comme en témoignent les expériences ontariennes.

Mais il y a, bien sûr, l’épineuse question des intérêts corporatistes et des chasses-gardées quant au développement de certaines pratiques et alternatives, notamment en ce qui concerne les « super » infirmières.

En ce sens, les différentes corporations de médecins sont clairement pointées du doigt; leur puissant lobbying empêchant toute réforme. Une situation qui a assez duré, si l’on en croit l’exaspération palpable des délégués.


Les bons soins, aux bons patients

Les échanges qui ont suivis les présentations des panélistes ont été riches en anecdotes, toutes confirmant l’évidence des problèmes dans le système de dispensation des soins, toutes confirmant également le désir des professionnels de palier une fois pour toutes aux aberrations dont ils sont témoins jour après jour, notamment quant à la pertinence des soins.

Si les nouvelles technologies constituent assurément un plus pour la qualité des soins offerts et permettent des avancées médicales significatives, il importe d’« offrir les bons soins, aux bonnes personnes, par les bons professionnels. On peut ajouter de l’argent à l’infini dans le système, mais ça ne donne rien si il n’est pas efficace », commente à cet effet Damien Contandriopoulos.

Certains délégués ont d’ailleurs confié leur malaise devant certaines pratiques cliniques qui entrainent le patient dans un dédale d’examens, générant coûts, attente et parfois même souffrances, inutiles.


Élections à la présidence

Les mises en candidatures pour les postes en élection se terminant mardi après-midi, Régine Laurent a donc été réélue par acclamation à la présidence de la FIQ et chaudement applaudie par une ovation des délégués.