Aniaise

2011/06/09 | Par Michel Rioux

« Il n’est qu’une erreur et qu’un crime : vouloir enfermer la diversité du monde dans des doctrines et des systèmes. C’est une erreur que de détourner d’autres hommes de leur libre jugement, de leur volonté propre.  - Montaigne

Quand elle s’était adressée à la Chambre de commerce de Québec et qu’elle avait lancé son cri : « C’est fini le niaisage ! », on avait cru un moment que Pauline Marois semonçait sa députée Agnès Maltais, enfoncée jusqu’au cou dans la défense d’un projet tordu et faisant visiblement le jeu de Jean Charest, qu’on devinait mort de rire derrière le rideau, avec cette tête qu’ont tous les matous venant de se régaler d’un canari.

On avait espéré, l’espace d’un instant, qu’au lendemain d’une cuite avec le maire Labeaume et Pierre-Karl Péladeau, le bon sens était revenu au sein du Parti québécois et que, finalement, on allait cesser la job de bras dont les libéraux profiteraient au premier chef et que la ligne de parti ne jouerait pas pour un aréna.

On avait tout faux. Non seulement la cheffe appuyait-elle la niaise de tout son poids, mais elle en rajoutait en traitant de niaiseux tous ceux qui auraient pu avoir une petite gêne devant ce projet de loi 204 aveuglément porté par la député Maltais.

Elle s’était déjà fait remarquer il y a quelques années, l’Agnès, en défendant bec et ongles la reconstitution de la défaite des Plaines d’Abraham. Elle avait défendu l’indéfendable en plaidant que ce serait « une leçon de pédagogie sur notre courage »…

Alors que je l’interviewais à l’époque sur un autre sujet, j’en avais profité pour lui demander pourquoi elle appuyait cette reconstitution. Les Français n’ont pas idée de fêter la défaite de Waterloo !

Excédée, elle m’avait répliqué qu’à Montréal, on ne pouvait pas comprendre que si le PQ n’appuyait pas cet événement, il allait perdre tous ses comtés à Québec. On se demande encore par quel mauvais coup du sort Maltais a été la seule rescapée du Parti Québécois dans la région de Québec aux dernières élections. Visiblement, comme on l’a aussi remarqué lors des dernières élections fédérales, il n’y a pas de lien de cause à effet entre la valeur d’un candidat et son élection.

On aurait dû dès lors se douter de quelque chose. Cette femme prend pour du courage ce qui n’est rien d’autre que de l’aveuglement, de l’entêtement ou de la bêtise, tout simplement.

Mais qui donc, mais quoi donc, a conduit ce parti à pousser aussi loin un acharnement aussi suicidaire, qui l’a mené aux bords de l’implosion ? Comment expliquer qu’un parti perde de la sorte le contact avec le réel et accepte de s’enfoncer dans un marécage nauséabond, tout cela parce qu’un maire qui se dit amer tire sur tout ce qui bouge et fait peur à tout ce qui lui résiste ?

La seule explication plausible, c’est qu’à Québec, le PQ veut faire du pouce sur la popularité d’un énergumène à qui une dose quotidienne de Ritalin ne ferait pas de tort. Mais s’il est vrai qu’il y a quelque chose dans l’eau de Québec qui expliquerait certains comportements, en particulier électoraux, le reste du Québec n’est pas branché sur l’aqueduc du lac Saint-Charles, heureusement.

Une fois traversé le pont Pierre-Laporte, les rodomontades du petit pharaon de passage à l’Hôtel de Ville de Québec n’impressionnent pas tellement dans les chaumières.

Faut croire qu’il y a une limite à traiter des députés, par ailleurs majeurs et vaccinés, comme des débiles légers à qui on intime de ne pas dire un mot, de fermer les yeux sur ce qui n’a pas de sens et de se boucher le nez si ça sent trop mauvais.

Il y a une forte tradition d’autoritarisme dans ce parti, de René Lévesque et son renérendum à Lucien Bouchard et le vote de blâme unanime à l’endroit d’Yves Michaud.

On aurait espéré la chose révolue, mais voilà que cela revient. On n’y souffre pas tellement la contradiction, comme en a encore une fois fait la démonstration ce même Bouchard devant la même Assemblée nationale.

Face à un Amir Khadir insistant, il s’est drapé dans les habits de défenseur de l’intérêt public pour exercer rien d’autre qu’un chantage odieux à l’égard de l’État québécois dans l’histoire des gaz de schiste. Les pétrolières qui lui permettent de mettre un peu de beurre de pinottes sur son pain voudraient peut-être nous faire croire qu’elles l’ont engagé pour ses hauts faits à la Commission Cliche ou encore pour avoir été procureur des Augustines de la Miséricorde de Jésus de Chicoutimi. On sait bien que c’est la notoriété d’un ancien premier ministre, par ailleurs prêt à la maquignonner, qu’ils achètent.

Avec le vote d’appui à 93 % obtenu il y a tout juste quelques semaines, Pauline Marois se croyait fort solide et c’est certainement ce qu’on lui disait dans son entourage. Mais ce qui se passe maintenant, alors que le champ de bataille est couvert de cadavres, a dû lui faire comprendre que la roche tarpéienne n’est jamais bien loin du Capitole.