Livre vert sur la politique agricole

2011/06/10 | Par L’aut’journal 

La Coalition SOS-Pronovost estime que le Livre vert pour une politique bioalimentaire, rendu public mardi dernier par le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ), Pierre Corbeil, est trop général et imprécis pour permettre une consultation efficace et des modifications législatives appropriées.

«Ce n’est pas un livre vert, c’est un livre blanc: il n’y a rien dedans ! », conclut Roméo Bouchard, après avoir assisté à la présentation du ministre Pierre Corbeil. «Rien en tous cas qui mérite d’être considéré comme l’énoncé d’une nouvelle politique agricole…ni de quoi faire pâtir tout le monde pendant plus de deux ans ! Une nouvelle consultation sur de telles bases ne peut que partir dans toutes les directions et aller nulle part. Le gouvernement ne peut plus se soustraire à sa responsabilité de formuler ses propositions de façon concrète s’il veut un débat qui aboutisse quelque part. »

Effectivement, le Livre vert du ministre Corbeil aligne tout au plus une série d’objectifs très généraux, axés sur l’offre d’aliments du Québec diversifiés et distinctifs et sur le soutien aux entreprises rentables, par des outils déjà en place pour la plupart, mais il ne ne contient aucun énoncé concret sur les moyens à mettre en oeuvre pour concrétiser ces objectifs.

De plus, la Coalition retrouve difficilement dans ce document le diagnostic, l’esprit et les recommandations concrètes du rapport Pronovost. On y parle beaucoup d’entreprises rentables et d’adaptation aux marchés ; mais il n’y est peu ou pas question de souveraineté alimentaire, d’agriculture biologique, d’agriculture de proximité, d’OGM, du contrôle des chaînes d’épicerie et des offices de producteurs sur la mise en marché des produits locaux, du monopole d’accréditation syndicale, du soutien aux petites et moyennes fermes qui oeuvrent en région et dans des secteurs de créneau, de la reconversion des productions en crise vers des produits plus personnalisés, etc. Bref, il y a peu de choses dans ce document pour redonner espoir aux agriculteurs de tout genre qui sont confrontés tous les jours à une crise sans précédent de l’agriculture.

En fait, le vrai Livre vert que tout le monde attendait n’est pas dans l’énoncé académique de 45 pages, mais plutôt dans la réponse aux 16 questions qu’il formule en annexe « pour aller plus loin ». Plutôt que de nous les poser, le Livre vert aurait mieux fait d’y répondre. Ces questions portent justement sur la répartition du soutien financier aux différents types d’entreprises de production et de transformation, l’accès aux produits québécois sur le marché, la gestion des plans conjoints de mise en marché et du zonage agricole, la différenciation des produits, les normes environnementales, l’accréditation unique, etc. Les différents intervenants du monde agroalimentaire et les nombreux rapports produits au cours des 5 dernières années ont déjà abondamment répondu à ces questions. Au terme du processus, c’est maintenant au gouvernement d’y répondre et d’amener des propositions claires sur chacun des enjeux soulevés, auxquelles les acteurs pourront ensuite réagir.

Les membres de la Coalition jugent inacceptable et improductif, pour ne pas dire de mauvaise foi de la part du gouvernement, de renvoyer ainsi tout le monde, une fois de plus, à la case départ, avant 2006, date de la création de la Commission Pronovost.

En conséquence, la Coalition estime que le MAPAQ, s’il tient vraiment à ce que la démarche puisse être menée à terme, doit à tout le moins compléter son Livre vert par un énoncé des moyens et des modifications législatives jugées nécessaires pour atteindre chacun des objectifs proposés, comme cela a été fait avec succès d’ailleurs dans le Livre vert sur la forêt, parrainé à l’époque par le même Claude Béchard qui est à l’origine de celui-ci. En l’absence d’un tel complément, la Coalition croit que la consultation prévue a peu de chances de donner des résultats. Plusieurs de ses membres s’interrogent sérieusement sur l’opportunité et l’utilité d’aller répéter une fois de plus en commission parlementaire les réponses maintes fois formulées dans les mémoires et les prises de position antérieures : si rien ne devait changer, elle n’aura peut-être pas d’autre choix que de suggérer aux centaines de groupes et d’individus qui ont soumis un mémoire à la Commission Pronovost de le soumettre à nouveau tout simplement.

La Coalition a soutenu depuis le début, même dans les moments difficiles, les démarches du MAPAQ pour donner suite aux recommandations du rapport Pronovost. Elle souhaite pouvoir continuer à le faire. Mais avec le Livre vert du ministre Corbeil, elle ne peut s'empêcher de se demander si, maintenant que l’hémorragie de la Financière agricole est colmatée, le gouvernement a encore une réelle volonté de procéder aux réformes structurelles recommandées par le Rapport Pronovost, qui qualifiait le statu quo, faut-il le rappeler, d’indéfendable.

Note : La Coalition SOS-Pronovost regroupe aujourd’hui un large éventail de groupes (25), de fermes (50) et de citoyens en faveur de l’application des recommandations de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l'agroalimentaire québécois (Rapport Pronovost), notamment l’Union des consommateurs, Greenpeace, les AmiEs de la Terre de Québec, de l’Estrie, de Brôme et du Richelieu, l’Avenue bio de l’Est, le Collectif d’agriculteurs pour la sauvegarde des fermes à dimension humaine, L’avis bio (Biobulle), Québec solidaire, le Parti vert, l’Association Manger Santé, le Mouvement d’éducation populaire et d’action communautaire (MEPACQ), les Jardins collectifs, les Banques alimentaires, le Mouvement pour la décroissance conviviale, et plusieurs personnalités connues comme Daniel Pinard, Hugo Latulipe, Denise Proulx, Renée Frappier, Louise Lambert-Lagacé, Anne-Marie Roy.