Merci Gerry !

2011/07/11 | Par Alain Dion

Cap-Santé, été 1978. J’ai 15 ans. Intimidé, mais tout autant fasciné par les gars de bicycle qui ont pris possession du stationnement, j’entre sous un chapiteau où dans quelques minutes je verrai Offenbach pour la première fois.

L’atmosphère est magique. Électrique. Gerry et sa gang s’emparent de la scène. La musique se déchaîne et m’enchaîne. La voix et les mots de Gerry me soufflent! La guitare de Johnny Gravel tend un arc qui me dessine de nouvelles lignes d’horizon. Je ne serai plus jamais le même. Libre. Enfin au monde. À jamais.

Été 2011. J’ai 48 ans. Je sors du cinéma ému et ravi. Gerry, le film. Tout m’est revenu petit à petit. La mémoire bousculée comme la structure kaléidoscope du film. Un condensé échevelé comme dans une discussion éthylique avec des amis tous aussi fous de liberté. Et la musique d’Offenbach martelant à nouveau les pulsations de toutes nos «promenades sur mars».


Du rock, des mots

Disons-le tout de suite, il y a d’abord le Gerry de Mario Saint-Amand. Troublant. Dès les premières images. Cette démarche, cette attitude. Fière et solide. Tout au long du film, Saint-Amand incarne un Gerry Boulet extrêmement attachant. Sans copier, sans imiter, habitant son personnage avec émotion, avec énergie. Une prestation magistrale.

Il y a ensuite la musique d’Offenbach. La place privilégiée qu’occupent la créativité du groupe, la richesse de leur musique. Et à travers cette création, on découvre la grande complicité entre Gerry et son chum de musique Jean «Johnny» Gravel, le coloriste musical d’Offenbach avec sa guitare si grave et si sauvage, qui le suivra jusqu’au bout contre vents et marées.

Le film a également le grand mérite de mettre en valeur certains des plus beaux textes offerts à Gerry au fil de cette grande aventure musicale. La collaboration prophétique de Pierre Harel avec «Câline de blues» et «Faut que je me pousse», d’André St-Denis «Ayoye», de Pierre Huet «Mes blues passent pu dans porte» et bien sûr de Gilbert Langevin avec «La voix que j’ai». Des chansons qui n’ont pas vieilli et qui retrouveront peut-être d’ailleurs une nouvelle jeunesse en touchant les plus jeunes spectateurs à travers ce film.


Le cri d’un homme libre

Reproduction réussie d’une époque débridée où tout semblait possible, où la bière coule à flots et où les substances hallucinogènes dessinent de nouvelles réalités, le film retrace avec justesse les moments forts de la carrière d’Offenbach.

De la Messe des morts à l’Oratoire en 1972 au Spectacle d’adieu au Forum en 1985, en passant pas le voyage prolongé en France où Gerry rencontrera Françoise Faraldo, celle qui l’accompagnera jusqu’à la toute fin de sa vie, les événements se bousculent, s’enchaînent, entraînant le spectateur dans la grande spirale rock’n’roll.

Le réalisateur Alain Desrochers a fait le choix de raconter son histoire simplement, sobrement, proposant un Gerry à la fois buté, artiste marginal batailleur, mais également tendre rebelle, séducteur et profondément humain. Un homme libre.

En y réfléchissant bien, ce Gerry d’Alain Desrochers s’offre un peu comme une métaphore du peuple québécois. Toujours en quête de liberté, refusant de subir l’oppression et luttant avec acharnement pour sa survie. Mais bon, «p’t’être ben qu’j’ mélange la vie pis les vues».