Le baptême de Nycole

2011/08/29 | Par Michel Rioux

Pour un été caniculaire qui devait se dérouler comme un long fleuve tranquille, on peut dire que l’action n’a pas manqué.

Les paralumes du tunnel Ville-Marie sont tombés en morceaux, et surtout sur la tête des citoyens qui ne réclamaient pourtant pas autant d’action. Le gouvernement de Jean Charest a annoncé au même moment un investissement de 285 millions $ pour la construction d’une route de gravelle dont l’unique fonction sera de desservir une mine de diamants de la compagnie Stornoway Diamond Corp, qui, pour un investissement de 44 millions $, compte tirer 5,4 milliards $ de revenus de cette exploitation.

Le même Jean Charest, répliquant aux critiques selon lesquelles le Québec ne touchait pas les redevances qu’il devrait de l’exploitation minière, se pétait les bretelles en se félicitant de ce que les finances du Québec ne soient pas à la merci de ce genre de revenus, comme c’est le cas en Alberta…

En Espagne, un berger allemand avec autant de charisme qu’un poteau de barbier a attiré 1 500 000 de jeunes. Jack le prestidigitateur, avant de perdre sa dernière bataille, avait promis de régler – à Ottawa – les problèmes en éducation et en santé, qui ne sont pourtant pas de compétence fédérale. Il nous a par contre laissé en héritage une progéniture hétéroclite dont la qualité laisse plutôt à désirer. À commencer par cette députée de Verchères, Sana Hassainia, qui se plaignait récemment dans un journal local de n’être pas assez payée pour la job.

Et voilà que les souverainistes, à l’instar des M-L de la belle époque, tentent aujourd’hui de se convaincre qu’à 22 chapelles, ils finiront par construire une cathédrale.

Le hasard a voulu qu’à la même période soit diffusé un documentaire consacré au référendum de 1995 et du rôle qu’y a tenu Jacques Parizeau. On y a appris de belles choses. En particulier, de la bouche même de Benoît Corbeil, ci-devant directeur général du Parti libéral du Canada et vedette du scandale des commandites, que Parizeau avait eu raison de s’en prendre « à l’argent et à des votes ethniques » pour en expliquer le résultat.

Pendant plusieurs mois, le fédéral avait mis sur pied une usine à prêter serment pour fabriquer des Canadiens à la chaîne : 40 000 nouveaux électeurs ont ainsi acquis le droit de voter. Et après enquête, on a estimé à quelque 50 000 le nombre de personnes ayant voté sans présenter de carte d’identité. Au bout du compte, si 27 144 électeurs avaient changé de camp, le OUI l’aurait emporté. C’était néanmoins rafraîchissant d’entendre l’inénarrable Alain Dubuc, égal à lui-même, qualifier d’abominables les propos de Parizeau.

Or, pendant que tous ces événements se bousculaient dans le désordre, Nycole Turmel subissait son baptême du feu fédéral et apprenait à la dure ce qu’il en coûte d’être taxé de séparatiste dans le ROC.

Sous les coups de boutoir des médias, celle qui avait pris le relais de Layton dut brûler ce qu’elle avait adoré et adorer ce qu’elle avait brûlé. Détentrice d’une carte de membre du Bloc québécois et de Québec solidaire, sous les feux nourris des médias anglophones, elle a dû jurer, deux fois plutôt qu’une et les yeux tournés vers les Rocheuses, qu’elle n’avait jamais épousé la cause souverainiste et qu’elle avait toujours été une fédéraliste fervente.

C’est le jour de Noël, dans la cathédrale de Reims, en 496, que Clovis fut baptisé par l’évêque Rémy. Ce qui lui valut de régner encore plusieurs années sur un empire agrandi. On a ici une bonne pensée pour ce brave apôtre Pierre, reniant son maître sur le Golgotha. Et aussi pour Henri IV. Si en effet Paris valait bien une messe, Ottawa ne vaudrait-il pas une toute petite profession de foi fédéraliste, histoire de satisfaire l’hystérie canadienne, s’est sans doute dit Nycole Turmel ?

Dans les années 1950 aux États-Unis, le maccarthysme faisait la chasse aux communistes. Dans le ROC, on a inventé une nouvelle version du Serment du Test en demandant aux députés du Québec comment ils avaient voté lors des élections et des référendums précédents. C’est la règle ABS qui prévaut : Anibody but Separatist. Michel Robert, juge en chef du Québec et ex-président du Parti libéral du Canada, l’avait proclamé en 2005 : un séparatiste ne peut pas être nommé juge.

Il s’en trouve encore à ne pas se demander ce que l’on fait dans cette galère…


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