Le Plan Nord, l’Arctique et la question nationale autochtone

2011/09/13 | Par Pierre Dubuc

Le Grand Nord et l’Arctique sont des régions de plus en plus importantes pour les gouvernements, tant à Québec qu’à Ottawa. À Québec, le gouvernement Charest fait de son Plan Nord la clef du développement économique futur du Québec. À Ottawa, le gouvernement Harper multiplie les voyages et les initiatives, particulièrement militaires, pour assurer la souveraineté canadienne sur l’Arctique.

L’importance nouvelle du Grand Nord et de l’Arctique est une conséquence de la fonte des glaciers qui rend possible l’exploitation de minerais et des hydrocarbures. Jusqu'à 20% des réserves mondiales de gaz et de pétrole non encore mises au jour seraient enfouies dans le sol de l’Arctique. Le réchauffement de l’Arctique ouvre également, au commerce international le passage du Nord-ouest reliant l’Atlantique au Pacifique. On calcule qu’un trajet de Tokyo à Londres serait écourté de 14 jours par rapport au canal de Suez et à celui de Panama pour des économies en carburant d’un tiers. Le Plan Nord du gouvernement Charest prévoit un port en eau profonde sur la Baie d’Hudson et le transport du minerai vers l’Asie par le passage du Nord-ouest.

Le Canada veut affirmer sa souveraineté sur l’Arctique – une région qui représente 40% de son territoire et sur lequel vivent 110 000 personnes – et plus particulièrement sur le passage du Nord-ouest, alors que les États-Unis, l’Europe et les pays asiatiques considèrent qu’il s’agit d’un détroit international reliant deux océans.

Les États-Unis ne peuvent accepter la position du Canada parce que cela pourrait créer un précédent pour le détroit de Malacca en Asie du Sud-Est ou le détroit d’Hormuz dans le golfe Persique, mais ils comprennent que le Canada ne peut renoncer à ses prétentions et est tenu, sur le plan juridique, de voir à ce que les eaux en question soient utilisées en toute sécurité. Les deux pays ont donc convenu de s’entendre pour ne pas être d’accord.

Cela n’a pas empêché le gouvernement canadien d’annoncer en 2010 l'acquisition d'une flotte de six à huit navires de patrouille extracôtiers au coût de 9 milliards $, auquel s’ajoute les 720 millions $ du futur brise-glace John G. Diefenbaker et des bases militaires pour assurer le ravitaillement de ces navires. En parallèle, le Canada prévoit porter de 900 à 5 000 hommes son effectif de rangers, placés sous la responsabilité de la Force opérationnelle inter-armée nord, et les doter de matériel et d'équipement dernier cri, dont des motoneiges furtives.

Journalistes et experts s’interrogent sur la pertinence de ces dépenses, en constatant que la souveraineté canadienne n’est pas menacée par des pays étrangers. En fait, des observateurs plus aguerris savent que la menace existe et qu’elle provient de l’intérieur. Les Inuits du Nunavut et du Nunavik suivent avec énormément d’intérêt l’évolution vers l’indépendance complète, prévue pour 2021, de leurs frères et sœurs du peuple Inuit du Groenland.

Lors d’un vote consultatif en novembre 2008, 75% des Groenlandais ont voté en faveur de l’indépendance. Le référendum a renforcé leur position dans leur négociation avec le Danemark sur l’autogouvernement. À cet égard, le préambule de la loi du parlement danois sur le Groenland stipule que « les habitants du Groenland sont reconnus comme peuple selon le droit international, avec le droit à l’indépendance s’ils le désirent après la tenue d’un référendum et des négociations avec le Danemark ». Présentement, tous les pouvoirs relèvent du gouvernement groenlandais, sauf la politique étrangère, la sécurité, la Cour suprême et la garde côtière.


Des territoires convoités

Ce n’est pas d’hier que le Grand Nord et l’Arctique suscitent la convoitise. Elle a été l’objet de guerres entre la France et la Grande-Bretagne et de rivalités entre le Canada et les États-Unis. Il est significatif que la signature du traité d’achat de l’Alaska à la Russie par les États-Unis ait eu lieu le jour même où la Reine Victoria apposait sa signature au bas du British North America Act (BNA Act). En 1869, les États-Unis songeaient également à acheter le Groenland et l’Islande dans le but de mettre la main sur les terres arctiques réclamées par le Canada.

C’est sous les gouvernements de Sir Wilfrid Laurier (1896-1911), mais surtout de Pierre-Elliott Trudeau (1968-1984), que le Canada a cherché à assurer sa souveraineté sur l’Arctique, les États-Unis, dans ce dernier cas, ayant profité des deux guerres mondiales et de la Guerre froide pour installer dans l’Arctique leurs stations radio et radars, leurs aéroports.

C’est sous Laurier que le sénateur Pascal Poirier propose l’adoption de la théorie du secteur. Selon cette théorie, pour tout pays possédant une rive sur l’océan Arctique, on trace à partir du point le plus occidental de la côte et du point le plus oriental de celle-ci, deux lignes allant vers le pôle Nord et tout ce qui se trouve dans cette pointe de tarte relève de sa juridiction. Laurier repousse officiellement l’idée, mais, à l’époque, sur plusieurs cartes canadiennes de l’Arctique, les frontières apparaissent définies selon le principe du secteur.

Les États-Unis rejettent alors cette théorie – il n’y a aucune île au nord de l’Alaska – et considèrent le Haut Arctique comme une terra nullius, c’est-à-dire n’appartenant à aucun pays. Par contre, la Russie, de même que la Norvège, adoptèrent la théorie du secteur.


Pétrole et revendications territoriales

En 1968-69, la découverte d’importantes quantités de pétrole en Alaska va changer le cours de l’histoire dans l’Arctique. Pour que ce développement puisse avoir lieu, les États-Unis et le Canada vont devoir régler la question des titres aborigènes, de même que leurs différends sur les frontières marines de la mer de Beaufort et l’utilisation du Passage du Nord-ouest.

La découverte de pétrole à Prudhoe Bay sur la côte arctique de l’Alaska fait saliver les compagnies pétrolières canadiennes qui espèrent faire des découvertes similaires dans la mer de Beaufort et le delta du Mackenzie. 1968, c’est aussi l’arrivée au pouvoir de Pierre-Elliott Trudeau. C’est la fin de la politique bon-ententiste avec les États-Unis et l’émergence d’un nouveau nationalisme canadien, qui va également s’exprimer dans l’Arctique. Finie l’époque où les États-Unis pouvaient considérer les différends avec le Canada sur l’Arctique comme une question domestique pouvant se régler au niveau des fonctionnaires. Le gouvernement Trudeau va en faire des questions politiques.

Le premier défi survient, dès octobre 1968, lorsque la compagnie Humble Oil annonce que son tanker converti en brise-glace, le SS Manhattan, cherchera à franchir le passage du Nord-ouest. Plutôt que d’interdire l’accès à ces eaux, le Canada proclame son droit de contrôler la pollution dans les eaux arctiques, en invoquant sa responsabilité de faire respecter ce fragile environnement et les peuples autochtones qui l’habitent. Le fait que les deux brise-glace américains qui accompagnent le SS Mahattan eurent besoin de l’aide d’un brise-glace canadien et que le SS Manhattan frappa un iceberg, donne de la crédibilité à l’approche canadienne.

En 1970, le gouvernement Trudeau dépose deux projets de lois à la Chambre des communes. Le premier, le Bill c-202, intitulé Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques (LPPEA), crée une zone de 100 milles nautiques sur laquelle le Canada aura autorité pour mettre en application sa réglementation anti-pollution. Le deuxième, le Bill c-203, amende la Loi sur les pêches et les eaux territoriales pour étendre les limites des eaux territoriales de trois à 12 milles.

Le président Nixon réagit immédiatement en annonçant qu’il réduit les quotas d’importation de pétrole canadien et il menace le Canada d’autres mesures de rétorsion si la législation est adoptée. Au même moment, le SS Manhattan entreprend un deuxième voyage à travers le passage du Nord-ouest et, bien que la compagnie Humble Oil ait acquiescé à la liste de stipulations émises par le gouvernement canadien, y compris l’inspection préalable du navire par les autorités canadiennes, le gouvernement américain refuse de reconnaître l’autorité canadienne sur le passage du Nord-ouest. La Chambre des communes réplique par l’adoption unanime des projets de loi et le Sénat canadien les approuve en huit jours.

Mais, avant que le Sénat adopte la loi, les États-Unis proposent la tenue d’une conférence multilatérale sur les eaux de l’Arctique, à partir de leurs priorités. Le Canada est invité à y participer, mais n’est pas consulté sur la liste des pays invités, ni sur l’ordre du jour. Ottawa mène un lobby très actif contre le projet et trouve suffisamment d’alliés pour le faire avorter.

D’autre part, le voyage du Manhattan se déroule sans incident. Un observateur canadien est à bord du navire et celui-ci est accompagné par le brise-glace John A. Macdonald, dont le capitaine avait le mandat de mettre fin au voyage si la situation le commandait. Le Canada gagne une bataille, mais le litige est maintenant sur le terrain politique.


La théorie du secteur

C’est ici que s’inscrit un événement particulièrement significatif révélé dans une biographie de Jacques Parizeau publié en 1992 par Laurence Richard. Nous en citons un large extrait.

 Parizeau, les Américains et la théorie du secteur

Un jour de 1971, Jacques Parizeau reçoit un coup de téléphone d’un ami installé aux Etats-Unis.

« Pourrais-tu prendre l’avion pour Chicago cet après-midi?, lui demande cet ami.

J’ai autre chose à faire. Pourquoi veux-tu que je fasse ça?, répond Parizeau.

Je t’assure que c’est très important. Je ne te ferais pas faire ce déplacement pour rien. Je ne peux pas te donner de détails. Crois-moi. C’est important que tu y ailles. »

Jacques Parizeau prend donc l’avion à destination de Chicago. À la sortie de l’aéroport, un chauffeur, l’ayant identifié au moyen d’une photo, l’entraîne vers la sortie : « La voiture vous attend. »

L’auto démarre et file à toute allure, traversant toute la ville de Chicago, et poursuivant sa course jusqu’à Racine, ville de taille moyenne situé sur les bords du lac Michigan, dans le Wisconsin. Elle s’engage finalement dans l’entrée d’une immense propriété, qui, Parizeau l’apprendra par la suite, appartient aux propriétaires de la société Johnson and Johnson, et qu’on utilise pour des séminaires et des réunions.

Une fois à l’intérieur du superbe manoir, Parizeau est accueilli par un personnage qui lui dit tout bonnement : « Le général vous attend. »

Il entre dans une pièce où sont déjà installés une quarantaine de personnes qui représentent entre autres l’ambassade canadienne de Washington, le State Department américain, le Pentagone et l’armée américaine et le ministère des Affaires extérieures d’Ottawa.

Le général en question est rattaché à la DIA (Defense Intelligence Agency, équivalent militaire de la CIA). Tout le monde est installé pour dîner, et on installe l’hôte québécoise en face du général. Après le repas, on passe aux choses sérieuses. Et Jacques Parizeau est manifestement celui à qui vont s’adresser les questions de « grand intérêt ». La première va droit au but : « Que pensez-vous de la théorie des secteurs? »

Fort heureusement, quelques mois plus tôt, Jacques-Yvan Morin a fait un exposé à son collègue sur des questions de cette nature. Selon la théorie des secteurs, pour tout pays possédant une rive sur l’océan Arctique, on trace à partir du point le plus occidental de la côte et du point le plus oriental de celle-ci, deux lignes allant vers le pôle Nord et tout ce qui se trouve dans cette pointe de tarte tombe sous sa juridiction. Le Canada, l’URSS et la Norvège sont d’accord avec cette théorie. Par contre, les Etats-Unis, qui possèdent l’Alaska, sont partisans de la liberté de circuler. Mais pour que cette théorie des secteurs trouve une application pratique, il est essentiel que tous les pays riverains soient d’accord. Tant qu’il reste des récalcitrants, ça ne peut pas marcher.

La question suivant était prévisible : « Si le Québec devient souverain, est-ce qu’il sera pour la théorie des secteurs? »

La question de la théorie des secteurs a d’autant plus d’importance pour les Américains que, dans cette pointe de tarte qui serait définie à partir du point le plus occidental et le point le plus oriental de côte du Québec sur les régions arctiques, se situe la majeure partie de la Terre de Baffin sur laquelle on trouve à ce moment-là la deuxième plus grosse base aérienne des Etats-Unis après Thulé, au Groenland. « Ces braves Américains, dit Parizeau, se demandaient ce qui arriverait à leur base. »

À ce moment-là, Parizeau a compris que la montée du souverainisme, au Québec, commençait à être prise au sérieux. Quant aux Canadiens, ils étaient furieux de toute cette mise en scène, justement parce que ça constituait une reconnaissance de l’idée de la souveraineté. « Les Canadiens étaient très mécontents que les Américains m’aient invité à discuter avec eux. »

Jacques Parizeau et ses hôtes ont exploré ce soir-là nombre d’aspects importants de l’accession du Québec à la souveraineté.

Il a été par exemple question de la participation du Québec à Norad et à l’Otan : « Moi, dit-il, j’ai toujours pensé que ça allait de soi qu’un Québec souverain fasse partie de Norad et de l’Otan. On ne peut pas, d’autre part, demander le parapluie de la défense des Etats-Unis, et d’autre part se déclarer neutre. »

(extrait de Laurence Richard, Jacques Parizeau, un bâtisseur, Éditions de l’Homme, 1992)

De toute évidence, les États-Unis ont montré au gouvernement Trudeau qu’ils étaient prêts, pour contrer les prétentions canadiennes sur l’Arctique, à apporter leur soutien à l’idée de l’indépendance du Québec, si ses promoteurs ne reconnaissaient pas la théorie du secteur.

En 1995, Jacques Parizeau réalise que la situation pouvait s’inverser lorsque les Cris mènent campagne à New York et à travers le monde contre le projet hydro-électrique de Grande Baleine. À la veille du référendum de 1995, il annonce l’abandon du projet.


Vers l’autodétermination

En 1976, les tribunaux américains reconnaissent aux Autochtones de l’Alaska une forme d’autogouvernement après que six villages de la côte, comprenant 6 000 personnes, se soient regroupés, suite à la tenue d’un référendum. Immédiatement, la nouvelle entité lève une taxe sur chaque baril de pétrole produit. L’argent est utilisée pour améliorer les conditions de vie de ses habitants, mais également pour financer la première réunion de la conférence Inuit circumpolaire (Inuit Circumpolar Council – ICC), tenue à North Slope en Alaska en 1977.

En 1983, lors de la troisième Assemblée générale de l’ICC, l’ONU reconnaît l’organisme comme ONG et, plus tard, l’ICC jouera un rôle clef dans la rédaction de la Déclaration universelle des droits des peuples autochtones. L’ICC fait la promotion du droit à l’autodétermination comme moyen de protéger l’environnement.

En 1979, les Groenlandais obtiennent, suite à un référendum, le Home Rule, un statut d’autogouvernement. À l’époque, c’est la forme la plus avancée d’autogouvernement accordée à une population à prédominance autochtone.

Au Canada, les Autochtones s’appuient sur la reconnaissance que leur accorde la Constitution de 1982 de Pierre-Elliott Trudeau pour revendiquer ce qui deviendra le Nunavut. L’article 35 de l’Acte constitutionnel confirme la reconnaissance des droits aborigènes, ce qui permet aux Inuits de négocier plutôt que d’avoir recours aux tribunaux. Un accord de principe est signé en 1990 et finalisé deux ans plus tard après la tenue d’un référendum où la population approuve à 85% le découpage des frontières. Le 1er avril 1999, le Parlement canadien adopte la Loi sur le Nunavut. En 2008, lors de la signature d’un protocole sur la dévolution des pouvoirs, il est évident qu’on se dirige vers le statut de province.

En 1997, les Inuits du Québec reprennent les négociations pour la création du Nunavik sur un territoire anciennement connu sous le nom de Nouveau-Québec et qui couvre une superficie d’environ 507 000 km carrés, soit un tiers du territoire du Québec. Le centre administratif pour la population d’environ 11 000 personnes du Nunavik est Kuujjuaq. La région est gérée par l’Administration régionale Kativik (ARK), créée par la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Une entente est signée le 1er décembre 2006 le 1er décembre 2006 pour créer le Nunavik Inuit Settlement Area, qui inclut 80% de propriété des îles et des eaux au large du Québec, avec des royalties annuelles payées par le gouvernement fédéral sur l’exploitation des ressources naturelles. Le 5 décembre 2007, une nouvelle entente de principe intervient et semble, à l’époque, constituer un pas supplémentaire vers la formation d’un gouvernement du Nunavik. Un gouvernement élu, non ethnique, sous la juridiction de la province de Québec, est prévu. Mais les Inuits rejetteront cette proposition, lors d’un référendum, le 27 avril 2011, parce que, semble-t-il, ils désirent un gouvernement ethnique et échapper à la juridiction du Québec.


Des enjeux fondamentaux pour les indépendantistes

Au cours des prochaines années, la fonte des glaces va rendre l’exploitation des ressources naturelles possibles dans le Grand Nord et dans l’Arctique. Cela a d’importantes implications pour le Canada. Par exemple, la London Mining Compagny espère bientôt extraire du fer d’une mine au Groenland et l’acheminer vers la Chine par le passage du Nord-ouest. Le Groenland, qui partage déjà avec le Danemark, les revenus de l’exploitation de ses ressources naturelles, y voit l’occasion de mettre fin à sa dépendance financière à l’égard du Danemark et d’accéder à l’indépendance politique. Le gouvernement Charest veut également expédier par le passage du Nord-ouest le minerai extrait dans le Grand Nord et son Plan Nord prévoit la construction d’un port en eaux profondes sur les rives de la Baie d’Hudson.

Le Nunavut et les autres gouvernements régionaux au Canada ne manqueront pas de faire pression sur Ottawa pour un meilleur partage des revenus tirés des ressources naturelles.

L’Arctique risque d’être un des endroits chauds du globe, au plan politique, au cours du XXIe siècle. Ainsi, si Ottawa a promu l’idée du Nunavut comme moyen pour faire reconnaître la souveraineté du Canada dans l’Arctique, les Inuits y voient plutôt une étape vers l’accession à leur propre souveraineté.

Le Québec est actuellement la principale province arctique du Canada, comme un simple coup d’œil sur une carte permet de le constater. Le Nunavik recouvre un tiers du territoire du Québec. Mais, en vertu de la Constitution canadienne, le territoire du Québec s’arrête au rivage, ce qui conduit à la situation absurde où des îles situées à quelques centaines de mètres et fréquentées depuis des temps immémoriaux par les Inuit du Nunavik québécois ne font pas partie du Québec. Cependant, ces Inuit détiennent, sur les eaux et les îles qui bordent le Québec, des droits qui leur ont été reconnus par le gouvernement fédéral.

Les Inuit du Nunavik québécois entretiennent des liens étroits avec leurs frères et sœurs du Nunavut canadien et du Groënland danois. Dans des articles parus dans l’aut’journal, l’avocat André Binette, qui a co-présidé la Commission d’étude sur l’autonomie gouvernementale du Nunavik (1999-2001), a bien décrit la démarche, qui semble inéluctable, du Groenland vers l’indépendance politique et, surtout, de l’effet d’entraînement possible sur les Inuits du Nunavut et du Nunavik. Un phénomène dont est parfaitement conscient le gouvernement canadien et qui explique sans doute mieux, qu’une menace étrangère, le déploiement des forces militaires dans l’Arctique par le gouvernement Harper.

André Binette écrivait : « De plus, lors des assemblées générales que j’ai coprésidées dans la douzaine de villages du Nunavik québécois et lors de mes conversations avec des dirigeants politiques de cette région, il est vite devenu évident que pour de nombreux Inuits du Québec, le rêve de la patrie unique composée du Groenland, du Nunavut et du Nunavik était bien réel, et que l’indépendance du Groenland, la création du Nunavut en 1999 et la mise en place d’un futur gouvernement autonome au Nunavik étaient perçues comme des étapes majeures dans cette direction. »

S’ajoute à cela le fait que les États-Unis ne reconnaissent pas la souveraineté canadienne sur les eaux de l’Arctique et que rien ne les empêcherait de soutenir les revendications des Inuits, tout comme ils ont flirté en 1971 avec les souverainistes québécois pour contrer les politiques nordiques de Pierre-Elliott Trudeau, comme en témoigne le voyage de Jacques Parizeau à Chicago.

La situation pourrait devenir extrêmement complexe et les indépendantistes québécois devront bien y réfléchir avant de prendre position sur les revendications des Inuits. Est-ce qu’ils feront cause commune avec le gouvernement fédéral pour s’y opposer et défendre l’unité canadienne ou bien feront-ils alliance avec les Inuits contre le fédéral, liant leur combat pour la souveraineté du Québec à celui des Inuits, dans le cadre de ce qui pourrait être une souveraineté-association? Le débat est ouvert.

(La plupart des informations de cet article sont tirées de l’ouvrage de Mme Shelagh D. Grant, Polar Imperative, A History of Arctic Souvereignty in North America. Douglas & McIntyre. 2010.)

Bookmark