Philippe Falardeau et sa mauvaise langue

2011/09/15 | Par Ginette Leroux

À propos d’une déclaration de Philippe Falardeau, dans une entrevue accordée à Odile Tremblay du Devoir le 14 septembre pour son film « Monsieur Lazhar »

Alors qu’il se voit flatter que treize pays, dont la France, se disent intéressés à acheter son film, celui qui affirme que la désinvolture de ses débuts a fait place à l’expérience, devrait se tourner la langue sept fois dans la bouche avant de dire : « La France possède un rapport naturel avec l’Algérie et mon film parle beaucoup de l’amour de la langue française, ironiquement mieux parlée par un Algérien dont c’est la langue seconde QUE PAR BIEN DES QUÉBÉCOIS. »

Est-il nécessaire pour séduire ses clients français de cracher sur la langue parlée au Québec?

Ce malheureux sait-il ce que veut dire enseigner dans une classe montréalaise multiethnique où les Québécois, francophones de souche, sont en nette minorité? Je le sais, moi! Enseignante à l’éducation des adultes, combien de fois ai-je été confrontée à des élèves adultes venus d’ailleurs, d’anciennes colonies françaises, où Maghrébins et Africains s’inquiétaient du niveau de français parlé au Québec. « Ce n’est pas du français, ça, madame », s’indignaient-ils. Sans compter qu’il y avait toujours un Québécois francophone « pure laine » qui renchérissait par un « Oui, c’est vrai, y’a raison, on parle mal au Québec. »

Pendant 28 ans, comme enseignante, j’ai défendu ma langue, bec et ongles, dans ma classe; comme citoyenne, dans les magasins, sur la rue. Je l’ai enseignée, expliquée, quelquefois imposée aux détracteurs qui ne voyaient pas pourquoi nous tenions tant à nos racines françaises. Ce colonisé de Philippe Falardeau peut-il imaginer l’impact qu’ont des propos comme les siens sur l’opinion des adultes immigrés qui n’attendent que ça pour corroborer leur crainte sur la situation linguistique québécoise?

Qu’est-ce qu’un enseignant peut opposer à ces paroles qui remettent en question ce qu’il est, ses origines et sa culture?

Je réponds, monsieur, que le français parlé au Québec n’a rien à envier à celui de la France. Un Péruvien doit-il parler l’espagnol d’Espagne pour éviter de choquer les ressortissants chinois nouvellement accueillis au Pérou? En d’autres mots, faut-il, à tout prix, parler la langue des autres pour être appréciés? Le français que nous parlons affirme notre réalité, notre vision du monde, de nos origines à ce qu’on est aujourd’hui. Moi, je suis fière du français que je parle, monsieur Falardeau! Ne vous en déplaise!

Allez, distribuez votre film comme il vous semble, on vous suit. Mais, cessez de distribuer votre mépris. Viendrait-il à un Américain l’idée de dire qu’un Africain, issu d’une colonie anglaise, parle mieux l’anglais que lui?


Réfléchissez!

Cliquez ici pour lire la réplique de Philippe Falardeau.

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