Guérilla de PKP contre Radio-Canada

2011/09/21 | Par Claude G. Charron

Détrompez-vous braves et naïves personnes qui croyez encore que la hache de guerre a été enterrée entre Quebecor et Radio-Canada depuis qu’a été réglé à l’amiable la poursuite en diffamation intentée contre Sylvain Lafrance par un PKP offusqué d’avoir été traité de voyou par ledit Lafrance alors qu’il était vice-président de notre digne société d’État.

Non, la guerre n’est pas finie, car elle se poursuit sur un autre terrain, celui de l’opinion publique, Pierre-Karl Péladeau utilisant entre autres les sondages comme arme ultime. Objectif final : manipuler suffisamment l’opinion publique pour que celle-ci devienne favorable à la transformation de CBC/Radio-Canada en une sorte de faiblard PBS.

La hache a été déterrée le 6 septembre dernier et l’est restée les deux jours suivants alors que les journaux et la télé de Quebecor ainsi que ceux de Sun Media firent paraître les résultats d’un sondage qui démontrait qu’une majorité de contribuables considéraient, primo, que CBC/Radio-Canada manquait de transparence; secundo, que cette société d’État n’avait plus sa raison d’être.

Au premier abord, il semble que ce soit surtout Sun Media qui a fait le plus de bruit à propos d’une « enquête » ayant été de toutes pièces conçue pour d’abord influencer l’opinion publique du Canada anglais.

C’est ainsi que c’est à Kristy Kirkup, correspondante au Ottawa Sun, qu’on a donné la tâche de commenter les résultats d’un sondage d’abord fait en ligne par la firme Abacus Data. Dont les questions n’étaient posées qu’en anglais!

Questions posées uniquement en anglais au Québec! Ce qui n’empêche pas que, dans le premier des trois articles de Kristy Kirkup traduits en français, la journaliste ose prétendre que, sur les 1003 personnes interrogées du 12 au 15 août, plus du quart (263) étaient du Québec, et que, malgré le handicap de la langue, la marge d’erreur de l’échantillon n’était que de 3,1%, 19 fois sur 20.

Qui peut vraiment croire à la validité d’un tel sondage? D’un sondage qui démarre avec une question bien alambiquée :

« Radio-Canada conteste actuellement devant les tribunaux une décision du Commissariat à l’Information qui lui ordonne de rendre publics des documents contenant des détails de sa gestion financière. Selon vous, Radio-Canada devrait-elle dépenser de l’argent dans une telle bataille juridique? »

Le prétexte de « l’enquête » étant d’accabler CBC/Radio-Canada de tous les péchés du monde, ce qui importe pour Kirkup de signaler, c’est que 64% des sondés ont répondu que Radio-Canada n’avait pas le droit de dépenser des sous pour se défendre en cour. Faisons ici l’économie d’une ventilation entre les répondants qui désirent que Radio-Canada protège ses sources journalistiques et ceux qui n’y tiennent pas. Venons en plutôt au strip-tease qui, le lendemain, s’est continué dans l’ensemble des quotidiens de Quebecor et Sun Media.

Première question en ce 7 septembre : « Combien pensez-vous que le gouvernement canadien a versé à CBC/Radio-Canada l’année dernière? » L’éventail des réponses allant de 14% des sondés qui disent que Radio-Canada ne reçoit rien, jusqu’à 5% pour ceux qui pensent que le gouvernement lui octroie 2,5 milliards par année. Seulement 17% répondent correctement, à savoir que CBC/Radio-Canada reçoit 1,1 milliard par année.

Les sondeurs ont révélé à chacun des sondés le montant exact de la subvention avant d’en arriver à la question qui tue : « Croyez-vous que ce financement est trop élevé, approprié ou insuffisant? »

Kirkup affirme que « la plupart étaient loin d’imaginer qu’il s’élevait à 1,1 milliard par année. » La journaliste aurait dû avoir le souci de souligner que, compte tenu que le Canada compte 34 millions d’habitants, cela ne donne que trente-trois dollars per capita, mais il faut savoir que ce type de sondage ne semble aucunement vouloir jouer dans les platebandes de la nuance. Impressionnés par ce gros milliard, 60% des répondants ont donc répondu que Radio-Canada recevait beaucoup trop d’argent du gouvernement canadien. Opération-manipulation réussie!

Le lendemain : dévoilement intégral avec objectif précis de faire mal. Titre de l’article de Kirkup : « Les Canadiens veulent des coupures». La journaliste du Ottawa Sun nous annonce que les sondés ont répondu à 53% pour que « le gouvernement coupe le financement de Radio-Canada pour permettre ensuite à la société d’opérer à titre d’organisme à but non-lucratif tirant ses revenus de la publicité et de la contribution des auditeurs». Que 61 % seraient favorables à la vente ou la privatisation de la société, alors que 73% sont contre toute hausse de son financement.

La veille, Kristy Kirkup nous avait appris que David Coletto, diplômé de l’Université de Calgary et très proche de Tom Flanagan, grand conseiller de Stephen Harper, a été «responsable de l’équipe de stratèges et de consultants chez Abacus ». Un Coletto qui, en « bon analyste » a alors signalé que  « les partisans libéraux sont plus susceptibles de croire que le financement est suffisant ou insuffisant alors que les partisans conservateurs pensent avec une majorité écrasante, soit 79% que c’est trop d’argent. »

Le sondage ne nous révélant pas quelle proportion de sondés québécois ont souhaité transformer Radio-Canada en un faiblard PBS, on peut pourtant croire qu’à partir de la vague orange qui a frappé le Québec le 2 mai dernier, ferait partie de la société distincte, une forte proportion des 31%  de ces « libéraux», qui trouvent que le gouvernement accorde un montant suffisant. Ou des 9% le trouvant insuffisant.

Mais à quoi bon dévoiler les résultats précis des réponses de ces Québécois et Québécoises à propos de ce qu’elles et qu’ils pensent, Coletto et Flanagan savent trop bien que l’on a plus besoin de leurs votes pour former un gouvernement majoritaire.

Et qu’on peut maintenant mettre le cadenas sur Radio-Canada sans se soucier de l’humeur collective de cette toujours insatisfaite province. De toute façon, PKP trouvera toujours une ou deux de ses chroniqueurs pour faire l’éloge de la privatisation des ondes. Et pour commenter les résultats de ce sondage, qui de mieux que la très nationaliste Sophie Durocher pour le faire? Dans son texte du 7 septembre, Kirkup invite ses lecteurs à aller lire en page 58 la chronique de celle-ci.

On comprend que Durocher ait été dans ses petits souliers. Quand on bosse pour PKP, il est un peu délicat de remettre en cause l’échantillonnage d’un tel sondage, même si ce ne fut que dans la langue de Shakespeare qu’on a sondé «les Canadiennes et Canadiens». La pauvre! Elle ne pouvait quand même pas oser dire que ce sondage avait comme objectif caché de légitimer le gouvernement Harper à couper les vivres à Radio-Canada. L’ex-animatrice du Choix de Sophie sait pourtant très bien que c’est au Québec que serait le plus catastrophique la complète disparition de Radio-Canada.

En lieu et place, la chroniqueuse a blâmé la Société pour son manque de transparence en ne révélant pas comment a coûté la couverture de la visite royale de William et de Kate au Canada. Cherchez l’erreur.

Quant à parler de transparence, Sophie aurait peut-être pu placer un mot sur l’entente secrète liant Radio-Can et La Presse. Patate chaude que ce sujet au royaume de la convergence. Et puis, Pierre-Karl ne sait que trop le but caché d’une telle entente. Vaut mieux que les chroniqueurs n’en discourent point. Stephen a été si gentil de permettre à PKP d’avoir enfin son petit joujou. Son petit FOX canadien.


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