Québec solidaire : l'eldorado souverainiste ?

2011/09/21 | Par Laurence Belcourt

L’auteur est étudiant en science politique à l'UQAM et simple membre du Parti Québécois.

Alors que les rangs indépendantistes se dispersent, beaucoup de péquistes sont tentés de rejoindre Québec Solidaire. Souvent, ils le font avec un certain enthousiasme, exaspérés de la fausse social-démocratie du Parti Québécois. Cette envie de quitter le navire est encore plus forte parce que la « gouvernance souverainiste » du PQ ne prévoit pas d'échéance pour l'indépendance. Force est d'admettre que plusieurs éléments incitent à la sympathie envers cette formation, notamment le bon travail de leur député Amir Khadir. Malgré tout, je crois que les indépendantistes ne doivent pas accorder leur confiance à QS.



Un parti d'indépendantistes?

Certains éléments ont de quoi ébranler la confiance des souverainistes. À la fondation du parti, la déclaration de principe de QS établissait que la formation serait : « écologiste, de gauche, démocrate, féministe, altermondialiste, d'un Québec pluriel, pacifiste et souverainiste »1. Le fait que la souveraineté soit en dernière place de leur priorité est un indicateur de l'attachement de la base militante de QS à cette cause, d'autant plus que l'idée de souveraineté nationale ne nie aucun des éléments précédents !

Ensuite, la proximité de QS et du Nouveau Parti-Démocratique est troublante. Elle se constate dans la présence, parmi les militants et candidats néo-démocrates, de nombreux militants de Québec Solidaire. Nycole Turmel et Alexandre Boulerice sont du lot. Encore plus effrayant, Amir Khadir a voté pour une candidate inconnue du NPD alors que le candidat du Bloc dans sa circonscription était Gilles Duceppe. Pour se justifier, M. Khadir parle du rejet d'une forme d'orthodoxie et du choix d'une « autre approche », affirmant que le Bloc a échoué dans son rôle.

Il masque ainsi la réalité avec son optimisme grossier : les Québécois ont toujours voté pour des partis fédéralistes à Ottawa avant l'arrivée du Bloc. Loin d'être un changement, il s'agit d'un retour en arrière. Beau progressisme.

Aussi, en préférant une inconnue provincialiste à un politicien droit, intègre et loyal envers le Québec comme Gilles Duceppe, M.Khadir doit amener les indépendantistes à réfléchir à la portée de ce geste : peut-on accorder notre confiance à quelqu'un qui se dit indépendantiste, mais qui vote pour un parti fédéraliste ? Des centralisateurs pathologiques, en plus ! Ces éléments renforcent la thèse selon laquelle, chez QS, l'indépendance nationale n'est qu'une cause ludique de moindre importance.



Les Assemblées constituantes

QS propose de tenir des assemblées dont le mandat sera de « consulter la population du Québec sur son avenir politique et constitutionnel de même que sur les valeurs et les institutions politiques qui y sont associées ». Les résultats de cette discussion seront soumis à la population par voie référendaire.

Les indépendantistes critiques de la « gouvernance souverainiste » ne doivent pas se faire d'illusion : QS ne propose pas l'indépendance. In concreto, sa proposition est de tenir des assemblées traitant de la place du Québec dans le cadre fédéral, où ils prôneront d'en sortir.

En effet, la formulation vague choisie par le parti dénote une volonté de laisser toute la place pour que la discussion porte sur autre chose que l'élaboration des institutions d'un Québec indépendant.

Par ces subterfuges, QS atteint deux objectifs : d'un côté, il appâte les péquistes en se disant souverainiste, de l'autre, il stabilise sa base militante en assurant à leurs membres provincialistes qu'en militant pour QS, ils ne militent pas concrètement pour l'indépendance. C'est leur « nouvelle manière de faire de la politique » : un double jeu qui pourrait leur rapporter gros sur le plan électoral.

En plus, la proposition d'assemblées constituantes repose sur l'idée qu'elles résoudront un conflit que 50 ans de vie politique n'ont pas apaisé: la place du Québec dans le Canada. Elle sous-entend aussi l'idée que le débat sur la question nationale n'est pas résolu à cause d'un vice dans le cadre de la discussion. Il semble présomptueux de croire que des assemblées aboutiront nécessairement à un consensus stable dans la société, alors que les forces en présence s'affrontent depuis des décennies.

Pire encore, ces assemblées représentent un attrape-nigaud stratégique. Admettons que les souverainistes se rallient à QS. Alors, nous devrons vaincre les provincialistes trois fois avant de déclarer l'indépendance : aux élections, dans les assemblées et au référendum. Sachant comment le camp fédéraliste a triché et mené des campagnes de peur malhonnêtes afin de décourager les québécois de prendre leur destinée en main, pourquoi lui donnerions-nous la chance de nous battre en rajoutant une étape pour l'accession à la souveraineté?



Pour des assemblées pertinentes

Mener des assemblées avant de décider de l'indépendance du Québec est contre-productif. Advenant une victoire des provincialistes dans ces discussions, à quoi bon faire un référendum ? De toute façon, en matière constitutionnelle, le Québec ne peut pas imposer sa volonté au reste du Canada, parce qu'il est minoritaire : ce sera un référendum sur le statu quo !

Même si l'indépendance est décidée par les assemblées, nous ne pourrons y établir sainement le régime politique avant de nous assurer, par un référendum, de l'adhésion de la majorité de la population au principe de la souveraineté. Comment les provincialistes pourraient-ils se résigner à participer à des discussions entourant la construction d'un Québec souverain, si nous ne les avons pas d'abord contraints moralement par la démonstration de l'adhésion de la population à notre projet ?

Le trajet qui mène l'indépendance doit commencer par l'élection d'un parti indépendantiste ayant le mandat de faire un référendum. Ce n'est qu'une fois le référendum gagné que nous pourrons instaurer un dialogue national sain, sous forme d'assemblées démocratiques afin de décider des institutions de notre pays. QS met la charrue devant les bœufs.



Un dernier mot : unité

Il serait sage que le Parti Québécois se range derrière l'idée d'un référendum d'initiative populaire. Dès lors, les indépendantistes s'opposant à la gouvernance souverainiste pourraient se rallier au PQ sans renier leurs principes, puisqu'il n'en tiendrait qu'à eux de provoquer le référendum.

Au nom de l'unité, j'appelle les souverainistes à faire acte de contrition : les dirigeants péquistes doivent mettre de l'eau dans leur vin, les députés ayant tenu des propos appelant à la division doivent se rétracter et les démissionnaires de tous les niveaux devront développer l'esprit d'équipe et rentrer dans le rang, même si tout n'est pas à leur goût. Unis, nous pourrons contrer l’hypocrisie de Québec Solidaire.

1« Québec Solidaire naît de la fusion de la gauche », La Presse, 5 février 2006


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