Il est plus prudent d’être contre la tenue d'une enquête publique

2011/09/28 | Par André Bouthillier

Pas besoin d'être très vieux ni de remonter le fil de l'histoire jusqu'à la création de la Confédération canadienne pour comprendre comment ont fonctionné les commissions d'enquête et à quoi elles ont servi au Canada.

Commençons par dire que cela prend beaucoup de courage à ce politicien ou cette politicienne pour oser commander ce genre d'enquête, car c'est l'admission publique qu'un sujet en particulier crée des problèmes ou provoque des effets pervers sur la population. Cela signifie aussi qu'avant le jour de l'annonce, le politicien.ne avoue n'avoir rien fait pour résoudre le problème ou admet être dépassé.e par les événements.

En même temps, une commission d'enquête ne sert qu'aux professionnels de la politique qui veulent protéger la classe politique et s'assurer du maintien des règles électorales en application depuis la confédération, lesquelles nous ont été imposées par les gouverneurs anglais au profit du maintien de l'ordre sur les territoires de sa majesté d'Angleterre. Les politiciens ayant utilisé l'enquête publique ont préféré se couper un bout de queue politique que de voir le système s'effondrer au profit des citoyens.nes.

Ceci étant établi, trouvons maintenant des réponses aux questions ci-dessous:




Sujets abordés
Qui donne le mandat aux commissaires ?
La réputation des individus
Les délateurs
Les ententes hors commission
La protection des alerteurs
L'application des solutions
La vraie solution s'attaque au vrai problème

Qui donne le mandat aux commissaires

Celui qui donne le mandat à une Commission d'enquête est le premier ministre du Québec. Donc Jean Charest composerait un mandat qui verrait à satisfaire le voyeurisme de la population et ne ferait pas trop mal à sa formation politique.

Pour mieux comprendre les astuces politiques, il faut se référer aux récents mandats confiés par des premiers ministres à des commissions d’enquête. Jean Charest a une bonne expertise dans ce domaine, pensons au mandat du BAPE dans le cas du gaz méthanier à Lévis/Lauzon, le projet Rabaska.

Prenons en exemple un cas où Jean Charest n’a pas été impliqué directement. Je vous réfère ici à la Commission Gomery sur les commandites. La majorité des gens impliqués dans le scandale siégeaient toujours au parlement canadien lors des dernières élections et d'autres tentaient encore de se faire réélire, malgré leur manque d'éthique et leur implication dans le scandale du siècle au Canada. On ne peut pas être un.e député.e qui ramasse des fonds pour son parti politique et ne pas savoir comment le tout fonctionne à moins d'être un deux de pique manipulable à souhait. Tout finit par se savoir dans un parti politique. Donc, malgré la Commission Gomery, l'ancien Premier ministre du Canada, Paul Martin, n'a pas vraiment fait le ménage parmi la députation du Parti Libéral du Canada. La preuve en est que Denis Coderre est toujours là, lui qui suppliait les journalistes de ne pas parler de lui, quitte à vendre ses compères pour garder son poste.

Parlons maintenant du Québec. Comment un premier ministre, qui a rendu le copinage, l'inceste financier et la collusion légaux de par ses règles administratives, mandaterait-il des commissaires pour identifier des gens qui ont appliqué légalement ce qu'il a lui-même souhaité pour assouvir ses idéaux conservateurs-libertaires.

Par exemple, depuis le 1er octobre 2008, le seuil obligeant le Ministère du Transport du Québec à lancer un appel d'offres public est passé de 25 000 à 100 000 $. Tous les contrats de moins de 100 000 $ peuvent être accordés de gré à gré ou selon la formule d'appel d'offres sur invitation. Qui devrions-nous punir, puisque la règle a été décidée par un ministre et peut-être même par le cabinet des ministres ? Tout est légal. Il n'y a personne à poursuivre.

C'est comme pour les contributions à un parti politique. Il sera impossible de poursuivre des gens pour des actes passés car il y a des prescriptions dans les lois, c'est-à-dire: il y a une date à partir de laquelle tu ne peux plus poursuivre. En plus ce serait couvert par l'ancienne loi, donc il se peut même que le geste soit légal ou, comme dans le cas de la firme d'ingénierie-conseil Axor, ayant plaidé coupable d'avoir fourni à des caisses électorales grâce à des prête-noms et payé l'amende, la loi ne permet plus de revenir sur le cas.

Quant aux cas de non-respect des contrats reliés à la qualité des travaux, des poutres de tunnels ont tué des personnes sans que les membres des conseils d'administration ou des propriétaires d'entreprises coupables soient importunés. Je pense ici à la Commission Johnson et au viaduc de la Concorde à Laval.  Tout est question de contrats et de lois. Lorsque tout se passe dans le laxisme, cahier de charge, inspection des travaux et manque de budget d'entretien, il n'y a rien à faire sur le plan judiciaire.

Pour qu'une commission d'enquête soit efficace, il faudrait qu'elle ait un mandat qui lui permette de fouiller dans les comptes de banques des individus et des entreprises, de faire les recoupements financiers...mais même là, si les gestes manquaient d'éthique mais étaient légaux, à quoi bon dépenser des millions et des millions pour entretenir un cirque médiatique?

D'ailleurs j'aimerais voir la physionomie de Pauline Marois, Gérard Deltell et les autres qui demandent une enquête publique, lorsque Jean Charest dira oui, avec un mandat qu'il aura concocté comme celui qu'il a donné au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) dans le cas du gaz de schiste, ou au mandat de la Commission Bastarache, ou au mandat sur Rabaska et le gaz méthanier!


La réputation des individus

Toute personne ayant à témoigner publiquement sera beurrée même si elle n'a rien à se reprocher. Il faut se souvenir comment les éditorialistes des journaux ont traité Marc Bellemare durant la Commission Bastarache. Ce n'était quand même pas lui qui posait des post-it jaunes pour identifier les candidats libéraux à des postes de la magistrature!
 
 Pour que la réputation d'une personne ne soit pas ternie, il faudrait que seuls ceux et celles pour qui la police a un dossier présentable en cour judiciaire soient appelés.es à témoigner. Car n'oublions pas que le fait d'avoir imbriqué des ingénieurs privés et publics dans des comités conjoints pour faire de la planification de contrats et de l'ordonnancement de travaux, le tout dans un cadre d'une vision politique de privatisation des services publics, de déréglementation et de sous-traitance, c'est sûrement malavisé mais pas illégal. C'est toute cette pratique et cette vision politique qui ont mené le secteur privé de l'économie à fouiller directement dans le plat de bonbons.


Les délateurs et témoins vedettes

Ceux qui y jouent ce rôle ont aussi des choses à se reprocher et normalement leur témoignage est obtenu contre promesse d'être moins sévère à leur égard. On a même vu des cas où les délateurs s'en sortaient avec une prime de près d'un million de $.

En plus, généralement nous ne connaissons jamais l'étendue de la vraie implication du délateur et même s'il y avait un programme de protection des témoins, les coûts de l'aventure ne sont que très rarement dévoilés.

Dans le présent cas, comment pourront-ils dire ce qu'ils ont vu ou ce à quoi ils ont participé si lors de l'octroi d'un contrat il n'y avait qu'un soumissionnaire ou qu'il était tout simplement le moins cher. Même s'il invoque la collusion, il faut de toute façon des preuves montées par les détectives des différents services de police du Québec. Ici nous sommes en plein domaine judiciaire et le cas de l’entrepreneur en construction et du témoin potentiel dans le dossier des Hells Angels, Paul Sauvé, qui a été laissé seul par la gente policière devrait nous faire réfléchir.



Les ententes hors commission

Ceux et celles qui comme moi ont suivi au quotidien la Commission Bastarache sur la nomination des juges, ne sont pas prêts d'oublier la panoplie d'avocats qui ont gagné leur caviar lors de cette enquête.
 
 J'aurais mal au coeur de voir Maître Ryan, l'avocat du Parti libéral du Québec, revenir défendre ses sans éthique comme il l'a fait à la commission Bastarache. C'est intolérable de penser qu'ils auraient encore la main dans le plat de bonbons pour faire des ententes hors cour avec le juge ou les commissaires pour savoir si tel témoin devrait ou non témoigner et moyennant quel service en retour?



La protection des alerteurs

Comme il n'existe aucune loi pour protéger les personnes qui travaillent dans la fonction publique et pire dans le secteur privé, qui oserait avoir une information à partager avec la Commission d'enquête? Je vous réfère ici à ce qu'a risqué la personne connue sous le nom de ma chouette dans le cas de la Commission Gomery
 
 Il est évident que dès que connue, cette personne n'a plus d'avenir dans la fonction publique, imaginez-la témoigner contre un haut cadre, cela se saurait dans l'univers des fonctionnaires et plus aucun patron ne voudrait risquer de travailler avec une personne alertrice. Si elle travaille dans le secteur privé de l'économie, il faut se souvenir ou je vous l'apprends, que rares sont les personnes qui portent plainte contre leur employeur et ont l'occasion d'y retrouver leur emploi ou un emploi chez le même employeur. Souvent même leur nom apparaît sur des listes noires de gens qu'il ne faut pas embaucher dans le secteur en question.
 
 Dans les cas de discrimination sexuelle, la majorité du temps c'est la personne harcelée qui doit changer d'emploi et ce même après un jugement de cour en sa faveur. Alors imaginez un témoignage devant une commission diffusée à la télévision.

 

L'application des solutions

À partir du rapport Duchesneau, le prochain gouvernement doit confier au Vérificateur général de la province le mandat de faire appliquer des règles qui corrigeraient les lacunes administratives de tous les ministères et sociétés d'État. Il ne faut plus que la situation fédérale se répète au Québec: Stephen Harper le premier ministre du Canada est arrivé à la Chambre des communes sur sa monture blanche avec ses promesses de faire le ménage... C'est pourtant lui qui a enterré le rapport de la commission Gomery. Aujourd'hui son propre parti a récemment été condamné pour avoir détourné la loi électorale dans le domaine de la collecte de fonds ...et il est encore Premier ministre n'est-ce pas!
 
C'est au Vérificateur général qu'il faut confier les mandats de l'éthique dans la fonction publique et ce avec des pouvoirs de licenciement et de poursuites judiciaires


La vraie solution s'attaque au vrai problème

Pour corriger les règles de gouvernance qui posent problème, il faut absolument un gouvernement intègre et qui va oser se mettre à dos l'oligarchie québécoise. Il doit s'engager à modifier le système électoral, le fonctionnement de l'Assemblée nationale du Québec, augmenter les pouvoirs et la juridiction du Vérificateur général du Québec et s'assurer que la Sûreté du Québec a toute latitude pour poursuivre les policitiens véreux. Il doit affirmer un engagement ferme quant au rôle de l'État. Ceci étant, les députés et le conseil des ministres implanteront des règles de gestion protégeant le bien commun et les intérêts des Québécois et non des seuls entrepreneurs comme l'ont fait le Parti Québécois à l'avènement de Lucien Bouchard et le Parti Libéral du Québec sous la gouverne de Jean Charest. Les deux principaux conservateurs de service au Québec.

Pour le passé, puisque ce qui a été fait était illégitime, malavisé mais légal, il ne reste qu'à renforcer les pouvoirs policiers pour aller au bout des enquêtes et voir aussi si la loi canadienne sur la concurrence pourrait s'appliquer à partir d'une pleine juridiction provinciale Si une coalition de députés.es ou un parti politique a les solutions exprimées ci-dessus dans son programme .... vite des élections!

Si ces gens existent c'est à eux de s'engager publiquement et... vite des élections!

Si ces gens existent, c'est à nous de les supporter quelque soit notre peur des étiquettes que ces personnes ou partis portent...vite des élections!


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