Revue de l’actualité – 14 octobre 2011

2011/10/14 | Par Pierre Dubuc

Wapikoniet l’armée canadienne

Tous ceux qui, comme la cinéaste Manon Barbeau, ne comprennent pas les motifs de la fin du financement fédéral au studio Wapikoni mobile auraient intérêt à lire l’article en manchette du Globe and Mail du 13 octobre 2011 « Military Intel Unit Eyes Native Groups » (« La section du renseignement de l’armée surveille les groupes autochtones »).

Avec les projets d’oléoducs dans l’Ouest canadien, du Plan Nord au Québec et de l’ouverture prochaine du Passage du Nord-Ouest, les Autochtones représentent une menace potentielle pour les intérêts des entreprises pétrolières et minières avec leurs revendications territoriales.

Ottawa n’a pas vraiment intérêt à financer un programme qui forme de jeunes autochtones à l’utilisation de cette arme si puissante qu’est le cinéma, tout en leur permettant d’établir des contacts entre les différents groupes autochtones du Canada.

« Diviser pour régner » était un principe clef de cet empire britannique si chéri par le Premier Ministre Harper.

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Retour du « Canadian Business as usual » en Libye

Le ministre des Affaires étrangères John Baird s’est rendu en Libye, accompagné de représentants du géant pétrolier albertain Suncor, de SNC-Lavalin et de Pure Technologies, une firme de Calgary spécialisée dans la construction d’oléoduc.

Le pétrole va continuer à couler à flots, à meilleur prix pour les firmes canadiennes, et SNC-Lavalin va reprendre la construction de la prison, laissée en plan au début de la guerre. La seule différence, c’est que les prisonniers seront des sympathisants de Kadhafi plutôt que des opposants.

Selon les calculs du magazine L’Actualité (1er novembre 2011), ce meilleur positionnement des entreprises canadiennes aura coûté aux contribuables canadiens « 94 millions de dollars, avant même d’avoir calculé la facture de logement des 380 militaires en Italie – où ils sont postés – , leur transport, leur nourriture et la facture de télécommunication. »

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La bataille de Chateauguay de 1812

Le gouvernement fédéral a décidé de célébrer en grandes pompes le bicentenaire de la guerre de 1812 avec les États-Unis qui, selon lui, est ni plus ni moins que l’acte de naissance du Canada. Nous reviendrons sur cette guerre qui a, peut-être, été un autre rendez-vous manqué avec l’Histoire pour le Québec.

Rappelons qu’en 1775, le Québec n’a pas répondu à l’Appel de Philadelphie des révolutionnaires américains qui les invitaient à se joindre à eux contre les Britanniques et qu’en 1838, c’était au tour du président américain Van Buren de rejeter, lors d’un entretien avec Louis-Joseph Papineau, tout appui aux Patriotes, parce qu’il ne voulait pas, à ce moment-là, d’une guerre avec la Grande-Bretagne.

Mais cela ne doit pas nous empêcher de savourer la description de la Bataille de Chateauguay par Raymond Lévesque, dans une chanson composée au cours des années 1960


Mesdames, messieurs qui m'écoutez
Croyez-moi ou croyez-moi pas
J'me suis battu à Châteauguay
Y'a cent cinquante ans déjà
On 'a raconté bien des histoires
Sur cette bataille rangée
Mais moi je vais vous dire à souère
Exactement c'qui s'est passé.

Refrain
Voilà comment ça s'est passé
À la bataille de Châteauguay
Voilà comment ça s'est passé
Sous l'Colonel Salaberry.

- 2 -
C'était aux p'tites heures le matin
On 'était tapis dans les ravins
Le Colonel Salaberry
Était grimpé sur un rocher
Lorsqu'une trompette a sonné
Au Sud, du côté du Vermont
Le Colonel a dit: Tirez!
Ça doit 'être eux autres, c'est Luis Armstrong.
(au refrain)

- 3 -
Après trois quatre coups de feu
Alors on s'arrêtait un peu
Pour leur permettre, c'est normal,
De placer un p'tit commercial
Alors un gars tout plein de grime
De nous vanter les Chevrolets
Le Seven Up ou bien Brylcreem
Et pi après on r'commençait.
(au refrain)

- 4 -
Quand est v'nu le temps de manger
Tout le monde s'est arrêté
On a envoyé un éclaireur
Chercher des hot dogs, des liqueurs,
Il nous a aussi rapporté
Des french fries et des hamburgers
Qu'on n'aurait jamais gagné
Si y'avait pas eu Bromo Seltzer.
( au refrain)

- 5 -
Dans le milieu de la journée
Tout le monde était fatigué
Mais on pouvait pas s'remplacer
Oui car on n'était pas assez
Mais le Colonel [...]
Connaissait plus qu'une gimmick
Pour leur remonter le moral
Il nous a passé des comics.
(au refrain)

- 6 -
La bataille était indécise
Car le Colonel, un malin,
Envoya porter une missive
Au Général américain
Où il disait: coudonc mon Bill
Cette bataille est inutile
De toute façon dans cent ans
Vous aurez tout avec l'argent.
(au refrain)

Raymond Lévesque

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Référendum d’initiative populaire : des leaders frileux


Selon un sondage publié dans le magazine L’Actualité (15 octobre 2011), 59% des électeurs péquistes sont favorables à un référendum d’initiative populaire sur la souveraineté. Mais les leaders souverainistes sont moins enthousiastes.

Ils ne semblent pas apprécier à sa juste valeur cette initiative qui permettrait :

  1. De contrer, lors de la campagne électorale, les arguments des fédéralistes selon lesquels les souverainistes veulent imposer un débat dont le peuple ne veut pas en répliquant : « C’est le peuple qui va décider, s’il y aura un référendum ou pas ».

  2. D’être maître du calendrier en choisissant le moment approprié pour ouvrir le registre des signatures après avoir fait monter la pression dans la bouilloire.

  3. De pouvoir bénéficier d’une pré-campagne de mobilisation avant l’ouverture proprement dite de la campagne référendaire.

Certains craignent que le gouvernement Charest utilise cette arme contre le Québec en mobilisant les anglophones pour une campagne référendaire sur l’adhésion du Québec à la Constitution canadienne. Que répondre à cela?

  1. Qu’il peut très bien le faire actuellement. Le gouvernement Charest a déjà permis la tenue de référendums d’initiative populaire sur les défusions municipales.

  2. Que ce serait très intéressant d’assister à une campagne des anglophones contre le Québec, mais que cela n’aura pas lieu. Pourquoi? Parce que les fédéralistes se souviennent que le tournant de la dernière campagne référendaire, selon plusieurs analystes, a été la célèbre déclaration de Claude Garcia : « On va les écraser! » C’est à partir de ce moment-là que les couches les plus profondes de la population francophone ont commencé à se mobiliser. « Vous voulez nous écraser!? Eh bien, on va voir. » En fait, le Canada anglais a tellement eu la frousse, qu’il ne jouera pas avec le feu référendaire.

Alors, chers dirigeants souverainistes, un peu de renouveau. On ne peut continuer à se comporter comme ces vieux généraux qui ne rêvent que de refaire les batailles qu’ils ont perdues. Humez un peu l’air du temps! Il y a de l’initiative populaire dans l’air !

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