Le pétrole à crédit

2011/10/21 | Par Patrice Roy

L’auteur est syndicaliste et membre du Comité de l’environnement du local 510 des TCA

Dans l’Ouest canadien au cours des années 80, on avait découvert un gisement de pétrole sur une réserve autochtone. Pour une rare fois dans l’histoire de l’Amérique, le pactole de la manne pétrolière fût distribué de façon équitable parmi la petite communauté des premières nations.

L’année de la découverte, les adultes qui reçurent leur part demeurèrent anonymes. Toutefois les jeunes de moins de 18 ans recevaient environs 200 000 $ à leur majorité et faisait par la suite de façon macabre la une des journaux.

Pour cause, un très grand nombre de ceux-ci  menaient une vie de débauche jusqu’à épuisement de leur compte en banque pour ensuite se suicider. Cette situation est le miroir de notre civilisation occidentale.

En effet, nous aurons bientôt consommé la presque totalité du pétrole de la planète. Cette énergie a été créée par un lent travail de la nature sur une période de 5 millions à 400 millions d’années (temps géologique) et aura probablement disparue en moins de 200 ans (temps humain).

L’humanité, et surtout l’Occident, a gagné à la loterie 6/49. Elle a un énorme compte en banque et elle le dépense de façon frivole. Produire une calorie de nourriture aujourd’hui demande l’équivalent en pétrole de 10 à 100 calories.

Notre système économique fonctionne de façon exponentielle avec une quantité d’énergie finie dans un espace fini, la planète. Notre civilisation ne peut donc pas continuer sur cette voie, c’est mathématiquement impossible.

Un baril de pétrole est équivalent au travail de 12 personnes à 40 heures par semaine pendant un an. Il nous est impossible de remplacer cette énergie presque gratuite dans un laps de temps humain.

Selon la pétrolière SHELL, il faudrait découvrir l’équivalent de 4 Arabie Saoudite d’ici 10 ans pour maintenir la consommation actuelle; cela est sans compter la croissance de la Chine et de l’Inde qui représente à eux deux, le tiers de la population mondiale.

Le pétrole est une ressource limitée, non renouvelable; ça ne repousse pas comme des arbres! On peut alors appliquer la méthode bien connue en statistique et utiliser les données de la consommation de brut et en tracer la courbe graphique en forme de cloche.

L’agence internationale de l’énergie (AIE) fondée par l’OCDE en 1974 suite au premier choc pétrolier, a fait cet exercice. Elle a reconnue dans un rapport que la production maximale de pétrole mondiale à partir du brut, avait atteint le sommet en 2006, le haut de la cloche, le PIC PÉTROLIER.

De ce fait nous sommes sur la pente descendante, en une lente diminution de 6% à 9% de la production par année. Bienvenu dans l’ère du pétrole cher, la moitié du compte de banque 6/49 est vide.

Oui, mais on fait de nouvelles découvertes diront certains! Le PIC DES DÉCOUVERTES a été atteint dans les années 70. La production actuelle est de 82 millions de barils par jours. Les annonces en grandes pompes de nouveaux puits ne fournissent souvent même pas la quantité annuelle de la demande.

Et les sables bitumineux diront les autres! Pour produire 3 barils de pétrole albertain, l’industrie en consomme 2. Pour obtenir 1 partie de ce pétrole, l’on salit 4 à 10 parties d’eau.

Les vues aériennes de ce secteur nous montrent des paysages lunaires dont les habitants subissent une épidémie de cancer. C’est une catastrophe écologique visible de l’espace, dans un contexte de surpopulation et de raréfaction de l’eau douce, le choix entre le plein d’essence et le besoin de boire s’oppose.

Ce dilemme est encore plus criant lorsque l’on propose de transformer l’agriculture, base de notre nourriture, en éthanol. De toute façon la totalité des terres cultivables de la planète ne suffirait pas à fournir la demande actuelle de carburant.

Et le grand Nord? Grâce à la technologie l’on pourra maintenant forer en haute mer, par grands vents, sous la couche de glace à des températures pas possible. Les Russes sont en train de fabriquer, en collaboration avec des corporations US et européennes, une plate-forme pétrolière alimentée en électricité par une centrale électrique nucléaire adaptée d’un sous-marin militaire… Fukushima et DeepWater combiné, un nouveau sommet!

L’alternative par la liquéfaction du charbon est techniquement le seul sursis plausible. On pourrait avoir un court répit, car les réserves mondiales de charbon sont estimées à pouvoir nous fournir encore pendant 200 ans. Sa combustion pollue l’air 4 fois plus que ne le fait le pétrole et il faudrait transformer de très grandes régions de la planète en paysage lunaire, comme l’ensemble des Appalaches par exemple.

Je ne suis pas membre d’une secte écologiste dont le pape serait Al Gore. Mon but est seulement de piquer la curiosité. Après tout, on peut également voir que le compte de banque 6/49 est encore à moitié plein. Cela nous donne le temps d’envisager des alternatives : voyez ce que sont la simplicité volontaire et les objecteurs de croissance, faites du vélo, abonnez-vous à communauto, utilisez le transport en commun et ayez à l’esprit que dans l’après pétrole seulement le 1% des plus riches pourront prendre l’avion.

Le scepticisme et l’esprit critique sont une saine gymnastique intellectuelle. Allez donc vous-même vous informer, vous pourrez alors juger si le pétrole est bien de l’or noir, ou comme les vénézuéliens l’appelle : la merdia del diablo!


LIVRES

  • Au bout du pétrole
, par Norman Mousseau

  • Pétrole, la fête est finie,  par Richard
Heinberg

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