De l’Atlantique au Pacifique

2011/10/26 | Par Michel Rioux

On voyait venir ça. Parce que ça ne pouvait pas ne pas arriver et que tout finit par se savoir. C’était en effet une question de temps avant que la réalité canadienne ne rattrape ces angéliques élus québécois qui avaient cru, l’instant d’un 2 mai, peser de tout le poids de leurs 59 sièges dans la formation politique la plus centralisatrice au Canada, le NPD.

Éjarrés comme ils le sont A mari usque ad mare, les députés du NPD ne pouvaient faire autrement que de se retrouver sur le cul, dans la position, inconfortable s’il en est une, de celui et de celle qui, pour avoir voulu marcher sur le fil de fer de l’unité nationale, perd l’équilibre et se retrouve Gros Jean comme devant.

On ne leur fera pas un mauvais procès. La majorité est sans doute sincère. La plupart savent ce qu’ils doivent à saint Jack, comme les 106 députés libéraux élus en 1973 savaient ce qu’ils devaient à Robert Bourassa. On les appelait d’ailleurs les saint Robert…

Mais force est de constater qu’il n’y a pas que le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, qui se sera illustré durant la première semaine de la session d’automne. Comment ? Aurait-on déjà oublié le fait d’armes de l’honorable manitobain ? Le projet de loi C-10 va réduire les libérations conditionnelles, allonger les peines d’emprisonnement, multiplier les procès et, en conséquence, forcer la construction de prisons, l’embauche d’agents correctionnels et de procureurs de la Couronne. Le PQ a évalué au bas mot à 500 millions $ les coûts entraînés par cette réforme qui va à l’encontre des valeurs québécoises.

La réponse du l’honorable manitobain au ministre Dutil, qui lui demandait, bien poliment pourtant, d’assumer ces coûts dont le fédéral est responsable ? « Pas de problème ! Coupez dans vos programmes sociaux. Dans la santé. Dans l’éducation. On vous donne de l’argent. Dépensez-le comme du monde ! » Sont majoritaires…


Le coq a chanté trois fois

Celles et ceux qui ont encore un peu de religion se souviendront que le coq avait eu le temps de chanter trois fois, sur le Golgotha, pendant que saint Pierre trahissait son maître. C’est ce qui est arrivé coup sur coup au NPD, trois fois plutôt qu’une.

Dans l’affaire du contrat de 35 milliards $.

Dans l’histoire du juge unilingue à la Cour suprême.

Dans la réaction à la « patente à gosses » de Jean Charest.

La plus grande cale sèche au Canada, celle de la Davie à Lévis, n’a rien obtenu du faramineux contrat de navires de guerre. Avec qui sommes-nous en guerre, en passant ? L’Atlantique et le Pacifique vont se répartir les contrats. « C’est un grand jour pour le Canada ! », s’est écrié le député Peter Stoffer du NPD. Pour ne pas demeurer en reste, Nycole Turmel accusait le gouvernement Harper d’avoir laissé tomber le Québec.

Dites donc, se parle-t-on dans ce parti ? De son côté, le ministre conservateur des Anciens Combattants, Steven Blainey, ci-devant député de Lévis, n’a jamais si bien porté un titre. S’est pas battu bien fort, le ministre. Un ancien combattant, oui.

C’est le journaliste Raymond Giroux, du Soleil, qui a le premier attiré l’attention sur ce cas révélateur. « Le NPD nous roule dans la farine… », a-t-il écrit. Après que le député Yvan Godin a sonné la charge pour que les juges de la Cour suprême soient bilingues, son collègue Joseph Comartin entérinait, dans un comité, le choix d’un candidat unilingue.

À un journaliste qui lui demandait s’il n’y avait pas là une contradiction, Nycole Turmel, qui semble parler deux langues secondes, manifestement de bois, a expliqué la position du député. « Non, il n’est pas contradictoire. Nous avions des critères – il n’y a pas de loi présentement, donc – et la liste – je n’ai pas vu la liste, il y a des personnes bilingues et donc M. Harper avait le choix. » Comprenne qui pourra.

Et, finalement, où Jean Charest a-t-il trouvé le seul appui politique quand il a rendu publique la création de sa « patente à gosses » ? Au NPD, par la bouche du président du caucus québécois, Guy Caron, député de Rimouski. « Le NPD tient à saluer la décision du gouvernement de Jean Charest de mener une commission d’enquête publique sur la corruption et la collusion dans l’industrie de la construction. » Être seul à avoir le pas, ça vous fait une belle jambe.

Trois fois en trois jours ! Seigneur ! Que sera-ce dans trois ans !

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