Les filles du Crazy

2011/11/10 | Par Ginette Leroux

Film d’ouverture des Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM), « Crazy Horse », dernière mouture du documentariste Frederick Wiseman, ouvre les portes du célèbre club parisien, le nec plus ultra de l’érotisme et de l’éternel plaisir d’aimer, prétend-on. 

FRANCE/ÉTATS-UNIS. V.O. française.134 min.

Note :

L’institution culturelle, de renommée internationale qui a pignon sur rue depuis 1951 dans la capitale française, a, pour l’occasion, donné carte blanche au cinéaste américain, habitué à scruter les grandes structures sociales de notre époque. Déjà, en 1996, sa caméra s’était immiscée dans les coulisses de la Comédie-Française avant de poursuivre sa conquête parisienne, en 2009, dans la prestigieuse l’Opéra de Paris.

« L’institution a pour moi la même finalité que les lignes et le filet sur un court de tennis, elle fixe les limites », dit Frederick Wiseman, réalisateur, monteur, preneur de son et coproducteur, natif de Boston où il a commencé une carrière de professeur de droit avant de se consacrer, dès 1967 au cinéma documentaire.

Pendant trois mois, Wiseman, aujourd’hui âgé de 81 ans, a filmé les répétitions du spectacle « Désirs », menées par Philippe Decouflé, chorégraphe attitré de la maison. Lumina, Nooka, Zula, danseuses au corps parfait, exécutent des mouvements réglés au quart de tour, qui parfois tiennent de la haute voltige. Costumes de lumière, qui découpent et dénudent les fesses bien rondes, premier critère d’embauche au Crazy, perruques fantaisistes, faux cils et maquillage, tout ces artifices concourent à atteindre la perfection, qualité première des spectacles présentés au Crazy Horse depuis ses débuts.

L’attentif cinéaste ne se contente pas de montrer ce qui captive les yeux des spectateurs, il introduit sa caméra dans les coulisses du Crazy. Régisseurs, directeur artistique, metteur en scène et directrice de l’établissement discutent ferme de la nécessité de préserver la qualité des spectacles. Ces travailleurs de l’ombre critiquent l’avidité des actionnaires qui n’ont d’autre intérêt que celui du profit à encaisser. La costumière vient défendre, devant la caméra, son métier dont les conditions se détériorent. Elle revendique le droit au plaisir que lui a toujours procuré la satisfaction du travail accompli.

Puis, la caméra ouvre l’œil sur la salle où les clients prennent place. « Bonsoir. Good evening », messieurs, dames. L’accueil est élégant, le champagne prend le frais sur la table. Les clients sont photographiés, la meilleure photo est sélectionnée et remise à chacun en souvenir de son passage au « famous club parisien ».

« Le tout Paris est au Crazy, le Crazy, c’est tout Paris », entonnent les filles, parures stylisées de chacune des lettres formant le mot « Désir », le titre du plus récent spectacle de l’établissement.

Il est dit que « Crazy Horse », le 39e documentaire de Frederick Wiseman, est le plus divertissant. Mais, au passage, on peut se demander si l’incursion au sein de « l’écrin du raffinement érotique parisien » ne s’éloigne pas de la critique sociale qui a fait la réputation du cinéaste? À vous de juger!

Crazy Horse est présenté le 12 novembre à 17h30 à la Salle-Claude-Jutra de la Cinémathèque québécoise. Le film prendra l’affiche au Cinéma du Parc le 25 novembre 2011.

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