« Game over! Go to hell! Freedom! » Les slogans d’une révolution en direct

2011/11/18 | Par Ginette Leroux

Dès les débuts du soulèvement populaire en Égypte, Stefano Savona, Canon 5D au poing, plonge directement dans la foule qui se forme place Tahrir au centre de la capitale égyptienne. Le cinéaste italien passe dix-huit jours, coude à coude, au milieu des milliers de manifestants cairotes, enivrés par la perspective de mettre fin aux trente années de répressions du régime dictatorial de Hosni Moubarak. De ce fait, les Égyptiens se mettent à rêver d’une liberté qui semble à leur portée.

Les premières images du film montrent la foule qui grossit, se resserre et fonce d’un bloc, tel un véritable bataillon, contre la police d’État. La riposte est sanglante. Si, au départ, l’armée tirait en l’air pour intimider les manifestants, ils ont vite fait de changer leur fusil d’épaule lorsqu’on les attaque à coups de pierres. La foule s’échauffe. Les contestataires se ravitaillant à même les pavés qu’ils concassent sur place. Tôt ou tard, les blessés seront nombreux. Le sang coule, on resserre les bandages.

FRANCE/ITALIE, V.O.Arabe. S.T.F. 91 min.

Note :

L’intérêt de ce film « à hauteur d’homme » réside dans le choix de Savona de personnaliser la révolte en donnant la parole, dans cette foule immense, à des jeunes, garçons et filles, qui livrent à vif leurs opinions, leurs solutions ainsi leur espoir bardé d’inquiétudes et de rêve de liberté. Autour d’eux, des gens de tous les milieux et de tous les âges discutent en petits groupes. Certains prennent individuellement le micro pour crier, avec ferveur, leur foi inébranlable dans les gestes qu’ils sont en train de poser. Ensemble, ils inventent des slogans qu’ils scandent, à s’époumoner, en anglais (!). « Game over! Go to hell! Freedom! (Ton temps est écoulé! Que le diable t’emporte! Liberté!) » Tous unis, malgré leurs yeux inquiets ou leur souffle retenu, devant l’inconnu. Finie, l’oppression. Abolie, la peur. Le peuple égyptien marche vers la démocratie.

Rappelons que le documentariste palermitain, né en 1969, a obtenu la mention Image au RIDM en 2009 pour son film « Plomb durci », un document saisissant dans lequel il a capté les images quotidiennes tragiques de cette opération menée dans la Bande de Gaza en 2009. L’œil exercé du cinéaste, archéologue de formation, de même que son intime connaissance de la capitale égyptienne, qu’il fréquente annuellement depuis plus de 20 ans, lui ont permis de filmer, en direct, ce rendez-vous des Égyptiens avec leur destin.

On sait que depuis ces jours de révolte, la grogne a fait place au désarroi, au chaos. Laissons le dernier mot à Wassyla Tamzali, avocate, auteure et militante féministe algérienne, qui a accepté de donner une entrevue à l’aut’journal. Voici des propos rapportés par notre journaliste Louise Mailloux : « Que font les Égyptiens, pour dire au monde entier qu’ils sont démocrates? Ils rappellent les Frères musulmans. Et c’est pour répondre aux Nations-Unies, pour répondre à l’Union européenne, parce que cela fait une dizaine d’années que nous nous heurtons aux Occidentaux qui nous disent : «Que l’on ne peut pas faire de démocratie, sans les islamistes». Bien voilà, ils sont là maintenant! »


Tahrir, Place de la Libération est présenté le 20 novembre à 13h30 à la salle Claude-Jutra de la Cinémathèque québécoise.

Bookmark