L’avenir de l’enseignement collégial en région

2011/12/05 | Par Jean-François Girard

Créé en 1967, le réseau des cégeps est un des acquis importants de la Révolution tranquille, un fleuron du système d’éducation québécois. Les 48 cégeps québécois sont des établissements d’enseignement publics bien implantés dans toutes les régions du Québec qui ont toujours favorisé l’accessibilité à l’enseignement supérieur pour le plus grand nombre d’étudiantes et d’étudiants, et ce, dans une perspective d’occupation dynamique du territoire.

La présence d’une institution collégiale dynamiqsue qui offre des programmes de formation diversifiés à Gaspé, Rimouski, Sept-Îles, Shawinigan, Saint-Félicien ou Rouyn-Noranda, par exemples, c’est l’assurance que nos jeunes aient accès, à peu de frais, dans leur propre région, à une éducation supérieure qui les mènera ensuite à l’université ou les préparera au marché du travail.

Un cégep c’est plus qu’une école, c’est un soutien essentiel au développement social, économique, technologique et culturel d’une région. Un cégep c’est un acteur incontournable dans le milieu, au cœur des enjeux relatifs au développement régional et à l’occupation dynamique du territoire.

De nombreux collèges publics du Québec vivent présentement des difficultés dont les causes dépassent largement leur champ d’action locale. Certains collèges sont notamment aux prises avec des baisses d’effectifs étudiants récurrentes.

Au Bas-Saint-Laurent, par exemple, on devrait assister à une baisse des effectifs étudiants au collégial de 26 % entre 2006 et 20191. Au Cégep de Gaspé, le nombre total d’élèves prévu en 2015 est de moins de 4001.

Dans un contexte de hausse de frais de scolarité et de compressions budgétaires, cette situation pourrait mettre en péril certains programmes d’études offerts en région et menacer l’avenir même de certains établissements, diminuant ainsi l’accessibilité aux études et amplifiant l’exode des jeunes vers les grands centres.

Parallèlement, des cégeps urbains sont aux prises avec des populations étudiantes qui ne cessent de croître, au point où de nouveaux locaux doivent être aménagés si ces collèges ne veulent pas être contraints de refuser des élèves, comme sur l’île de Montréal où cet automne quelque 900 jeunes n’ont pu s’inscrire faute de place.

Depuis le début de l’automne, de concert avec les autres syndicats affiliés à la Fédération des enseignantes et enseignants de cégep (FEC-CSQ), le Syndicat des enseignantes et des enseignants du Cégep de Rimouski (SEECR) travaille à sensibiliser les divers intervenants sociopolitiques régionaux et à obtenir leur soutien.

L’objectif poursuivi est de créer une mobilisation régionale et nationale obligeant le ministère de l’Éducation, du Loisir et des Sports (MELS) à mettre en place des solutions permettant le développement des cégeps en région et le maintien d’un véritable réseau collégial sur tout le territoire québécois.

Des pistes de solutions concrètes, structurantes et durables existent. Voici les mesures que nous avons identifiées comme étant les plus porteuses :

1) Gérer l’offre de formation collégiale avec une vision nationale cohérente évitant notamment les programmes en concurrence;

2) Implanter un mécanisme de centralisation des demandes d’admission qui permettra de mieux les répartir dans le réseau;

3) Combler les places disponibles dans les programmes à faible effectif de certains collèges avant d’accorder de nouvelles autorisations de ces mêmes programmes dans d’autres collèges;

4) Mettre en place des incitatifs, financiers ou autres, pour favoriser la mobilité des étudiantes et des étudiants dans le réseau;

5) Implanter des programmes exclusifs permettant aux collèges ciblés de se démarquer dans des niches spécifiques;

6) Accorder la priorité aux programmes offerts en région au moment du recrutement d’étudiantes et d’étudiants étrangers;

7) Valoriser la formation technique notamment par des campagnes nationales de promotion;

8) Réviser certains éléments du mode de financement actuel du réseau collégial afin de tenir compte des réalités régionales.


Ce sont là des solutions relativement faciles à appliquer et somme toute assez peu couteuses. Leur mise en œuvre nécessite une intervention concertée qui suppose l’affirmation d’une volonté politique ferme de la part des autorités gouvernementales. Or, afin de faire preuve d’une telle volonté politique, les autorités ministérielles ont généralement besoin d’y être incitées et amenées par un ensemble de démarches orchestrées par le milieu.

Dans les prochains mois, le SEECR interpellera la population et de nombreuses organisations. Nous avons besoin d’un appui clair, fort et durable de la part du milieu régional. C’est une lutte qui nous concerne tous.

Si rien n’est fait rapidement pour consolider le réseau des collèges publics, la situation deviendra dramatique quand de nombreux collèges auront à composer avec les baisses démographiques appréhendées. Lorsqu’un cégep du réseau s’affaiblit, ce sont tous les autres qui deviennent plus fragiles et plus vulnérables.

L’avenir des cégeps en région c’est l’avenir de tout le réseau collégial. La vitalité d’un cégep en région c’est la vitalité de toute une région et c’est l’avenir des jeunes qui y vivent.

Le gouvernement québécois doit agir enfin et démontrer qu’il a une conception cohérente du système d’éducation, une vision claire du développement régional et un réel désir d’appliquer le concept d’occupation dynamique du territoire.

1 Direction de la recherche, des statistiques et de l’information du MELS, Prévisions de l’effectif étudiant au collégial, mai 2010.


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