Plan Nord : les travailleurs miniers n’ont pas voix au chapitre

2011/12/05 | Par Daniel Roy

L’auteur est directeur québécois du Syndicat des Métallos.

Pour l’élaboration du Plan Nord, Québec a procédé à des consultations, mais le plus souvent en vase clos. Aucune organisation syndicale n’a été associée aux discussions. Le gouvernement a bien créé une table des partenaires avec des représentants des régions, des communautés autochtones, des entreprises minières, du milieu de la faune et de la pêche ou encore d’Hydro-Québec. Mais pas l’ombre d’une organisation syndicale.

Un groupe de travail sur le secteur minier a également été formé, mais là encore, on n’a pas pensé y inviter les représentants des travailleurs.

Voilà qui commence mal un partenariat. Cela s’inscrit en plein dans la foulée des décisions du gouvernement libéral des dernières années qui a évincé les organisations syndicales des instances de développement locales et régionales (CLD et CRD) en créant les Conférences régionales des élus (CRE).

Rappelons que le Syndicat des Métallos représente la majorité des travailleurs du secteur minier, en particulier sur le territoire visé par le Plan Nord. Il faudra s’assurer que nos membres aient voix au chapitre.

Pour l’heure, 7200 personnes travaillent à l’exploitation minière au Québec et 2400 autres à des projets d’exploration. En 2020, c’est plutôt 11 300 personnes qui seront affectées à l’exploitation et 3400 à l’exploration.

Ce n’est pas tout. Il faudra remplacer les travailleurs qui partent à la retraite ou qui changent simplement de métier. Dans l’ensemble du Québec, c’est 5600 personnes qu’il faudra embaucher d’ici cinq ans, et 12 800 d’ici 10 ans. Un rythme d’enfer!

Précisons que c’est dans le Nord du Québec où les besoins de main d’œuvre seront les plus importants, soit 2500 personnes d’ici 5 ans et 7500 d’ici 10 ans. L’Abitibi et la Côte-Nord se partageant les autres embauches.

Paradoxalement, c’est aussi dans le Nord du Québec que le bassin de population est le moins important. C’est donc dire que ces installations minières reposeront en grande partie sur le modèle du fly in fly out – communément appelé FIFO.

La formation des travailleurs suffira-t-elle à répondre à la demande? Déjà, dans le Plan Nord, on dit vouloir recruter des travailleurs étrangers. Les modalités ne sont cependant pas définies, ce qui a de quoi inquiéter.

Depuis 2007, le gouvernement fédéral, dirigé par Stephen Harper, a assoupli les règles du Programme de travailleurs étrangers temporaires pour permettre aux entreprises d’embaucher des employés non qualifiés dans presque tous les corps d’emplois. Ce programme est devenu encore plus permissif l’an dernier puisque les entreprises doivent seulement montrer que le poste a été affiché pendant 7 jours sur un site Internet, après quoi elles sont réputées faire face à une pénurie.

Soyons clairs : nous n’avons rien contre l’immigration. Les gens de l’extérieur qui choisissent de s’établir au Québec et de partager notre destin, d’apprendre notre langue, sont les bienvenus.

Mais le Programme des travailleurs étrangers temporaires, c’est autre chose! Ces personnes ne sont ici que pour une période de deux ans, renouvelable une seule fois, soit un séjour maximal de quatre ans. Très souvent, les entreprises préfèrent embaucher cette main-d’œuvre « jetable » et même « renvoyable » plutôt que d’offrir des conditions décentes.

Ce programme donne lieu aux pires abus. On le voit en Alberta où le nombre de travailleurs étrangers temporaires a presque triplé depuis 2006, passant de 22 000 à 58 000 par année. Des étrangers se laissent séduire par les belles paroles de « courtiers » en travail. Dans les faits, plusieurs se retrouvent avec un salaire très minimal, entassés dans un petit appartement pour lequel ils doivent payer plusieurs milliers de dollars par mois. S’ils ont le malheur de se brouiller avec leur employeur et que ce dernier les congédie, ils sont renvoyés illico dans leur permis, le permis de travail étant lié à l’employeur. Une infime minorité peut espérer accéder à un statut de résident permanent.

Es-ce le type de travailleurs étrangers auquel on fait référence dans le Plan Nord? Si c’est le cas, non merci! On ne veut pas d’un tel modèle.


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