L’économie de la haine se porte à merveille

2012/01/26 | Par Stéphanie Beaupied

Alain Deneault nous avait déjà donné deux livres nécessaires Offshore. Paradis fiscaux et souveraineté criminelle et le désormais censuré Noir Canada. Pillage, corruption et criminalités en Afrique. Avec L’économie de la haine, une suite logique de ses ouvrages précédents, le philosophe persiste et signe, malgré une poursuite-bâillon de 6 millions de dollars menée par le premier producteur d’or mondial BarrickGold.

Deneault nous livre douze essais philosophiques sur la censure, la souveraineté des États et la société civile. Comment se fait-il que les institutions économiques et politiques nous font «haïr sans qu’il n’y paraisse ?», se demande Deneault.

On comprend le titre «L’économie de la haine» dans un article fort intéressant qui traite de deux cas de «génocide involontaire» du terme anglais plus éloquent «corporate genocide». Négligence, indifférence, estimations frauduleuses, études d’impacts inadaptées aux peuples, documentation inaccessible, liens avec l’armée locale tels sont les plans industriels des corporations qui s’apparenteraient à des «génocides involontaires» selon Deneault. Ces plans dits de «développement durable» sont de surcroît financés, entre autres, par la Banque mondiale avec des fonds d’aide au développement.

En Équateur, la construction d’un oléoduc à travers la forêt amazonienne et les activités de la pétrolière Texaco menacent la survie des peuples amérindiens Tetete et Sansahuari. Deneault souligne que «les marées noires restent légion en Équateur. C’est l’équivalent d’un Exxon Valdez tous les 2-3 ans qui fuit aux abords des exploitations, principalement amérindiennes».

Au Mali, la société aurifère sud-africaine et canadienne (AngloGold, IamGold) exploite des mines d’or à ciel ouvert et contamine avec ses boues cyanurées les nappes phréatiques. «Terrible augure, les oiseaux ont été les premières victimes du traitement de minerai sulfuré, tombant comme des mouches après s’être abreuvés à un marais de la région. Même chose pour le bétail. Jusqu’à ce que les maux de ventre frappent les femmes massivement et se traduisent par une récurrence fort anormale de fausses couches.» Quatre femmes sur cinq selon une étude malienne, si bien qu’il n’y a que des enfants de trois ans et plus dans la région de Yatela.

Il y a les peuples détruits et ceux qui survivent à petit feu pour qui les cancers et infections, troubles neurologiques de tout genre font partie du quotidien. Deneault appelle les communautés autochtones « les résistantes » et les « survivantes », «leur mode de vie est une alternative à l’idéologie néolibérale», «une façon amérindienne de vivre l’humanité» avait écrit le poète Gaston Miron.

Alain Deneault conclut avec un vif plaidoyer contre l’inertie et contre la censure car, en gardant le silence, on se fait complice du pire. «Tout se passe si loin qu’on se sent soi-même étranger à tant de haine. Et blanchi. Moralement.»

L’économie de la haine
Les Éditions Écosociété
2011







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